• Aucun résultat trouvé

Déroulement de la recherche et collecte des données

PARTIE B : RECHERCHE

Chapitre 7. Cadre théorique

10. Le comportement scénique. Nous avons demandé aux enseignants de travailler avec leurs élèves les aspects qu’ils estimaient important dans le comportement scénique

8.4 Déroulement de la recherche et collecte des données

8.4.1 Entretiens a priori et prestations instrumentales des professeurs Nous avons conçu un entretien exploratoire de type semi directif (Quivy et Campenhoud, 1995) avec les professeurs concernés. Le but de nos entretiens a priori a été celui de savoir quelle relation à l’interprétation et à son enseignement entretiennent les professeurs qui participeront à notre recherche.

Cet entretien comporte sept questions communes : 1. Pour toi, l’interprétation, c’est quoi?

2. Quelles relations technique et interprétation entretiennent-elles l’une avec l’autre ? 3. L’interprétation se construit-elle ? Si oui, comment ? Si non, comment saisir qu’elle

est ‘déjà là’?

4. A quel moment des études instrumentales faut-il aborder l’interprétation, à ton avis ?

5. Est-ce que l’interprétation est à aborder à chaque leçon / par touches / continûment ?

6. Quels sont les principaux outils pour faire progresser un élève en matière d’interprétation ?

7. Quels sont les paramètres interprétatifs que tu abordes avec tes élèves ?

D’autres questions ont été ajoutées lors du déroulement de l’entretien, afin d’approfondir certains aspects liés aux conceptions que les enseignants ont montré sur l’interprétation et

son enseignement. Lors de ces questions supplémentaires, nous nous sommes appuyée sur les techniques des entretiens d’explicitation (Vermersch, 2011).

Ce format souple d’entretien a permis d’avoir une base commune, mais aussi un approfondissement personnel. Les entretiens ont été filmés avec caméra sur pied fixe où figurent l’interviewer et l’interviewé. Ceci nous permet de voir les éventuels mouvements corporels accompagnant l’entretien. Les techniques utilisées sont celles propres aux entretiens semi directifs et d’explicitation, ainsi qu’à certaines techniques de la Programmation Neuro Linguistique (PNL, Bertrel, 2009 ; Ready, Burton & Millêtre, 2010).

Nous avons notamment utilisé les techniques de la PNL de l’écoute active et de la reformulation. La première technique consiste à accompagner le discours de l’interviewé avec des gestes et des onomatopées qui indiquent l’intérêt de l’interviewer. Cette technique encourage l’interviewé à s’exprimer davantage. La reformulation est une technique qui consiste, comme son nom l’indique, à reformuler les phrases de l’interviewé par l’interviewer. Cela permet de s’assurer d’avoir pleinement et correctement compris les propos de l’interviewé et incite ce dernier à apporter des précisions, des compléments d’informations ou encore à éclaircir à soi-même ses propres idées.

Les professeurs participants à l’étude ont réalisé un enregistrement vidéo des trois

morceaux qu’ils enseigneront à leurs élèves pendant la première année de violoncelle. Cet enregistrement a comme but de connaître les professeurs dans leur rôle d’interprète de ces trois œuvres. Toutefois, nous avons tout de suite compris que la facilité technique de ces morceaux et l’usage en quelque sorte privé de ces enregistrements ont été des éléments qui ont fait manquer l’enjeu de la performance. De plus, la distance technique et musicale qui sépare le professionnel et l’élève débutant a joué un rôle important dans la réalisation sonore des trois œuvres. Enfin, Le statut même de ces performances a été très différent.

Alors que pour les professeurs la prestation instrumentale constituait une clause du contrat de recherche, pour l’élève il s’agissait d’une forme d’évaluation du travail accompli en classe. Alors que les professeurs ont vécu ces enregistrements comme une simple tâche qui n’a eu aucun impact dans leur rôle d’interprète, pour les élèves il a été question de rentrer pour la première fois de leur vie dans le rôle et la posture d’interprète.

C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas tenir compte des prestations des professeurs lors de nos analyses et de ne pas inclure ces données dans notre recueil.

8.4.2 Consignes données aux professeurs

Avant l’entretien a priori, les professeurs ont reçu le formulaire de consentement (cf.

annexe 8e, Formulaire consentement professeurs), qui contient les consignes. Nous reportons ici un extrait de ce formulaire.

En participant à cette recherche en tant qu’enseignant de violoncelle, vous vous engagez - à faire un enregistrement vidéo d’une performance de trois morceaux (Ann and Dan

de S. Nelson, Mélancolie de Moss, in Marcinkowska et Full Moon de Colledge) en début d’année scolaire et à faire travailler ces trois mêmes morceaux à vos élèves débutants ayant accepté de participer au projet durant l’année scolaire 2016/17 ; - à aborder avec eux les paramètres suivants : nuances, tempo et caractère, accents,

articulations, phrasé, respirations, indications agogiques, timbre, filage,

comportement scénique (comment s’asseoir, saluer le public, comment terminer un morceau, comment quitter la scène etc.). La durée de travail de chaque pièce

musicale choisie est à votre discrétion ;

- à filmer tous les cours concernant ces trois pièces et une petite performance finale,

qui peut être réalisée lors d’une audition, d’un contrôle ou examen, ou simplement lors d’un filage en classe.

Ce protocole souple est choisi pour observer la situation de cours dans son authenticité.

Nous savons bien que la présence de la caméra peut être invasive, de ce fait nous avons cherché à rendre tous les autres paramètres le plus ‘normaux’ possible.

Le choix des œuvres et les consignes de nature interprétatives ont été choisies par nos soins pour satisfaire deux critères importants : un répertoire commun pour le choix des œuvres (cf. supra) et des paramètres ‘objectifs’ qui ne donnent aucune indication sur une conception particulière de l’interprétation.

Afin de se rapprocher le plus possible des situations « ordinaires » des cours, nous avons opéré aussi d’autres choix protocolaires.

Notre premier choix protocolaire a porté sur les modalités d’enregistrement vidéo. Nous avons demandé aux professeurs de filmer eux-mêmes les leçons concernant le travail des trois œuvres sur l’année scolaire (cf. supra, annexe 8e). Nous avons opté pour cette solution afin d’éviter la présence invasive d’une personne extérieure aux cours. Nous sommes tout de même restée à disposition pour filmer les cours, si les professeurs refusaient de le faire.

Mais les professeurs ont préféré filmer eux-mêmes.

Notre deuxième choix protocolaire concerne la mise en œuvre de l’enseignement. Nous avons laissé une grande liberté d’action aux professeurs, notamment dans les paramètres suivants :

- Le choix du moment de travail de chaque pièce au cours de l’année scolaire ; - La durée de chaque séquence didactique ;

- La durée de travail de chaque morceau à l’intérieur de chaque leçon ; - Les modalités de travail de chaque morceau ;

- L’ordre d’introduction de chaque morceau pendant l’année scolaire ;

- La modalité de performance publique : un filage en classe qui est explicitement définit comme performance publique (la présence de la caméra en peut être une forme) ; une audition de classe ; un examen ou un contrôle ; ou toute autre forme où l’élève est plongé dans la posture d’interprète par le truchement d’une performance.

Les limites de cette partie du protocole se trouvent dans le fait que certains professeurs n’ont pas filmé les cours où ils n’ont pas enseigné les morceaux : certains professeurs ont l’habitude de donner un morceau sans le déchiffrer ensemble en classe, mais ils agissent didactiquement de diverses manières. Par exemple :

- Ils jouent le morceau pour l’élève ;

- Ils donnent des consignes techniques (mettre les doigtés, travailler seulement une partie, travailler sans les liaisons, etc.) ;

- Ils donnent un enregistrement du morceau.

Nous avons pu constater, lors du visionnement des films, que les professeurs ont effectivement parfois donné les morceaux à travailler à la maison sans les déchiffrer en classe. Nous avons alors procédé à des entretiens téléphoniques pour savoir :

- Si un modèle sonore avait été donné à l’élève par monstration. Autrement dit, nous avons demandé aux professeurs s’ils avaient joué le morceau pour l’élève ;

- Si des consignes préalables avaient été données ; - Si un enregistrement a été fourni à l’élève.

En ce qui concerne le fait d’avoir joué certains morceaux en classe avant de les donner

comme travail à domicile, les professeurs n’ont pas toujours été à même de répondre : au moment de l’entretien, ils avaient parfois oublié s’ils avaient joué le morceau pour l’élève ou pas. Il en va de même pour les éventuelles consignes données aux élèves. Les

professeurs ont en revanche confirmé ne pas avoir réalisé ni donné un enregistrement des morceaux à leurs élèves. P4 a été remplacé lors du premier cours de Full Moon et ce cours n’a pas été filmé par le remplaçant : nous n’avons donc pas la totalité des données à notre disposition en ce qui concerne la séquence didactique de Full Moon de E4.

Nous avions anticipé toutes ces limites, mais nous avons pensé qu’il était préférable avoir des données moins complètes mais plus près de la réalité des cours, plutôt que d’avoir toutes les données, mais biaisées par la présence envahissante de la chercheuse ou encore par un respect artificiel des consignes de la part des professeurs.

8.4.3 Prise de vidéos

Les vidéos ont été réalisées avec une caméra sur pied fixe. Nous avons proposé de fournir des caméras, mais chaque professeur a préféré utiliser son matériel, pour de raisons de familiarité avec celui-ci. De ce fait, il y a eu une grande disparité entre les appareils utilisés.

P1, P2 et P4 ont utilisé une caméra de leur propriété. P3 a demandé à la mère de E3 de filmer avec son téléphone portable : la qualité des vidéos est inférieure aux autres et des nombreuses coupures sont présentes. Lors d’un entretien téléphonique (le 17 septembre 2018) P3 a confirmé avoir filmé tous les cours des séquences didactiques. Nous avons visionné les films avec attention et nous pouvons confirmer que seulement des petites coupures sont présentes et qu’elles ne compromettent pas la compréhension du contenu : par exemple, on entend clairement le début d’un mot à la fin d’une prise et la fin du même mot au début de la prise suivante.

Concernant le choix des moments à filmer, nous avons choisi entre trois possibilités qui s’ouvraient à nous :

1. Filmer tous les cours de violoncelle de l’année scolaire ;

2. Filmer les cours où les œuvres proposées étaient travaillées intégralement.

Autrement dit, filmer les cours en entier ;

3. Filmer uniquement les moments de travail des œuvres proposées.

Nous avons opté pour la troisième solution, car nous voulons nous focaliser sur les séquences didactiques concernant les trois œuvres proposées. Dans les ormes de Dolz et Schneuwly, « on peut définir une séquence didactique comme un ensemble de périodes scolaires organisées de manière systématique autour d’une activité » (1998, p. 93). Notre activité est l’apprentissage d’une œuvre musicale, en vue d’une performance publique.

Nous sommes donc devant trois séquences didactiques.

En ce qui concerne les deux autres options, nous avons décidé de les abandonner.

En effet, en choisissant la première option, le choix d’analyse des séquences didactiques aurait perdu son sens. Cependant, la possibilité de filmer tous les cours de l’année scolaire pouvait être adoptée pour observer le travail accompli par les professeurs en matière d’enseignement de l’interprétation. Nous reviendrons dans un instant et de manière plus approfondie sur les raisons de l’abandon de cette option.

La deuxième option, consistant à filmer l’intégralité des cours des séquences didactiques portant sur les œuvres choisies, a été écartée immédiatement : elle constituait, à nos yeux, un hybride apportant uniquement des éléments ‘polluants’ l’observation.

Revenons aux deux choix qui s’ouvraient à nous : filmer tous les cours de l’année ou uniquement les moments de travail des œuvres choisies.

Nous avons écarté la première possibilité parce que nous aurions eu :

- Une quantité de données supérieure à notre possibilité d’analyse dans ce cadre ; - Un nombre bien plus important de variables qui, en interaction les unes avec les

autres, auraient risqué de polluer les résultats ;

- Une demande d’engagement beaucoup plus importante de la part des professeurs, qui auraient peut-être décidé de ne pas participer à l’étude ;

- Une invasion trop importante dans l’intimité du cours individuel.

En revanche, la deuxième option, consistant à filmer uniquement les moments de cours portant sur les œuvres choisies, nous a semblé avoir les avantages suivants :

- Les films constituent des sortes de capsules sur les œuvres choisies, elles nous donnent une idée précise du travail accompli à partir de ces œuvres, soit-il technique ou interprétatif ;

- Les professeurs et les élèves se sont sentis moins envahis par la présence de la caméra ;

- Les professeurs ont pu mieux gérer les prises de vidéos ;

- Le nombre et la nature de données sont pertinents pour nos questions de recherche et ciblés sur les œuvres ;

- Il n’y a pas d’éléments polluants (par exemple le travail sur d’autres formes d’interprétation telles l’improvisation, l’invention d’histoires sur des sonorités, etc.) ;

- L’intimité du cours individuel est garantie en grande partie.

Certes, un certain nombre d’inconvénients sont présents. Nous avons pondéré ces aspects et en déduisons que :

- La prise de vidéos de l’intégralité des cours de la première année de violoncelle nous aurait donné un panorama complet du travail que ces professeurs ont accompli sur l’interprétation avec leurs élèves débutants. Toutefois, P3 et P4 ont participé à notre projet de recherche ICE MODE (cf. 5.4). Les vidéos des cours pris par leurs soins à cette occasion-là ne sont pas liées à des obligations de destruction post-analyse ; ces films sont encore en notre possession et nous pourrons étudier, lors d’une prochaine étude, le travail interprétatif accompli sur la première année de violoncelle ;

- Nous avons pris en considération l’éventualité d’un recueil de donnée quelque peu incomplet. Par exemple, les moments où le professeur joue le morceau pour l’élève avant de le donner comme travail à la maison, les consignes données toujours dans ce cadre, etc. Encore une fois, nous pensons que notre choix montre les moments où le professeur travaille de manière délibéré les morceaux, et constitue un indicateur important pour comprendre le travail d’enseignement de l’interprétation des professeurs.

- L’absence des courts moments que nous venons de citer ne constitue pas forcement une lacune importante, car les élèves souvent viennent à contact des œuvres qu’il travailleront plus tard par une fréquentation informelle avec celles-ci : par exemple un élève peut avoir entendu un morceau qu’il travaillera plus tard lors d’une

audition de classe, joué par un autre élève ; il peut avoir entendu des consignes sur ce même morceau à la fin de la leçon d’un autre élève plus avancé (il y a souvent des

moments de chevauchement lors des cours); il peut avoir joué ‘en cachette’ le morceau à la maison (ces trois morceaux faisant partie de collections que souvent les professeurs font acheter aux familles), etc. ;

- On pourrait imaginer qu’une plus grande spontanéité serait possible grâce au fait d’avoir la caméra toujours en action pendant les cours. Nous pensons, au contraire, que dans ce cas chaque professeur se serait senti obligé de travailler les œuvres choisies à chaque cours ; nous pensons que, au contraire, le fait de pouvoir contrôler la caméra a donné une majeure liberté d’action aux professeurs, qui se sont sentis libre de la mettre en route seulement aux moments de travail des trois œuvres choisies.

Enfin, notre focus étant l’interprétation d’œuvres musicales, nous dirons, en accord avec Mili (2014) qu’« une unité d’analyse plus grande inclurait nécessairement des activités qui sont sans rapport avec cette œuvre » (p. 62).