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Un tournant pendant la Première Guerre mondiale mondiale

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 46-49)

Une brève histoire de la GRH et de la FRH 2.3

2.3.3. Un tournant pendant la Première Guerre mondiale mondiale

Igalens (1999) place en 1916 le début de sa rétrospective sur la gestion des ressources humaines au XXe siècle en France. Pour lui, cette date est marquante à plusieurs titres. D’une part, c’est l’année de publication des ouvrages de Lahy (Le système Taylor et la physiologie du travail professionnel, 1921 [1916]) et Fayol (Administration industrielle et générale, 1917 [1916]). D’autre part, pour Igalens – comme pour Kaufman – la Première Guerre mondiale, avec l’agitation sociale qu’elle a générée et les réorganisations qu’elle a nécessitées, a servi de catalyseur à l’apparition des services du personnel.

Enfin, la Première Guerre mondiale voit se développer les « œuvres sociales » au sein des entreprises, en particulier en destination de la main-d’œuvre féminine (crèches, garderies, restaurants d’entreprise, etc.) (Fombonne, 2001, p. 310), et dont la gestion était souvent assurée par les services du personnel.

On retrouve chez Lahy (1921 [1916]) et Fayol (1917 [1916]) les racines de ce qui a finalement conduit à la naissance de la fonction Personnel puis ressources humaines : une professionnalisation associée à un changement de regard sur le travailleur.

En effet, même s’il l’intègre dans une fonction « administrative », Fayol souligne la nécessité d’une fonction dédiée à la gestion du personnel :

La fonction administrative n’a pour organe et pour instrument que le corps social. Tandis que les autres fonctions mettent en jeu la matière et les machines, la fonction administrative n’agit que sur le personnel (Fayol, 1917 [1916], p. 25).

Notons néanmoins que, sans l’associer à Taylor, il reprend l’idée d’une nécessaire division du travail et d’une spécialisation des travailleurs :

La division du travail a pour but d’arriver à produire plus et mieux avec le même effort.

L’ouvrier qui fait toujours la même pièce, le chef qui traite constamment des mêmes affaires, acquièrent une habileté, une assurance, une précision qui

Retenons ici que si le premier élément constitutif d’une fonction ressources humaines dans l’entreprise se situe vraisemblablement dans l’augmentation des effectifs, il n’est pas le seul. La réglementation du travail et la nécessité de traiter les conflits au travail apparaissent comme autant d’éléments constitutifs historiques des fonctions Personnel et ressources humaines.

Retenons aussi que le début du XXe siècle a été marqué par l’expansion du modèle taylorien qui participera pour différentes raisons à l’émergence de la fonction Personnel puis RH.

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accroissent leur rendement. Chaque changement d’occupation entraîne un effort d’adaptation qui diminue la production.

La division du travail permet de réduire le nombre d’objets sur lesquels l’attention et l’effort doivent se porter. On a reconnu que c’est le meilleur moyen d’utiliser les individus et les collectivités (ibid., p. 27).

Critiquant uniquement la « négation du principe d’unité de commandement » de Taylor, Fayol semble adhérer à son système d’organisation du travail et exprime même une certaine admiration : « Nous pouvons souhaiter que l’exemple du grand ingénieur américain soit suivi à cet égard par beaucoup de nos compatriotes » (ibid., p. 99).

Parallèlement, Lahy pousse à considérer le travailleur avec un regard qui se démarque nettement du Taylorisme :

W. Taylor […] a voulu construire dans l'abstrait un ouvrier-type, travaillant dans une usine type avec des outils-types. Or, cet ouvrier-type ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons du travailleur moderne : intelligent, actif, plein d'initiative, créateur dans le cercle de ses compétences. L'ouvrier suivant les données de W. Taylor n'est que le manœuvre (Lahy, 1921 [1916], p. 196).

Lahy reproche par ailleurs à Taylor un manque « d’investigation scientifique » dans son travail (ibid., pp. 46 sqq.).

À cet égard, la parution de l’ouvrage de Lahy à une époque où « l’organisation scientifique du travail » est en pleine expansion dans les entreprises, peut nous paraître d’une grande modernité.

L’ouvrage de Fayol connaîtra une renommée posthume, qui commencera une vingtaine d’années après sa première parution (Igalens, 1999, p. 20), surtout dans le monde anglo-saxon, avec notamment Urwick (1944 [1943]) puis de Koontz et O’Donnel (1955).

Si la conception du travailleur que défendait Lahy est proche de celle qui émergera dans le courant des « ressources humaines » (voir 2.3.5) et à travers sa contribution au développement de la psychotechnique, il a fortement influencé les méthodes de sélection et d’orientation au sein des entreprises.

2.3.4. L’Entre-deux-guerres : naissance de l’École des « relations humaines »

En 1924, dans les ateliers Hawthorne de la Western Electric Company près de Chicago, où étaient fabriqués des appareils téléphoniques, la direction, qui faisait face à de nombreux signes de mécontentement des salariés (absentéisme, freinage, mauvaise qualité), entreprit d’améliorer les conditions de travail, en commençant par des expériences sur l’éclairage des ateliers, avec la collaboration d’universitaires (Bernoux, 2009 [1985], pp. 81‑82).

43 Ces expériences sur l’éclairage s’étalèrent de 1924 à 1927. Elles sont notamment connues parce que leurs résultats furent assez inattendus. En effet, les groupes de travailleurs observés augmentaient leur productivité lorsqu’on augmentait l’éclairage, mais aussi lorsqu’on le baissait, et même lorsqu’il était inchangé (groupe de contrôle).

Sous la direction d’Elton Mayo (1880-1949), des psychologues et des sociologues prolongèrent ces travaux de recherche dans ces ateliers durant six ans. Ils réalisèrent une série d’expériences – dites du « test room » – auprès d’un groupe d’ouvrières volontaires, en modifiant successivement plusieurs facteurs (système de salaire, pause, temps de travail, collation) (Mayo, 1933, pp. 55‑76 ; Roethlisberger et Dickson, 1939, pp. 3‑186). À chaque changement opéré, la productivité augmentait ou stagnait. Ces expériences furent suivies par une série d’expériences avec d’autres groupes et une grande campagne d’entretiens (Mayo, 1933, pp. 77‑98 ; Roethlisberger et Dickson, 1939, pp. 189‑205).

Pour comprendre les phénomènes observés, plusieurs explications furent avancées. La première explication est aujourd’hui connue sous le nom « d’effet Hawthorne », que Bernoux (2009 [1985], p. 84) résume schématiquement ainsi : « les gens réagissent positivement au fait que l’on s’occupe d’eux pour améliorer leur situation, surtout s’ils sont dans une faible position dans l’entreprise ». Une deuxième explication réside dans l’importance de la vie de groupe et son influence sur chaque individu, ce que le taylorisme avait négligé voire tenté de neutraliser en faisant du travailleur un être isolé. Cette influence du collectif se traduisait notamment par une synchronisation naturelle de la productivité entre les ouvrières. Une troisième explication se trouve dans l’influence du « moral » des ouvrières sur la production.

Ce « moral » était dépendant de la relation entre les ouvrières, mais aussi de leur relation avec leur agent de maîtrise. Durant l’expérience, le rôle de ce dernier évolua,

« s’effaçant devant l’observateur pour les fonctions de contrôle et d’organisation » (ibid., p. 85), accordant ainsi plus de temps à d’autres aspects de son travail.

L’expérience fit évoluer la vision de ce que pouvait faire un contremaître : d’une fonction concentrée sur le contrôle et le commandement son rôle passa à une fonction davantage dédiée à l’écoute et au conseil. Enfin, les entretiens montrèrent l’importance pour les ouvrières de comprendre le sens de leur travail.

Les travaux de Mayo et de son équipe serviront de fondation à l’École des « relations humaines ». Pour DeNisi, Wilson et Biteman (2014, p. 220, n.t.) c’est grâce à ces travaux que « de grandes entreprises ont commencé à percevoir le potentiel intérêt de garder leurs salariés heureux », non seulement parce que cela permettait d’avoir des salariés plus productifs, mais aussi parce qu’ils étaient ainsi moins tentés par le syndicalisme. Ainsi, à partir des années 1940, aux États-Unis, les services autonomes du personnel commencèrent à voir leur mission s’étendre à la satisfaction des salariés.

Toutefois, s’ils ont permis de réinterroger de nombreux aspects du modèle taylorien, en montrant que l’Homme au travail était physiquement, psychiquement et socialement plus complexe, leur impact restera limité. Les expériences de Hawthorne ont notamment été critiquées pour leur méthodologie. Pour Bernoux (2009 [1985], pp.

88‑89), « l’échec des meilleures intuitions de l’école » est aussi dû au fait que leurs

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recherches visent finalement à « mieux rationaliser » la conduite du groupe, en considérant l’individu et le groupe comme les « éléments d’une mécanique d’ensemble » à qui on ne confère aucun pouvoir de décision, la direction restant l’entité porteuse du raisonnement « logique ».

La contradiction du paradigme taylorien n’est donc pas totale. La véritable rupture se manifestera à partir des années 1950, avec la naissance du courant des

« ressources humaines » (Igalens, 1999, p. 22).

2.3.5. L’histoire de la GRH de X à Y : la naissance du

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