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état des lieux et proposition de cadre

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 36-40)

La formule « ressources humaines », souvent abrégée « RH », est aujourd’hui entrée dans le langage courant et intégrée dans un grand nombre d’expressions, généralement associées au monde de l’entreprise. Nombreux sont les textes traitant de la gestion des ressources humaines, de la fonction et des missions des ressources humaines, du directeur ou du responsable RH.

D’après Bournois et Brabet (1993, p. 19), c’est un économiste dénommé Springer qui a utilisé pour la première fois la formule « ressources humaines », en 1817. Elle désignait alors « en termes comptables le coût de l’utilisation des hommes ».

C’est pourtant la rupture avec cette vision, prégnante dans le taylorisme, de l’homme en tant que coût, qui va être fondatrice du courant des « ressources humaines ». Il naîtra dans les années 1950 et se développera véritablement dans les entreprises à partir des années 1970 (Igalens, 1999, pp. 21‑23).

Le leitmotiv de Peretti (Peretti, 2012a [1996], 2013), repris notamment par Fombonne (2001, p. 577) et Thévenet (1999, pp. 9‑10) traduit le sens aujourd’hui généralement donné par les auteurs de GRH aux « ressources humaines » :

Parler de ressources humaines, ce n'est pas considérer que les hommes sont des ressources, mais que les hommes ont des ressources. (Peretti, 2013, p. 1)

Pour clarifier notre propos, nous souhaitons ici faire un état des lieux de ce qu’est le monde des ressources humaines, d’une part pour préciser le sens que nous donnerons à la terminologie RH dans les chapitres suivants et d’autre part pour permettre de bien mesurer les enjeux, les objectifs, les contraintes, les contextes qui entourent les professionnels RH.

La gestion des ressources humaines : 2.1. tentative de définition

Il existe presque autant de définitions de la gestion des ressources humaines (GRH) que d'auteurs traitant du sujet. Pour ne citer que quelques exemples :

- Armstrong (2006 [1977], p. 3), définit la GRH par :

une approche cohérente et stratégique de la gestion des atouts les plus précieux de l'organisation – les personnes y travaillant qui contribuent individuellement et collectivement pour accomplir ses objectifs.

- Pour Bournois, Livian et Thomas (1993, p. 224) – repris notamment par Abord de Châtillon, Desmarais et Meunier (2003, p. 8) – la GRH se définit comme une :

La gestion des ressources humaines : tentative de définition

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discipline des sciences sociales consistant à créer et à mobiliser des savoirs variés utiles aux acteurs et nécessaires pour appréhender, comprendre, négocier et tenter de résoudre les problèmes liés à la régulation du travail

l'ensemble des pratiques de gestion touchant la dimension humaine d'une organisation et pouvant contribuer à la stratégie d'ensemble de l'entreprise.

Pratique, science, art

À travers ces citations, on constate que la GRH est à la fois définie comme une science, une pratique, un système d’activités et de stratégies ou une approche stratégique de la gestion des travailleurs. Dans ses divergences à propos de son identité, la GRH rejoint d’ailleurs ici l’ergonomie qui a pu être définie comme une discipline scientifique1, une technologie (Leplat, 2015 [1980], Introduction, emp. 55), une pratique (Guérin, Laville, Daniellou, Duraffourg et Kerguelen, 2007 [1991]) ou un art, entendu « comme celui de l’ingénieur ou du médecin » (Wisner, 1995 [1972], p.

99)2.

Parce que dans cette thèse nous nous intéressons particulièrement au travail des professionnels des ressources humaines, nous regarderons essentiellement la GRH comme un ensemble de pratiques ou comme un art, dans le sens de Wisner (ibid.), qui fait l’objet de réflexions chez ses « praticiens » (Schön, 1983). Nous nous intéresserons néanmoins aux modèles que la GRH a produits en tant que discipline scientifique.

Une gestion stratégique et contingente

Les définitions que nous avons citées associent presque toujours l’idée d’une gestion stratégique des individus (humains, salariés, employés) et de l’organisation avec l’idée d’un accomplissement des objectifs de l’organisation. S’il nous est difficile de nier le caractère fondamentalement humain et organisationnel de la GRH, utiliser pour la gestion le seul qualificatif de « stratégique » nous paraît incomplet, même lorsque l’on évoque la pratique des directeurs des ressources humaines. Comme le souligne Peretti (2013, p. 2), face à la multiplicité des défis de l’entreprise et la

1 Voir notamment la définition de l’ergonomie de l’International Ergonomics Association (IEA), disponible sur le site : http://www.iea.cc/ ; voir aussi Falzon (2004, p. 19) pour une traduction.

2 Pour une réflexion sur ces différentes approches voir notamment Daniellou (2015a [1996]).

33 spécificité des contextes, « une approche contingente de la GRH s’impose ». On retrouve la même idée chez Thévenet et al. (2012, p. 105).

Autrement dit, les pratiques de GRH ne sont pas uniquement guidées par des impératifs stratégiques, mais aussi par une part d’arbitrage et d’incertitude, dans un contexte complexe, mouvant, et qu’on ne peut saisir dans sa totalité.

Une GRH individualisée

Si elle peut finalement participer à l’accomplissement d’objectifs collectifs de l’organisation (Bichon, 2006), plusieurs auteurs en GRH insistent sur le développement de l’individualisation de la gestion (notamment Scouarnec, 2005, pp.

123‑125 ; Storey et Bacon, 1993). Elle constitue une frange de plus en plus fondamentale de la GRH, notamment à travers la gestion de carrière, la définition d’objectifs individuels, le développement personnel des salariés, l’adaptation du temps de travail, ou l’adaptation au handicap.

Gestion RH et développement RH

Dans des entreprises qui doivent en permanence s’adapter et innover dans leur course à la croissance, ou leur course à « la Reine rouge »1 (Picq, 2011, pp. 37‑39), la gestion – stratégique – des ressources humaines implique un développement de ces ressources. Si la littérature anglo-saxonne distingue souvent la « gestion des ressources humaines » et le « développement des ressources humaines » (Haslinda, 2009), la littérature francophone inclut généralement le développement des ressources humaines dans la GRH (notamment Peretti, 2013, pp. 155 sqq.). À travers les diverses missions de la fonction RH (voir 2.4), la GRH cherche à favoriser le maintien et le développement des compétences, des connaissances, des faire, des savoir-y-faire2, des ressources physiques et mentales, au sein de l’organisation.

Une GRH partagée

Si les définitions que nous avons citées n’en font pas l’exclusion, elles n’évoquent pas la multiplicité des rôles de chaque acteur de l’entreprise. Pourtant, les praticiens de la GRH peuvent jouer différents rôles (Armstrong, 2006 [1977], pp.

56‑57) et être confrontés à une diversité de rôles chez leurs interlocuteurs. C’est ce que Poley (2015, p. 147) souligne dans son analyse du travail des membres du

1 Picq (2011, p. 38) fait référence au roman de Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir (1871). Dans le livre, la Reine Rouge explique à Alice, qui s’étonne de ne pas réussir à avancer alors qu’elle court – car le paysage la suit – que « “dans ce pays, il faut courir le plus vite possible pour rester à sa place” ».

2 Nous reprenons ici l’expression de Massoni (communication personnelle), qui insiste sur l’idée qu’une partie du savoir-faire est située et qu’il est nécessaire de penser leur transmission autour des situations réelles de travail.

La gestion des ressources humaines : tentative de définition

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CHSCT1, en distinguant ce qui se joue dans « les régions antérieures » – la scène – et les « régions postérieures » – les coulisses – (Goffman, 1973, pp. 106 sqq.).

Chaque acteur de l’entreprise peut à la fois être encadrant et subordonné, représentant syndical et salarié, collègue et adversaire lors de l’entraînement de rugby du mercredi : autant de situations où se jouent différents rôles – et différents postes ! – qui ne se « gèrent » pas de façon identique. Il nous semble donc utile de préciser dans notre définition que la gestion des individus s’inscrit dans cette multiplicité des rôles.

Notre définition de la GRH

La définition de la GRH que nous proposons ne fait donc pas de cette gestion l’attribut exclusif d’une fonction ou d’un métier.

Comme le soulignent notamment Kaufman (2014, pp. 197‑198) et Niles (2013, p. 4), la question de la gestion des Hommes par les Hommes au sein des entreprises a été posée – au plus tard – dès l’antiquité grecque, chinoise et égyptienne ; bien avant le XIXe ou le XXe siècle, durant lesquels les notions de « fonction Personnel2 » et de

« fonction ressources humaines » ont fait leur apparition (voir 2.3, pp. 37 sqq.).

Certaines opérations, aujourd’hui réalisées par les responsables des ressources humaines, comme le recrutement ou la paie (voir 2.4, p. 47), existent en effet depuis plusieurs millénaires, avec parfois une réglementation aussi très ancienne, comme l’atteste par exemple le Code de Hammurabi3 datant du XVIIIe siècle av. J.-C. Dans ce code, on trouve d’ailleurs ce qui s’apparente à un des premiers articles codifiant la compensation de la pénibilité du travail :

273. Si quiconque emploie un travailleur journalier, il devra le payer du début de l’année au cinquième mois (avril à août, quand les jours sont longs et le travail dur) six gerahs [unité de monnaie babylonienne] par jour ; du

1 Comité hygiène sécurité et conditions de travail.

2 Pour éviter toute ambiguïté, nous reprenons la formalisation de Fombonne (2001) qui utilise toujours une majuscule à « personnel » pour désigner la fonction de gestion du personnel.

3 Le Code de Hammurabi, du nom d’un roi de Babylone, est connu grâce à une stèle datée du XVIIIe siècle av. J.-C., aujourd’hui exposée au Musée du Louvre, sur laquelle sont inscrites des décisions juridiques codifiant de très nombreux aspects de la vie babylonienne et notamment les questions de salaires.

Pour notre cadre de recherche, nous définirons donc la GRH comme : l’ensemble des pratiques de gestion, stratégiques et contingentes, de l’organisation et de ses acteurs – dans leurs différents rôles – visant à l’accomplissement des objectifs de l’entreprise et de ses acteurs, et au développement de l’organisation et des individus. Ces pratiques de GRH sont structurées par des modèles théoriques, des technologies, des connaissances empiriques et scientifiques, des philosophies, et sont l’objet d’activités réflexives chez leurs praticiens.

35 sixième mois à la fin de l’année il devra lui donner cinq gerahs par jour.

(King, 2008 [1915], p. 70, n.t.).

Il nous semble donc utile de préciser ce que viennent caractériser les notions de fonction et de métier appliquées aux ressources humaines.

La fonction « ressources humaines »

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