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AUX ECHELLES INTERNATIONALE ET NATIONALE (BASSIN MEDITERRANEEN ET ROYAUME DU MAROC)

Encadré 15. Le Djebel Moussa et Bel Younech : maquis et contrebande

2.4. Le tourisme dans le Maroc du Nord : des potentialités sous-exploitées

Depuis les années 60, le secteur touristique est érigé au rang de priorité économique nationale. Présenté comme un pilier pour le développement, le tourisme est censé apporter des devises, absorber une partie du chômage, mobiliser les investisseurs nationaux et étrangers, valoriser les potentialités locales en réduisant les déséquilibres régionaux. D’une part, le code des investissements touristiques accorde des avantages fiscaux et financiers aux opérateurs.

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D’autre part, l’Etat intervient en tant que promoteur du tourisme à travers des établissements (parfois bancaires) publics et semi-publics40.

Avec son slogan « 10 millions de touristes en 2010 »41, l’Etat marocain poursuit sa politique

de développement du tourisme qu’il considère comme un moteur pour son économie.

Le ministère du tourisme se félicite de l’augmentation de l’offre aérienne directe (sans escale par Casablanca) et de la création annuelle de 25 à 30 unités hôtelières. Le Maroc a gagné en 2004 plus de 750 000 touristes supplémentaires, ce qui porte son total annuel à près de 5,5 millions de visiteurs par an. Ces résultats encourageants sont à nuancer par une structure d’hébergement (trop) largement dominée par les catégories haut de gamme destinées à satisfaire la demande étrangère. De plus, la capacité hôtelière est concentrée à hauteur d’environ 80 % dans huit pôles : Agadir et Marrakech qui reçoivent environ la moitié des flux touristiques, suivis de Casablanca, Tanger, Fès, Ouarzazate, Rabat et Tétouan.

Les espaces touristiques du Maroc du Nord

Mohamed Berriane (1998) découpe le littoral touristique du Nord marocain en trois ensembles :

- la côte méditerranéenne occidentale avec la baie de Tanger et le littoral tétouannais. C’est l’ensemble le plus équipé qui draine la plupart des flux touristiques. Les interventions publiques colossales lancées en 1965-67 sont relayées par un

secteur privé confondant parfois aménagement touristique et promotion immobilière ;

- la côte méditerranéenne centrale avec les rivages des provinces de Chefchaouen et Al-Hoceima. Cet ensemble est enclavé et moins urbanisé. Il accueille des touristes nationaux en été, notamment des MRE. Les programmes étatiques de 1965-67 sont restés un vœu pieux ;

- le littoral méditerranéen oriental avec les côtes des provinces de Nador et Oujda (plage de Saïdia). Cet ensemble ne dispose pas d’infrastructures suffisantes pour accueillir les nombreux touristes nationaux (fréquentation estivale avec des aménagements spontanés et anarchiques). Des programmes d’équipement touristique sont lancés par l’Etat. Des stations balnéaires sont à l’étude.

Mohamed Berriane souligne plusieurs problèmes pour le développement du tourisme dans le Nord marocain : saisonnalité très prononcée, manque d’enthousiasme de la part des agences de voyages, désengagement de l’Etat.

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L’Office national marocain de tourisme (ONMT), la Société marocaine du développement touristique (SOMADET), la Société africaine de tourisme (SAT), Maroc-Tourist, la Société générale d’aménagement touristique (SOGATOUR), les banques Crédit immobilier et hôtelier (CIH) et Caisse de dépôt et gestion (CDG). La SOMADET créée conjointement par l’ONMT, la compagnie aérienne nationale Royal Air Maroc (RAM), la Banque nationale de développement économique (BNDE), la Banque marocaine du commerce Extérieur (BMCE) et la CDG est officiellement une filiale de la BNDE. La CDG crée Maroc - Tourist en 1961. En 1963, la CDG (55 %) s’associe à la Banque de Paris et des Pays-Bas (45 %) pour la création de la SAT. La SOGATOUR est créée plus tardivement, en 1977, avec comme objectif de mettre en valeur des terrains non- aménagés qui avaient été mis à disposition par l’Etat aux autres établissements ; la SOGATOUR intervient donc dans la relance de la promotion du tourisme.

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A l’occasion des assises nationales du tourisme (Marrakech, janvier 2001), le tourisme est à nouveau érigé en priorité nationale. L’objectif est d’atteindre 10 millions de touristes internationaux en 2010 (vision 2010). Le

Plan Azur identifie six nouvelles zones pour créer des stations touristiques sur le modèle d’Agadir :

Larache/Khemis Sahel, Essaouira/Mogador, Oujda/Saïdia, El-Jadida/El-Haouzia, Agadir/Taghazout et Guelmim/plage Blanche. Deux d’entre-elles sont situées dans Nord. Les objectifs de la vision 2010 sont : 10 millions de visiteurs au Maroc par an, 7 millions de touristes hébergés en hôtels classés par an, 5 nouvelles stations balnéaires (celle de Guelmim étant mise en attente à cause de sa situation dans les provinces sahariennes sensibles au plan géopolitique), 80 000 lits supplémentaires, 600 000 nouveaux emplois, 30 milliards de Dh d’investissements dans le secteur hôtelier, 480 milliards de Dh de recettes en devises entre 2000 et 2010, atteindre un taux de croissance annuel moyen du PIB de 8,5 % entre 2000 et 2010, atteindre un taux de 20 % de contribution du secteur touristique au PIB d’ici 2010. L’aménagement des stations balnéaires fait appels aux investissements directs étrangers : le groupe espagnol Fadesa est retenu pour la station balnéaire de Saïdia, le groupe belge Thomas et Piron, en partenariat avec le groupe Accor, pour Larache et Essaouira, le groupe sud africain Kerzner pour El-Jadida. La convention concernant la station de Taghazout, la plus importante, a été attribuée de gré à gré, puis retirée, au groupe saoudien Della Al Baraka. Ce dernier exemple montre comment des investisseurs marocains peuvent manifester leurs intérêts et compétences pour ce type de projet : au prétexte que Della Al Baraka n’a pas respecté le cahier des charges, c’est un opérateur marocain qui reprend le projet.

Malgré la politique de promotion du tourisme dans le Nord, les pôles touristiques du Sud restent plus attractifs. Contrairement aux destinations méridionales, de nombreux complexes touristiques du Maroc du Nord offrent peu d’emplois permanents parce qu’ils sont uniquement ouverts de juin à septembre. Le climat y est pour beaucoup car, notamment à Agadir, les conditions météorologiques permettent un tourisme toute l’année. A la différence du Nord où le tourisme est saisonnier, Agadir et Marrakech sont les destinations privilégiées par les agences de voyages européennes. Ces villes concentrent des équipements touristiques récents et modernes. De plus, d’autres offres touristiques se sont développées au détriment des activités balnéaires : parcours historiques dans les cités impériales, visites du désert, tourisme vert à la montagne. Or, le Nord n’a que son littoral – et son kif – à vendre.

Dans les années 60-70, la promotion du tourisme par l’Etat dans le Nord du Maroc visait une demande étrangère. Pourtant, le tourisme international n’est que partiellement un moteur du développement dans la mesure où il fournit peu d’emplois induits ; les vacanciers restent à l’intérieur des complexes où tout est mis à leur disposition. Alors que l’Etat misait sur le tourisme international, ce sont des dynamiques spontanées des Marocains qui ont pris le relais dans la péninsule tingitane. Qu’il s’agisse d’un tourisme populaire (camping sauvage), de classes moyennes (résidences bon marché et locations saisonnières) ou de luxe (complexes et marinas, résidences secondaires), la fréquentation par les touristes nationaux des littoraux tingitans se renforce chaque année42. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène

original : le climat méditerranéen favorable au tourisme balnéaire avec des températures plus clémentes qu’au Sud, espaces plus aérés que les villes de l’intérieur dans lesquelles on suffoque en été, retours annuels des MRE pour qui Tanger et Ceuta sont les ports de transit, visites royales, présence des souks sebta, etc. Plus particulièrement pour les villes et les banlieues balnéaires de Tanger et de Tétouan, l’été apporte des revenus importants.

Dans la péninsule tingitane, la majorité des infrastructures touristiques est implantée entre Martil et Fnideq (zone littorale touristique de Tétouan), à Tanger et à Asilah. Différents types de structures d’hébergement sont situées sur le littoral méditerranéen pour l’accueil des touristes (hôtels, villages de vacances, campings). Depuis les années 70-80, la construction de résidences secondaires est en plein essor, avec une urbanisation ponctuelle ou linéaire, pas toujours réglementaire, le long des principaux axes et à faible distance du trait de côte.

2.4.1. Le tourisme dans la péninsule tingitane, une structure équilibrée ?

La région Tanger-Tétouan offre des sites balnéaires et un patrimoine qui représentent des atouts pour le tourisme. Cependant, la structure des établissements et aménagements touristiques n’apparaît pas adaptée à l’environnement local et au milieu naturel. Le tourisme balnéaire prédomine dans la péninsule tingitane où seuls les littoraux sont aménagés les visiteurs. Si le tourisme rural et de montagne représente une perspective intéressante en raison des atouts de l’arrière-pays, cette option est encore bien peu déclinée.

Le tourisme est une orientation retenue par l’Etat pour le développement économique et social du Nord du royaume. Dans les années 60, le gouvernement lance de grands projets à Tanger ainsi que sur le littoral entre Tétouan et Fnideq. Des terrains domaniaux et des deniers publics sont mis à la disposition des promoteurs via les banques nationales. La politique de l’Etat vise à développer le tourisme international et seuls les projets balnéaires sont soutenus par la puissance publique. Les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions et le tourisme international affiche un net recul dans les années 90 ; recul souvent considéré comme la

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conséquence de la première guerre du Golfe, peut-être un peu hâtivement dans la mesure où la politique volontariste de la Tunisie en faveur du tourisme porte ses fruits.

La tingitane offre 370 kilomètres de littoraux (230 km et 120 km respectivement pour la Méditerranée et l’Atlantique). Actuellement ce sont les littoraux tangérois avec sa vaste baie, les plages de Khemis Sahel (Larache) et la Marina d’Asilah qui font l’objet du soutien de l’Etat. Les projets préconisent l’aménagement de zones touristiques balnéaires, à l’image de celles de la Côte d’Azur française ou de la Costa del Sol espagnole.

Tableau 26. Rôle de la région Tanger-Tétouan dans la répartition nationale des voyageurs contrôlés aux frontières marocaines. en 2000. Toutes nationalités confondues (y compris marocaine)

ENTRANTS SORTANTS TOTAL

Voie terrestre Maroc 1 989 506 Voie terrestre Maroc 1 966 088 Voie terrestre Maroc 3 955 594

Bab Sebta 1 794 806 Bab Sebta 1 780 864 Bab Sebta 3 575 670 Bab Sebta, en % 90 % Bab Sebta, en % 91 % Bab Sebta, en % 90 %

Voie maritime Maroc 1 681 039 Voie maritime Maroc 1 666 591 Voie maritime Maroc 3 347 630

Tanger 1 285 778 Tanger 1 244 989 Tanger 2 530 767

Tanger, en % 76 % Tanger, en % 75 % Tanger, en % 76 %

Voie aérienne Maroc 2 385 168 Voie aérienne Maroc 2 353 447 Voie aérienne Maroc 4 738 615

Tanger - Ibn Batouta 98 064 Tanger - Ibn Batouta 100 803 Tanger - Ibn Batouta 198 867

Tanger, en % 4,11 % Tanger, en % 4,28 % Tanger, en % 4,20 %

Total Tanger-Tétouan 3 178 648 Total Tanger-Tétouan 3 126 656 Total Tanger-Tétouan 6 305 304 Entrants au Maroc 6 055 713 Sortants du Maroc 5 986 126 Total Maroc 12 041 839

Ratio Tanger-Tétouan / National, en % 52 % Ratio Tanger-Tétouan / National, en % 52 % Ratio Tanger-Tétouan / National, en % 52 %

D’après la direction générale de la Sûreté nationale, in annuaire statistique du Maroc, 2002

Ce tableau comporte plusieurs biais. D’une part, les « entrants » à Bab Sebta sont considérés comme empruntant la « voie terrestre », mais ils ont en principe débarqué au port de Ceuta43 avant de prendre la route. D’autre part, rien n’est dit sur les frontaliers qui se livrent au trafic de contrebande. De plus, il manque une définition du terme « voyageur » ; d’après l’annuaire statistique de 2002, les « entrées des touristes de séjour » s’élèvent à 4,1 millions en 2000, dont 2,46 millions de touristes étrangers et 1,64 millions de MRE, ce qui ne correspond pas aux 6 millions d’« entrants » du tableau (un « voyageur entrant contrôlé à la frontière » n’est donc pas équivalent à une « entrée de touriste de séjour »). Enfin, la dernière ligne du tableau fait question : un ratio identique (52 %) pour les entrants, les sortants et le total des voyageurs contrôlés dans la région Tanger-Tétouan par rapport à l’ensemble national).

Malgré le rôle mineur de l’aéroport international Ibn Batouta à l’échelle nationale, la région Tanger-Tétouan conserve un rôle majeur en tant que porte du Maroc : plus de la moitié des voyageurs contrôlés aux frontières marocaines transite par la région. Le tableau 26 montre le rôle important de Bab Sebta, et implicitement du port de Ceuta, ainsi que du port de Tanger : environ 30 % des voyageurs contrôlés aux frontières marocaines le sont à Bab Sebta, 21 % au port de Tanger.

Si la région a un rôle de passage quasi obligé – par route et par mer – pour entrer au Maroc, cette situation presque incontournable ne se traduit pas par des séjours touristiques assurés dans les capitales du Nord. En 2000, sur les 16,5 millions de « nuitées touristiques » à l’échelle nationale, la région Tanger-Tétouan en réalisent 1,6 millions, environ un dixième. Or, la péninsule tingitane représentait 30 % du tourisme national à la fin des années 60 et plus de 20 % au début des années 80. Par ailleurs, la Tingitane ne dispose-t-elle pas d’une surcapacité hôtelière dans la mesure où elle regroupe environ 14 % de la capacité hôtelière nationale pour 10 % des touristes (18 819 lits d’hôtels pour un total national de 128 357) ?

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Si on considère que les voyageurs contrôlés à Bab Sebta ont pris le bateau avant, Tanger et Ceuta représenteraient environ 83 % des déplacements de personnes par voie maritime à destination du Maroc.

2.4.2. Les affres du tourisme tangérois

Dès le milieu du XIXème siècle Tanger s’ouvre au tourisme et accueille les premiers hôtels, mais « la « perle du Nord » (…) ne cesse de reculer dans un domaine où elle était leader sans conteste » (Etude de l’aire métropolitaine du bipôle Tanger - Tétouan, 2002, op. cit.).

Tableau 27. La place du tourisme tangérois à l’échelle nationale. 1980-1990

1980 1990

Capacité d’hébergement 16,7 % 7 %

Arrivées touristiques 28,9 % 12,2 %

Nuitées totales 12,9 % 9,4 %

D’après Temsamani, 1993, Ibid., p. 68.

L’étude du bipôle Tanger-Tétouan (2002) donne des ordres de grandeurs différents, mais la tendance est la même : si Tanger regroupe 60 % de l’infrastructure hôtelière du Nord marocain, elle ne représente plus que 8 % du total national en 2000 contre 16 % en 1964.

Tableau 28. Evolution des capacités hôtelières de Tanger et Agadir 1961-1991

1961 1977 1978 1981 1986 1991 Tanger 1 500 8 415 8 583 8 903 10 000 9 000

Agadir - 7 230 10 040 12 538 18 000 22 000

Ecart 1 500 1 185 -1 457 -3 635 -8 000 -13 000

D’après Hillali, 1993, Ibid., p. 55

Alors qu’en 1977 la capacité hôtelière de Tanger était supérieure à celle d’Agadir, cette dernière la rattrape dès l’année suivante. Approximativement, la capacité hôtelière d’Agadir double entre 1978 et 1991 alors que, dans le même temps, elle stagne à Tanger.

Le plan triennal 1965-67 place le tourisme au deuxième rang des priorités nationales derrière l’industrie. Tanger est retenue pour le lancement d’une des cinq zones d’aménagement touristique prioritaires du plan 1965-67. L’objectif étant de relancer l’économie dans l’ex- ville internationale, Tanger est prioritaire dans les programmes de l’Etat. La ville du Détroit dispose de plusieurs atouts pour le développement touristique : situation exceptionnelle, vaste baie pour les activités balnéaires, la renommée héritée du statut international.

Avant la mise en œuvre de cette politique volontariste d’aménagement, poursuivie jusqu’à la fin des années 70 et actuellement relancée, les espaces qui s’étendaient derrière la baie de Tanger étaient occupés par des terres soigneusement cultivées, avec des petites fermes et des baraques appartenant aux agriculteurs ; c’était une banlieue maraîchère-bidonvilloise. Bien qu’il en reste quelques traces, ce paysage a pratiquement disparu pour laisser la place à un urbanisme balnéaire et à une bétonisation touristique.

Dans les années 80-90, la baie de Tanger fait l’objet d’une importante spéculation foncière et immobilière, avec l’aménagement de lotissements haut de gamme et de luxueux complexes hôreca44. Mais le site souffre d’une pollution, nuisible au tourisme, à cause des rejets en mer des eaux usées. Les canaux d’évacuation et principaux émissaires de la ville aboutissent directement sur la plage, ce qui explique la fermeture du Club Méditerranée en 1999.

La capacité hôtelière de Tanger décline en raison de la fermeture de grands hôtels menaçant ruine. Ces établissements appartenaient à des groupements d’hommes d’affaires et politiques qui confondaient chiffres d’affaires et bénéfices. Des nouveaux hôtels de luxe sont ensuite créés et Tanger dispose d’une infrastructure hôtelière comparable à celle de Casablanca. En 2002, Tanger compte 38 hôtels classés, un golf, un club équestre, un club de tir, un casino.

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