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Avec ses façades méditerranéennes et atlantique, la péninsule tingitane et le doublet urbain Tanger-Tétouan se situent face à l’Europe. Cette situation stratégique, renforcée par la contiguïté avec le Rif, confère à Tanger et à Tétouan une forte influence sur leur arrière-pays et sur le vaste espace montagnard rifain.

Point de départ des migrations vers les capitales du Nord-Ouest, le Rif constitue pour les villes de la Tingitane une réserve d’hommes qui agit à la fois positivement et négativement sur Tanger et Tétouan. Positivement parce que les flux humains représentent un dynamisme dans ces agglomérations. Négativement parce que les pôles urbains tingitans ne sont pas préparés à recevoir ces populations. Les villes se sont étalées au cours des dernières décennies, notamment en raison d’un solde migratoire excédentaire. Ce mouvement n’étant pas accompagné d’une planification du bâti ni d’équipement, il en résulte des dysfonctionnements dans les domaines de l’emploi, du logement et des infrastructures.

« Ce « duo urbain » a beaucoup de mal à s’ériger en un binôme socioéconomique capable de

constituer un levier du développement régional » (Etude du bi-pôle Tanger-Tétouan, 2002).

« Le maintien de l’occupation des présides de Sebta et Melilla constitue encore aujourd’hui un facteur

de dysfonctionnement économique et spatial. (…) L’existence d’une source de contrebande (Sebta) et d’un pôle producteur de cannabis (le Rif) ont fait naître et ont consolidé une économie souterraine dynamique et fortement ramifiée » (Etude du bi-pôle Tanger-Tétouan, 2002).

La contrebande est une composante essentielle de l’activité économique régionale et remonte à la période coloniale. En raison de sa proximité avec Ceuta, Tétouan canalise les flux de contrebande et a un rôle de ville-entrepôt dans la distribution des diverses marchandises importées illégalement sur le territoire national. Cette fonction spécifique de Tétouan contrebalance le déficit d’investissements productifs (et le vide industriel en comparaison à Tanger). L’argent des trafics de drogue et de contrebande est investi dans les valeurs foncières et immobilières. Les spéculations alimentent aussi l’urbanisation dite spontanée et anarchique.

L’économie informelle draine donc des masses monétaires importantes dans les capitales du Nord-Ouest, en plus de l’épargne des MRE injectée dans l’économie locale. Face aux moyens financiers et à la logistique sophistiquée des acteurs de l’économie souterraine, les pouvoirs publics marocains paraissent d’autant plus impuissants que cette économie ne concerne pas uniquement des grands trafiquants mais aussi une large part de la population qui en vit.

Le Maroc sollicite alors l’aide de l’Union européenne, exposée aux risques que représentent ces trafics et la pauvreté du Rif, pour enrayer l’économie illégale. L’Etat marocain justifie cette demande à l’Europe pour plusieurs raisons. D’abord, les produits de contrebande proviennent de l’Espagne. Ensuite, le haschisch produit au Maroc est essentiellement exporté vers le Vieux continent et destiné à la consommation européenne. Enfin, la pauvreté du Rif et son surpeuplement représente une menace migratoire pour l’Europe. Néanmoins, l’économie informelle draine certainement autant, si ce n’est plus, de revenus à Tanger et à Tétouan que les autres activités. Dans ces conditions, les deux parties, marocaine et européenne, restent en quête de solutions alternatives durables.

L’économie de Tanger et de Tétouan repose sur le secteur informel, mais pas seulement. Avec 38 000 emplois dans le secteur secondaire en 1999, Tanger se positionne comme le troisième centre industriel du pays. Si Tétouan dépasse difficilement les 9 000 emplois industriels, elle a un rôle important dans les activités commerciales.

D’après le centre régional d’investissements56, les secteurs les plus dynamiques dans les pôles

de Tanger et de Tétouan sont actuellement le BTP (urbanisation et attractivité obligent), les commerces et les services de proximité, suivis de l’industrie et du tourisme tangérois. Les deux villes disposent d’un équipement bancaire avec une trentaine d’enseignes représentées (blanchiment et retour de l’épargne des MRE obligent). Mais la situation n’est pas celle des pays émergents asiatiques plus attractifs pour les délocalisations.

En dépit de l’absence de politique touristique rationnelle pour les implantations des complexes sur le littoral méditerranéen, Tanger dispose d’un équipement hôtelier équivalent à celui de Casablanca. Elle présente aussi des activités portuaires et maritimes importantes. Le port de Tanger totalise 2,6 millions de passagers en 2000. La modestie du trafic de marchandises (2,8 millions de tonnes en 2000) camoufle le rôle de Tanger comme premier port national pour le transbordement de containers et de camions TIR. Si le volume du trafic de marchandises à Tanger est relativement faible par rapport aux ports de la façade atlantique, parce que l’import-export de matières premières (pétrole, phosphates) y est insignifiant, les rapports ne sont pas du même ordre en ce qui concerne les valeurs.

Dans le domaine des transports, l’aéroport international de Tanger est en recul. D’autres destinations touristiques, hier secondaires, ont aujourd’hui rattrapé et dépassé la perle du Nord. C’est notamment le cas de Marrakech et Agadir qui sont favorisées par les tours opérateurs car, contrairement à Tanger, le tourisme n’y est pas seulement estival. L’aéroport Tanger Ibn Batouta, avec un total de 205 000 passagers en 2000, reste toutefois devant ceux de Fès et Oujda réunis. Ensuite, l’autoroute Rabat - Tanger est enfin achevée en 2005. Malgré les critiques quant au retard de la mise en service, sa construction n’aura par pris plus de temps que pour les autoroutes françaises par exemple57.

Dans le domaine de l’énergie, le gazoduc Maghreb-Europe (GME), acheminant le gaz algérien jusqu’en Espagne (Cordoue) via le détroit de Gibraltar, existe depuis 1996 et une station de décompression du gaz est créée à Tanger (fig. I et II). De plus, la connexion des réseaux électriques à haute tension entre le Maroc et l’Espagne, grâce à des lignes sous- marines, est aussi une réalité depuis le milieu des années 90 ; elle permet de renforcer l’alimentation en électricité de la Tingitane (les lignes arrivent à l’est de Tanger, à la sortie de l’agglomération). Il y a là aussi un signe d’intégration transnationale.

Il apparaît finalement que les logiques d’intégration du Maroc du Nord et de la péninsule tingitane au niveau international, et plus particulièrement à l’échelle du bassin méditerranéen dans les échanges et les relations avec les pays du Vieux continent, ne sont pas antinomiques avec les politiques marocaines de développement qui cherchent à renforcer l’unité du royaume chérifien et à rattraper cet angle Nord-Ouest ayant tendance à regarder vers le large.

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Les centres régionaux d’investissements (CRI) sont créés sur la base de la Lettre royale de janvier 2002. Services administratifs déconcentrés au niveau des wilayas, les CRI offrent aux investisseurs le service de guichet unique pour leur donner l’essentiel de l’information et pour leur faciliter les formalités administratives, mais ils ne se substituent pas aux administrations compétentes. Le CRI est présenté comme un catalyseur et un régulateur pour les investissements à l’intérieur d’une région. Il est sous la tutelle du wali de région (gouverneur de la province/préfecture chef-lieu de région).

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mais la concertation, préalable aux travaux, avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment avec la société civile, n’a sans doute pas répondu aux exigences de l’Hexagone.

DEUXIEME PARTIE :

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