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PREMIERE PARTIE : APPROCHE CONCEPTUELLE,

CHAPITRE 1 : APPROCHE CONCEPTUELLE, PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

2. L’inclusion urbaine à travers l’accès aux services de base

Dans les villes des PED, l’étalement et la densification des espaces périphériques résultent de l’inadéquation entre d’une part, des besoins accrus en logement et d’autre part, les offres foncières et immobilières légales et bon marché. Dus à la croissance démographique45 et à l’exode rural (tout au moins à un solde migratoire positif), les nouveaux besoins de logements sont contentés par l’habitat non réglementaire et insalubre sous-équipé. Des retards importants s’observent en matière d’équipement et d’accès aux services essentiels.

« Les carences dans la répartition, la gestion et le fonctionnement des infrastructures et services de base (…) conditionnent la vie quotidienne des habitants démunis des grandes villes du Sud »

(Dorier-Apprill, 2001, p. 95).

La mise en place des équipements dans les quartiers d’habitat dit spontané fait défaut et les conditions de vie des habitants pâtissent de ces problèmes d’aménagement urbain.

« Dans bien de ces zones, qui n’ont pas d’existence légale, le raccordement au tout-à-l’égout n’existe pas

et, sauf quelques rares fosses, les eaux usées sont déversées dans une rue qui n’est pas asphaltée. L’éclairage public n’est pas installé, le réseau des transports publics, quand il existe, est radial, uniquement conçu pour drainer la population laborieuse vers les centres fonctionnels et il est exceptionnel qu’il assure des liaisons transversales » (Vallat, 2001, p. 126).

« Les équipements et les services publics locaux sont, avec le logement, les composantes de l’accès à

l’urbanité, autrement dit du droit à la ville. Les infrastructures et moyens de communication sont ce qui permet la mobilité et l’échange, conditions fondamentales de l’intégration sociale. A cet égard, l’enjeu, pour des villes se voulant inclusives, est de faire face au défi de l’équipement de base des quartiers pauvres et d’assurer une qualité égale des services à la population » (Fayman et Santana, 2001, p. 22).

Cette thèse de géographie humaine porte sur les modes et les processus d’inclusion et d’exclusion des quartiers sous-équipés dans deux agglomérations à croissance rapide : Tanger et Tétouan. Dans un contexte de recomposition des capitales du Nord marocain, la question de l’inclusion des marges à la ville est abordée à travers l’accès aux services de base. Deux services urbains, et plus précisément l’accès à ces services, sont retenus comme indicateurs des processus étudiés : l’eau potable et les transports. D’autres services essentiels auraient pu être retenus46, mais l’eau potable et les transports apparaissent particulièrement appropriés à

notre étude. Tout d’abord, l’eau potable est un problème qui se pose avec acuité à l’échelle globale et particulièrement dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. L’accès à l’eau potable est au cœur des préoccupations actuelles et des débats sur le développement des pays du Sud. Ensuite, les transports correspondent aussi à un problème majeur des grandes villes du Sud. Dans des sociétés connexionnistes organisées en réseau (Boltanski, Chiapello, 1999), la mobilité et les moyens de déplacements qui la facilite apparaissent indispensables à un fonctionnement urbain harmonieux.

En quoi l’accès aux services urbains en réseau est-il déterminant pour (et significatif de) l’inclusion des quartiers sous-équipés ? En quoi l’accès aux services de base montre-t-il des processus d’inclusion des marges sociales et géographiques à des ensembles urbains intégrés et cohérents ? Comment permet-il aux quartiers pauvres de sortir de la marginalité et de la précarité en s’intégrant aux autres tissus urbains ? Régularisation foncière et équipement des quartiers périphériques représentent-ils facteurs d’inclusion des marges urbaines pauvres ?

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d’autant plus qu’on assiste à la dispersion des cellules familiales de base (passage du foyer regroupant la famille élargie à la famille nucléaire).

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2.1. L’accès aux services essentiels comme indicateur des recompositions territoriales et des processus d’inclusion urbaine et d’exclusion

Les configurations des réseaux des deux services étudiés illustrent un accès inégal aux infrastructures de base, et par conséquent des villes duales. Les usages des transports informels et des bornes-fontaines publiques et gratuites représentent-ils une situation intermédiaire avant l’accès au robinet et aux transports conventionnels, voire à la voiture particulière ou, au contraire, un état statique, une situation arrêtée et figée ?

L’observation instantanée des villes étudiées révèle des situations d’exclusion pérennes. Cependant, une approche des évolutions montrera que les situations ne sont pas statiques mais dynamiques. Elles ne sont pas immuables mais changeantes et renouvelées à travers des processus d’inclusion et d’exclusion des quartiers pauvres. Bien que l’exclusion des plus vulnérables apparaisse permanente, sont-ce toujours les mêmes habitants et quartiers qui vivent dans la précarité ? Ou bien, certains sortent-ils de la marginalité urbaine en laissant la place à de nouveaux exclus ? Ces derniers le sont-ils durablement ou de manière temporaire ?

Notre objectif vise à sérier les facteurs déterminants pour l’inclusion urbaine des quartiers sous-équipés et des populations pauvres. Il s’agit d’analyser les processus inclusifs qui expliquent les évolutions sociales et géographiques de morphologies urbaines foncièrement duales. Bien que pérennes à l’échelle des villes étudiées, les situations d’exclusion sont-elles immobiles et définitives ou, au contraire, dynamiques et évolutives pour chaque cas étudié ?

Sur les questions de l’habitat et des services de base, la synthèse de Claude de Miras dans l’ouvrage collectif Intégration à la ville et services urbains au Maroc met en évidence des logiques inclusives en gestation. Trois modes d’inclusion sont distingués : le mode marchand et sa logique libérale, le mode de proximité avec la municipalisation et la participation citoyenne, et enfin le mode religieux qui fait référence aux services alternatifs offerts par les mouvements islamistes aux populations démunies. Ces logiques inclusives sont-elles vérifiées à travers les résultats des enquêtes de terrain effectuées dans les quartiers sous-équipés de Tanger et de Tétouan ? Peut-on sérier d’autres logiques inclusives ?

L’hypothèse centrale, autour de laquelle s’articulent les idées et les informations collectées, est celle d’une inclusion urbaine (géographique et sociale) des quartiers sous-équipés. Cette inclusion passe-t-elle nécessairement par la voie de la régularisation – foncière et urbanistique – et l’équipement de ces espaces, en permettant l’accès des habitants aux services essentiels ? Les processus inclusifs profitent-ils uniformément aux différents espaces et populations concernés, à tous ? Parallèlement à ces processus, assiste-t-on à des dynamiques de renouvellement des marges urbaines soit en raison de mouvements ininterrompus d’extensions périphériques, soit à cause des situations immuables que connaissent les plus défavorisés durablement exclus et laissés pour compte ? Les études de cas réalisées dans les bidonvilles et les quartiers non-réglementaires permettront de préciser les facteurs et les rythmes des processus d’inclusion et de la dynamique de renouvellement des marges urbaines.

2.1.1. Les modes de gouvernance des services urbains en réseaux

Organisés en réseaux, les services de base structurent les espaces urbains. L’organisation des services essentiels est déterminante pour la structuration de l’espace, pour le fonctionnement économique et social des villes et pour le bien-être des populations.

La deuxième partie de la thèse portera sur l’aménagement du territoire et l’urbanisme à Tanger et à Tétouan. Nous y étudierons les services de distribution d’eau potable et les transports collectifs. Il sera question des conditions d’accès et de l’inégal accès aux services essentiels, ainsi que des évolutions de leurs modes de gestion. Il s’agira aussi de montrer comment les services en réseaux structurent les villes étudiées. L’objectif de cette démarche est de développer un thème parallèle à notre problématique : celui de la gouvernance des services urbains. Plus que de dresser, à l’échelle de Tanger et de Tétouan, un tableau des systèmes d’eau potable et de transports, l’objectif est d’analyser la gestion institutionnelle, aux plans national et local, de ces services de base. Ce sont l’organisation des réseaux et leurs modes de gouvernance par les opérateurs publics et privés, ainsi que les pratiques des usagers, qui seront éclairés. Cette approche constitue un préalable à l’étude des processus d’inclusion urbaine et d’exclusion des quartiers sous-équipés à travers l’accès aux services essentiels. Il s’agit de présenter les indicateurs retenus. De plus, à travers la gouvernance des services urbains, il est possible d’étudier la vie politique locale et ses interactions avec le système politique national. Il s’agit donc d’une étape intermédiaire avant d’appréhender la question de l’inclusion urbaine à travers l’accès aux services essentiels.

La question de la « bonne gouvernance »

Depuis le début des années 90 et dans le contexte de l’ajustement structurel, les institutions internationales prônent la « bonne gouvernance ». La Banque mondiale conditionne ses aides et ses prêts par le recul de l’interventionnisme étatique dans l’économie (libéralisme), notamment à travers des mesures d’austérité budgétaire (restriction des dépenses publiques) et la gestion de proximité des affaires publiques (décentralisation).

Dans un Etat de droit, en plus des fonctions régaliennes qu’il conserve, l’Etat est censé encourager les autres acteurs – politiques avec les collectivités locales, économiques avec les entreprises, civils avec les associations et ONGs – sur la voie de l’économie de marché. La « bonne gouvernance » vise l’adoption de règles de morale publique basées sur les principes de responsabilité et de transparence, ainsi que sur la participation d’une pluralité d’acteurs.

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