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PREMIERE PARTIE : APPROCHE CONCEPTUELLE,

CHAPITRE 1 : APPROCHE CONCEPTUELLE, PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

1. Approche conceptuelle et théorique

1.2. L’intégration géographique, l’insertion sociale et l’inclusion urbaine

L’intégration correspond à l’incorporation d’un ou plusieurs éléments étrangers à un ensemble constitué ; c’est l’assemblage de divers éléments pour constituer un tout. Elle s’oppose à la différenciation et à la dissolution.

1.2.1. L’intégration, ambiguïté d’un concept qui appartient aux deux disciplines géographique et sociologique

Si le concept d’intégration est familier à la géographie, alors il traduit plutôt des processus politiques et géopolitiques que des faits sociaux . L’intégration désigne un « processus par lequel des États décident d’abandonner une partie de leurs prérogatives au profit d’une souveraineté économique commune par la suppression des barrières douanières, par la libre circulation des personnes et des biens et par l’adoption d’une politique économique commune » (dictionnaire Trésor de la langue française).

L’intégration, au sens géopolitique, est une alliance entre pays qui imbriquent et associent leurs intérêts pour constituer un ensemble économiquement fort.

« Réciproquement, le progrès économique attendu d’un marché élargi et, d’une certaine façon

protégé, apparaît comme un gage de stabilité sociale » (Berthelot, 1992, p. 813).

Instrument de stabilité économique, sociale et politique, les politiques d’intégration font référence aux regroupements régionaux.

L’intégration ne recouvre pas la même acception en sociologie. Pour les sociologues, l’intégration correspond à la « phase où les éléments d’origine étrangère sont complètement assimilés au sein de la nation tant au point de vue juridique que linguistique et culturel, et forment un seul corps social » (dictionnaire Trésor de la langue française). Si l’on pense ici au militantisme intégrationniste40 du pasteur Martin Luther King, alors le concept

d’intégration ne correspond pas à notre problématique au niveau urbain. En France, à l’occasion des émeutes dans les banlieues en 2005, des jeunes issus de l’immigration et des militants associatifs expliquent qu’ils ne veulent plus entendre parler d’intégration parce qu’ils ont la nationalité française (notion de droit), qu’ils sont éduqués à l’école de la République et qu’ils partagent ses valeurs (notions de langue et de culture) et parce qu’ils font partie du tout que constitue la Nation. Au Maroc, les populations pauvres ne sont-elles pas assimilées à l’ensemble national ne serait-ce qu’à travers leurs droits, langue et culture ? A moins que l’on considère, peut-être d’ailleurs à juste titre, que les néo-urbains ne sont chez- eux nulle part dans la mesure où : ils sont étrangers en médina ; il colonise un milieu inconnu, voire déterritorialisé41 avant leur installation, dans les périphériques irrégulières qui

représentent des fronts pionniers ; ils ne sont pas les bienvenus dans les campagnes d’origine s’ils demeurent les poches vides ou une bouche de plus à nourrir. Notons que des personnes nées à Tanger et à Tétouan ne parlent pas la même langue que des Rifains immigrés dans les périphéries de ces villes.

« Le terme « intégration » a souvent été utilisé à propos de l’incorporation progressive des étrangers

dans une société d’accueil » (Lévy, 2003, p. 516).

Selon Roger Brunet (1992), l’intégration signifie le rassemblement d’éléments dans une unité nouvelle ou l’incorporation d’un élément à un corps existant. Le tout résultant de l’intégration correspond à une nouvelle entité, mais l’intégration n’est pas intégrisme42 parce qu’elle induit

un processus de transformation, une recomposition, une mutation. Les éléments intégrés et intégrants forment une nouvelle unité qui n’est plus telle qu’elle était initialement. Cette unité est en construction de manière permanente.

L’intégration se distingue donc de l’assimilation dans la mesure où le corps étranger qui s’intègre dans une entité modifie cette dernière pour en créer une nouvelle. L’assimilation signifie au contraire une destruction/déstructuration des spécificités d’un individu ou d’un groupe d’individus pour qu’il se conforme aux normes établies dans le monde qui l’accueille et l’assimile. L’intégration de personnes dans un corps social est marquée par leur entrée dans le système productif ainsi que dans les lois et coutumes du lieu (acculturation), mais chacun peut conserver son identité et son originalité, contrairement à l’assimilation qui implique une soumission et une identification complètes au corps dominant (Brunet, 1992). L’acculturation désigne à la fois le processus d’apprentissage des nouvelles valeurs et les contacts entre deux civilisations tandis que l’assimilation (à une civilisation jugée supérieure) s’accompagne le plus souvent de la perte de la culture originelle (déculturation) ou de sa transformation (transculturation).

« Il y a intégration d’une réalité A dans une réalité B lorsque A fait clairement partie de B mais que B

a été modifié par l’entrée de A. (…) La notion d’intégration peut alors être utilisée chaque fois que la rencontre entre deux réalités distinctes donne lieu à (…) une nouvelle réalité. Métaphore spatiale, cette notion prend facilement une signification géographique : lorsque Alain Reynaud parle de « périphérie intégrée », il indique que le nouvel espace ainsi créée n’est pas seulement la somme de l’ancien centre et de l’ancienne périphérie pas plus qu’il n’efface complètement l’identité de cette nouvelle composante du centre qu’est cet espace « intégré » » (Lévy, 2003, p. 516).

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Le mouvement intégrationniste est par définition violent : on entre par la force dans un collectif fermé. 41

où la territorialité est à construire et la territorialisation en construction. 42

L’intégration désigne donc l’opération par laquelle un individu ou un groupe s’incorpore à une collectivité, à un milieu :

Le résultat de l’intégration est une représentation collective de l’appartenance à un corps social. Un collectif absorbe un individu ou un groupe, tout en acceptant les différences et d’être modifié. L’incorporation de l’autre donne lieu à une nouvelle entité appréhendée comme un tout. L’intégration implique l’établissement d’interdépendances entre les membres d’une société.

1.2.2. L’insertion sociale et les politiques de lutte contre l’exclusion

L’insertion désigne l’action d’introduire un objet dans une chose, un cadre, un ensemble, dans un espace prévu à cet effet. L’individu est inséré par le collectif et y trouve une place. La notion d’insertion sociale naît du passage des dispositifs de lutte contre la pauvreté (assistance aux indigents au XIXème siècle) aux politiques contemporaines d’insertion et de lutte contre l’exclusion (notamment en France). Les sociologues distinguent d’une part, les pauvres socialement insérés et économiquement utiles et d’autre part, les pauvres socialement exclus et économiquement inutiles (Castel, 1995, Paugam, 1996). A travers les mises en œuvre des politiques d’insertion, l’individu entre dans le collectif, il est absorbé par la société, en répondant à des normes établies. L’insertion sociale correspond à l’adhésion à une norme transcendante. Elle induit une transformation personnelle et une responsabilisation. C’est un processus individuel qui traduit un acte volontaire. A la différence du modèle intégrateur qui est un modèle collectif, l’insertion est l’ajout d’un individu à une société sans que cette adjonction ne transforme le collectif préexistant. L’insertion comme introduction d’un individu au sein d’une société, d’un collectif préétabli, se rapproche davantage de l’assimilation43 que du processus d’incorporation que définit l’intégration sociale.

A la différence de l’intégration, concept scientifiquement construit, l’insertion émerge du débat politique et public, voire médiatique, autour de la question de justice sociale dans les Etats modernes et démocratiques. Les politiques de lutte contre l’exclusion s’inscrivent en France dans un dispositif contractualisé fait de droits et devoirs.

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« Facteur d’organisation, (l’assimilation) constitue cependant un processus très lent. Les nouveaux arrivants

doivent s’accommoder d’un ordre, d’une organisation, définis par ceux qui sont là depuis plus longtemps qu’eux. L’assimilation ne peut donc s’effectuer que grâce à l’éducation » (Xiberras, 1996, p. 85).

Politique d’insertion

Le résultat d’une politique d’insertion est l’adhésion et l’addition d’un individu

dans un collectif.

Collectif Individu

Processus d’intégration

Le résultat d’un processus d’intégration est la création d’un

nouveau collectif.

Collectif Individu

ou groupe

1.2.3. L’inclusion urbaine à la confluence de la géographie et de la sociologie

L’inclusion désigne la relation entre deux groupes faite de telle sorte que les éléments constituant l’un d’eux se retrouvent parmi l’autre. Le processus inclusif permet à l’individu ou au groupe d’être introduit au sein d’un collectif.

Une définition optimiste de l’inclusion est donnée par Amartya Sen :

« L’inclusion est caractérisée par l’expérience sociale largement partagée et la participation active

d’une société, par l’égalité généralisée des possibilités et des chances de la vie qui s’offrent aux gens sur le plan individuel, et par l’atteinte d’un niveau de bien-être élémentaire pour tous les citoyens »44.

Les éléments constitutifs du paradigme de l’inclusion peuvent être identifiés à partir de cette définition : l’expérience sociale partagée soulève l’idée de territoire socialement construit et de cohésion, la participation active de la société fait référence à la citoyenneté (l’égalité des possibles, avec une responsabilité individuelle des parcours de vie, renvoyant aux droits communs) et le niveau de bien-être élémentaire réunit des conditions de vie minimales et des droits inaliénables.

L’inclusion est un processus interactif combinant intégration et insertion. L’inclusion désigne à la fois l’insertion individuelle en tant qu’adhésion volontaire, mais aussi l’intégration au sens d’incorporation par le collectif. Le out pénètre le in et le in absorbe le out. L’inclusion signifie l’élargissement des normes d’intégration : les contours de l’intégration sont redéfinis par une interaction entre l’insertion individuelle et l’intégration par le collectif.

Avec l’idéal de l’inclusion, l’individu et le collectif sont mutuellement engagés. Ils se (re)joignent pour former un ensemble qui partage des bases et des normes sociales communes en perpétuelle évolution sous le jeu des logiques inclusives :

L’inclusion est une notion idéologiquement connotée dans la mesure où elle exprime une volonté de changement social au profit d’une société moins inégalitaire et moins excluante. La ville inclusive implique des principes de redistribution et de péréquation à travers des actions compensatrices des inégalités et en vertu de l’équité. L’inclusion implique l’abandon de certains privilèges par les nantis pour que les défavorisés puissent appartenir au collectif. L’inclusion est une interaction entre volonté de lutter contre l’exclusion (politiques publiques) et pratiques sociales inclusives (actions individuelles).

« Si les catégories socioprofessionnelles classiques minoraient voire oubliaient la dimension géographique de l’appartenance, le couple inclusion/exclusion, qui se présente comme une métaphore spatiale, peut facilement intégrer une composante spatiale, notamment en termes de gradients d’urbanité » (Lévy, Lussault, 2003, p. 493).

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[Traduction] Amartya Sen, Development as Freedom, Oxford University Press, 2001.

Processus d’inclusion

L’individu pénètre le collectif qui l’absorbe. Idée d’absorption et d’adhésion.

Collectif Individu

ou groupe

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