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Le déploiement des villes sur le pourtour de la Tingitane traduit l’extraversion de la région. Historiquement, les pôles du triangle « Tanger - Tétouan - Ceuta », dont les côtés s’étendent sur environ cinquante kilomètres, sont en tête dans la hiérarchie des villes de la péninsule et guident l’organisation de l’armature urbaine régionale. Larache, Ksar el-Kébir et Chefchaouen sont des pôles secondaires et des villes relais.

Les réseaux urbains de la région Tanger-Tétouan sont conformes à la théorie des lieux centraux de Lösch et Christaller : les villes sont à peu près équidistantes, avec une polarisation plus forte des capitales régionales. Les centres ruraux structurent l’arrière-pays avec des zones d’influence de moindre importance. Ces centres sont logiquement hiérarchisés en fonction des portées territoriales de leurs niveaux de services (distance parcourue par le consommateur pour se procurer le service) et des seuils d’apparition des services (seuils fixés par le nombre d’habitants nécessaires pour rentabiliser l’offre de service). Les centres ruraux disposent de services de type banal (souk), tandis que les services rares de niveau supérieur sont concentrés dans les grandes villes. L’armature urbaine de la péninsule tingitane est aussi le reflet de l’organisation administrative par le pouvoir central : la carte administrative et les fonctions d’encadrement territorial des villes confirment les aires d’influence.

Bien que la modernité contemporaine des transports puisse invalider le modèle de Christaller, le système urbain tingitan correspond encore à cette hiérarchie des lieux centraux en fonction des niveaux de services : l’organisation spatiale de la production des biens et des services, en fonction des contraintes de proximité entre le producteur et ses clients (coûts du transport, caractère périssable des produits), reste fondée. Si les fonctions portuaires échappent à la théorie des lieux centraux, elles expliquent néanmoins la position dominante de Tanger et de Ceuta dans le système urbain régional.

La concentration des hommes et des activités se renforce dans les capitales du Nord, mais elle ne se traduit pas (encore) par un processus de métropolisation. Conséquence de la mondialisation, Tanger et Tétouan sont de plus en plus indépendantes de la région complémentaire (zone d’influence) alors que l’arrière-pays est de moins en moins autonome vis-à-vis de ces places centrales et de leurs fonctions. L’intégration de Tanger et de Tétouan à l’économie mondiale ne tendra-t-elle pas à altérer le modèle des lieux centraux, aujourd’hui vérifié en Tingitane, pour permettre à ce doublet urbain de se constituer en métropole ?

Si Tanger est considérée comme un pôle important d’investissement productif, Tétouan reste peu entraînée par cette dynamique. Pour certains, Tétouan serait coupée de son ouverture maritime à cause de l’enclave espagnole de Ceuta qui fait face au détroit de Gibraltar. Cette idée peut apparaître comme une vision simplifiée de l’histoire de la péninsule tingitane dans la mesure où Ceuta est occupée depuis le XVème siècle. Rappelons que Tétouan a par le passé disposé d’un port (comptoir Tamouda) ; la ville andalouse rayonnait grâce au commerce maritime sans bénéficier d’une tête de pont sur le détroit de Gibraltar. La mise en service du port Tanger-Méditerranée pourra en tout cas rectifier la situation à la faveur de Tétouan.

D’ambitieux projets illustrent les recompositions territoriales nordistes et les dynamiques urbaines tingitanes, en particulier au plan des infrastructures destinées à améliorer le bien être des populations et à satisfaire les attentes des investisseurs. Les grands projets sont annoncés comme les leviers du développement régional dans une zone éminemment stratégique. Ils ne sont pas dénués d’une volonté politique d’insertion transnationale à l’échelle du bassin méditerranéen. Les programmes de développement visent à consolider le rôle de Tanger et Tétouan à travers la relance des activités touristiques, industrielles et de services.

Les secteurs d’intervention prioritaires restent les infrastructures routières (rocade méditerranéenne, voies rapides) et portuaires (Tanger-Méditerranée), l’alimentation en eau potable, l’électrification, le tourisme et l’industrie. Il s’agit de dynamiser le tissu productif local et d’augmenter le nombre d’emplois. Si les fondements d’un programme de développement sont jetés, alors le défi reste à relever.

En Tingitane, le renforcement des infrastructures de transport, la construction de complexes touristiques, l’aménagement des littoraux, la réalisation des programmes de logement et d’amélioration de l’habitat (restructuration des quartiers insalubres, réhabilitation des médinas, rénovation de la voirie) ouvrent de vastes chantiers. Ces projets sont supervisés par les Wilayas de Tanger et de Tétouan et accomplis en collaboration avec l’ADPN, les départements ministériels concernés (services déconcentrés et établissements publics) et les collectivités territoriales (Communes, Région) et, pour certains, dans le cadre de partenariats et d’accords avec les acteurs publics et privés extérieurs.

In fine, le constat sera celui d’incertitudes et d’hésitations quant à l’avenir en raison de nombreuses limites et contraintes au développement régional : créations d’emplois et d’activités limitées, faibles investissements nationaux et étrangers.

L’intégration régionale de la péninsule tingitane aux échelles nationale et euro- méditerranéenne est en marche. La « polarisation des hommes et des ressources vers cette pointe occidentale du Rif » (Troin, 2003, p. 270) conduit le doublet urbain Tanger-Tétouan à constituer un pôle important dans les échanges entre le Maroc et l’Union européenne. Peut-on pour autant évoquer un processus de métropolisation ?

Plus qu’une croissance soutenue de la population et qu’un étalement urbain démesuré, la métropolisation signifie la connexion d’une grande ville aux réseaux des villes globales. C’est la place et le rôle d’une agglomération à l’échelle mondiale qui permet d’apprécier un processus de métropolisation. La métropole accroît son influence sur son arrière-pays : elle en est de plus en plus autonome, tandis que l’hinterland est de plus en plus dépendant de la ville qui rayonne à l’échelle du globe. La métropole et ses forces vives structurent et commandent un espace aggloméré et, dans le même temps, elles s’inscrivent dans la mondialisation à travers une place déterminante. Une métropole a de l’influence sur les autres métropoles mondiales. En ce sens, la métropolisation est davantage un processus, une dynamique, qu’un état, une situation statique et figée. Le doublet urbain Tanger-Tétouan n’a pas le rôle d’une métropole. Ce duo d’agglomérations n’a pas encore les fonctions d’une ville globale qui agit sur le système mondialisé avec des conséquences sur l’ensemble des métropoles.

CHAPITRE 3 : L’INTEGRATION DU MAROC DU NORD

ET DE LA PENINSULE TINGITANE

AUX ECHELLES INTERNATIONALE ET NATIONALE

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