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et normes sociales

2.2.2. la Time-Geography : focalisation sur les contraintes de couplage

La Time-Geography s’intéresse à l’enchaînement et à la coordination des activités quotidiennes pour décrire la position spatiale et temporelle des individus. Dans la Time-Geography, c’est la succession d’activités quotidiennes qui va définir la spatialité (x, y) et la temporalité (z) des déplacements des individus dans un espace à trois dimensions.

FIGURE 2.1 - Time-Geography : Trajectoire spatio-temporelle d’activités quotidiennes

Source : Hägerstrand, 1970

Ce premier apport théorique nous précise que si nous nous intéressons à la compréhension des raisons fondant un horaire de déplacement pour se rendre au travail, nous sommes aussi dans l’obligation de considérer l’ensemble des activités réalisées au cours de la journée ainsi que leur coordination. Le second apport de la Time-Geography rejoint en partie les concepts de l’individualisme méthodologique wébérien mais aussi et surtout ceux de la théorie du consommateur (Becker, 1965 ; Gossen, 1854). Il nous intéresse tout particulièrement car pour les Géographes du Temps, le choix d’un horaire de déplacement découle d’un programme d’activités qui émane également de l’expression des préférences des individus, entourées par un faisceau de contraintes. Sur la figure 2.1., l’individu se déplace de son domicile à son travail en passant par une épicerie. La trajectoire qu’il définit dans le temps et dans l’espace est le produit de ses préférences (acheter son déjeuner avant d’aller au travail, puis arriver à son bureau). Néanmoins le positionnement temporel de ses deux activités visées est contraint par des cylindres ou des faisceaux « d’accessibilité temporelle ». D’après la Figure 2.1, consommer à l’épicerie n’est possible que de 7 heures à 10 heures (l’épicier semble pratiquer des horaires d’ouverture pour le moins atypique !). Arriver sur son lieu de travail n’est possible qu’entre 8 h 30 et 11 h 30. De manière plus formelle, Torsten Hägerstrand, le « père » de la Time-Geography, identifie trois types de contraintes justifiant que la réalisation d’une activité puisse être circonscrite par des bornes horaires et par conséquent uniquement réalisable selon une certaine chronologie :

- Les contraintes de capacité limitant notre « univers des possibles » pour des raisons physiologiques (besoin d’alimentation et de sommeil), techniques (vitesse de déplacement) et topologiques (chaque trajet est circonscrit par une localisation donnée et à venir) (Drevon 2016). - Les contraintes d’autorité renvoyant quant à elles à la possibilité de bénéficier de l’activité.

L’accessibilité n’est plus vue sous l’angle de la possibilité que nous aurions à nous rendre sur le lieu de l’activité mais bien de pratiquer l’activité, une fois sur place. Par exemple, des règles juridiques, telles la propriété privée ou le paiement d’une redevance peuvent em-pêcher d’accéder à certaines aménités. Mentionnons également les règles temporelles qui régulent l’accès à une aménité par des horaires d’ouverture au public (Lenntorp, 1977). - Les contraintes de couplage constituent certainement l’apport principal des Géographes

du Temps (Adoue, 2016). Elles se manifestent par la nécessité pour un individu ou un groupe de se trouver dans un lieu à un moment précis et pour une durée généralement convenue. Elle se rapporte notamment à des activités de consommation, de travail ou d’in-teraction sociale. Il s’agit de rassembler dans un espace-temps précis l’individu, les outils et les matériaux dans un objectif de production, de consommation ou d’interaction sociale. Les contraintes de couplage seront une entrée extrêmement pertinente et stimulante pour essayer de comprendre ce qui peut contraindre le choix d’un horaire de travail (Kim and Kwan, 2003). Nous pensons effectivement que les contraintes d’autorité et de capacité revêtent peut-être un caractère trop trivial pour justifier que l’on fonde notre recherche des déterminants d’un horaire de travail sur ces segments explicatifs. Ces facteurs ne disparaissent pas pour autant de notre analyse, mais nous estimons que celle-ci sera plus fructueuse si l’on place notre curseur de recherche sur les contraintes de couplage. Nous préciserons et redéfinirons par la suite l’utilisation que nous souhaitons faire de ce concept de contrainte temporelle. Notons toutefois à cet endroit que l’opposition entre les contraintes de couplage et les préférences individuelles ne suit pas une logique binaire où l’une serait positive et l’autre négative. Ces deux facettes résonnent plutôt de façon dialectique. En conséquence, une contrainte de couplage, n’est pas un facteur qui nous empêcherait forcément de faire ce que l’on souhaite, c’est plus une « pression temporelle » (vécue de façon positive ou négative) qui nous lie à autrui. Ce facteur revêt une dimension contraignante dans la seule mesure où il limite les possibilités de choix d’un horaire, dans notre cas un horaire d’arrivée au travail. L’un des avantages du modèle conceptuel de la Time-Geography réside dans son caractère visuel. Il nous a permis de cibler avec plus de précision un type de contrainte que nous allons sonder en tant que facteur potentiellement déterminant d’un horaire d’embauche. Par sa nature graphique, il permet efficacement de rendre plus tangible des logiques d’action qui touchent la temporalité des activités

Cela étant dit, il a pour défaut de fournir une vision un peu trop métrique et « programmatique » des rationalités qui gouvernent le choix de l’horaire d’une activité. En ne se référant qu’aux logiques d’action purement orientées en finalité, la Time-Geography fournit des bases de travail extrêmement satisfaisantes vis-à-vis d’objectifs de modélisation économique (Activity-based-approach) de la demande de transport. Mais vis-à-vis de nos objectifs, cette lecture ne peut-être que partielle et semble omettre tout un pan des logiques d’action qui structurent la temporalité des activités quotidiennes et qui ne sont pas à proprement parler orientées vers « l’optimisation et la gestion du temps ». Comme le souligne Marie-Hélène Massot : ces analyses « peinent à faire la part entre la logique du

désir et celle de la nécessité pour tout ce qui ne relève pas de l’économique pur. » (Massot, 2006)

2.2.3. le rôle des valeurs collectives et le poids des normes sociales

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