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COMMUNICATION ET MODIFICATION DANS LE TEMPS

5.1. U TILISATION DES MOYENS DE COMMUNICATION PAR LES FIRMES

Les résultats du chapitre précédent, démontrant l’existence de liens entre l’utilisation de moyens de communication et certains des paramètres décrivant les entreprises, permettent d’envisager qu’il puisse y avoir une relation entre les deux typologies que nous avons établies : l’une décrivant les entreprises, l’autre l’utilisation des moyens de communication.

Pour tester statistiquement l’existence d’une telle relation deux possibilités s’offraient à nous. D’une part tester la corrélation entre les coordonnées des entreprises sur les premiers axes des deux analyses factorielles, d’autre part tester l’existence d’une relation entre les classes des typologies. Cette dernière possibilité, qui nous semblait la plus attrayante, ne s’est pas révélée possible du fait du grand nombre de classes que nous avons décidé de conserver : les conditions nécessaires à la réalisation d’un test n’étaient pas réunies86.

Les tendances fortes dégagées par le premier axe factoriel de chaque analyse (celle sur les entreprises et celle sur les moyens de télécommunication) nous autorise à mener une analyse de corrélation entre les coordonnées des entreprises sur chacun de ces axes.

Graphique 5.1 : coordonnées des entreprises sur les axes factoriels des deux analyses

C B A D -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 -1 -1 0 1 1 2

Coordonnées des entreprises

Source : Clarisse Didelon, Enquête à Bangalore, Automne 2002

Coordonnées des moyens de

Le nuage de points permet de constater l’existence d’une relation linéaire positive entre les coordonnées des deux axes factoriels. Compte tenu de l’interprétations de ces axes qui a été établie au cours du chapitre précédent, cela signifie que plus les entreprises sont de grande taille et internationalisées plus elles utilisent fréquemment un grand nombre de moyens de télécommunication.

Toutefois, comme nous pouvons le constater en observant le graphique 5.1, de nombreux points sont assez éloignés de la droite de régression. Ainsi, bien que le coefficient de corrélation soit assez élevé (0,61) et qu’il soit significatif87, la relation n’explique que 36 % de la

variation du nuage de points. La cartographie des résidus n’a pas permis de dégager une organisation spatiale ou économique dans le sous-équipement88 ou le sur-équipement par

rapport au modèle proposé, pas plus que les tests statistiques n’ont permis de mettre à jour une corrélation entre ces écarts au modèle et les paramètres décrivant les entreprises. Il ne faut pas oublier que le modèle a été construit à partir des premiers axes factoriels et que ces deux axes ne prenaient en compte qu’environ 25 % chacun de l’information de leurs nuages de points respectifs. Nous pouvons toutefois observer individuellement les entreprises à l’origine d’un fort résidu afin de dégager des tendances fortes. Cette observation nous permet en effet de d’identifier quatre groupes, deux pour le sur-équipement et deux pour le sous-équipement (Cf. graphique 5.1).

Le groupe (A) ayant les plus forts résidus concerne le sur-équipement. Ce groupe d’entreprises est assez hétérogène et ne se laisse pas ou très peu, appréhender par des caractéristiques communes : sur huit entreprises, quatre sont des entreprises d’exports, trois de vente en gros et une de production. Leurs dates de création sont très variables, leurs implications dans les activités productives également. Toutefois nous pouvons proposer quelques explications. Tout d’abord on y trouve une entreprise particulière, la Karnataka Silk Industry Corporation, une très grande entreprise (1220 employés), qui est surtout une entreprise publique. Cela explique sans doute son sur-équipement : c’est l’entreprise qui a le résidu le plus élevé. Les trois suivantes sont également particulières dans le sens où, lorsque nous avions effectué les enquêtes et que nous avions noté sur chaque questionnaire une appréciation (intuitive) de la crédibilité des réponses, ces entreprises avaient obtenu un « - »89 Nous avions jugé alors que les fréquences

déclarées d’utilisation des communications de même que, parfois, le nombre d’interlocuteurs avait été surévalués. Les quatre dernières entreprises sont, pour trois d’entre elles, des entreprises d’export et l’une d’entre elles une entreprise de vente en gros, Madhur Trading &

Co, qui a de nombreux clients en Inde du Nord. Leurs principaux points communs sont leurs tailles relativement importantes et leur forte implication dans les activités productives.

Dans le second groupe (B)concerné par le sur-équipement se trouvent deux grossistes et un détaillant mais qui pratique également la vente en gros. Ces entreprises ont peu d’activités productives. Les grossistes ont des clients en Inde du Nord et du Sud, le détaillant y a des fournisseurs. Cette extension spatiale du réseau peut être une des premières explications du sur- équipement. Une seconde est une particularité de ces entreprises de vente en gros : toutes trois sont très récentes. Deux ont été créées en 1994 et la troisième en 1999. Cette création qui intervient dans la période de la libéralisation du secteur des télécommunications en Inde et de la montée du discours sur les avantages apportés par cette technologie explique peut être également en partie le sur-équipement.

Le groupe suivant (C) a également de forts résidus, mais cette fois-ci, négatifs, ce qui signifie que les entreprises qui s’y trouvent sont sous-équipées en ce qui concerne les moyens de télécommunications. On y trouve essentiellement des entreprises de vente en gros et une seule d’export. Elles n’ont pratiquement aucune activité productive et sont de taille petite ou moyenne. En tous cas, aucune d’entre elles n’a plus de 40 employés. Elles sont pour la plus part assez anciennes, (sauf l’une d’elles créée en 1996) avec une moyenne de 23 ans au moment de l’enquête. Leurs fournisseurs et sous-traitants sont essentiellement localisés à Bangalore et leurs clients en Inde du Sud. De plus, toutes sont localisées dans le secteur de Avenue Road et Jumma Masjid Road. L’interaction avec les fournisseurs et clients, eux-aussi à Bangalore, se fait donc peut être de manière préférentielle par le biais de la rencontre présentielle.

Le dernier groupe (D) enfin, regroupe des entreprises d’export sous-équipées. Toutes quatre sont de grande taille et localisées plutôt en dehors du centre de Bangalore, voire en périphérie. Elles sont caractérisées par la faiblesse de l’extension spatiale de leur réseau en Inde en ce qui concerne les fournisseurs et les clients, voire par l’absence de client indien. Par contre toutes ont un grand nombre de clients, et surtout de fournisseurs dans les pays étrangers. Qu’est-ce qui, dès lors, pourrait permettre d’expliquer leur sous-équipement ? Compte tenu des données dont nous disposons ici, cela pourrait être lié à leur date de création. Toutes quatre sont en effet assez anciennes, la plus récente ayant été fondée en 1984. Elles avaient en moyenne 24 ans au moment de l’enquête. Créées bien avant la réforme dans le secteur des télécommunications elles ont dû mettre en œuvre d’autres stratégies de prise de contact et d’interaction avec leurs interlocuteurs que les entreprises plus récentes. Il faut d’ailleurs souligner, que dès notre

premier séjour à Bangalore le dirigeant de l’une d’entre elle (Sree Padmini Silk World) disait ne pas vouloir utiliser Internet et préférer les foires internationales pour prospecter de nouveaux marchés et maintenir les liens avec ses clients.

A part pour le groupe dont les réponses au questionnaire nous avaient semblé sujettes à caution, il semblerait donc que l’un des facteurs principaux pour expliquer les résidus soit la date de création de l’entreprise. Alors que le plus souvent, dans nos analyses précédentes, cette variable n’avait pas joué de rôle déterminant, elle prend ici un intérêt nouveau. En effet, les deux groupes qui mettent en évidence un sous équipement par rapport à ce que la taille et le niveau d’internationalisation des entreprises pouvait laisser attendre, sont caractérisés par leur ancienneté. Les moyennes « d’âge » des entreprises était de 23 ans dans le groupe « C » et de 24 ans dans le groupe « D ». A l’inverse, le groupe « B », qui rassemble des entreprises caractérisées par un sur-équipement, est marqué par les dates de création récentes des entreprises qui le composent. Ainsi, il se pourrait que l’ancienneté des entreprises soit un frein dans leur tendance à l’innovation, notamment en matière d’utilisation des technologies d’information et de communication.

5.2. LES DETERMINANTS DE LA FREQUENCE D’UTILISATION DES MOYENS DE