• Aucun résultat trouvé

2.2 A L ’ ECHELLE DU PAYS : L E MIRACLE INDIEN DES TELECOMMUNICATIONS

2.2.3 Développement d’Internet

Lors de l’apparition des premiers ordinateurs, seuls les grands groupes et firmes pouvaient en supporter le coût, et ces machines étaient utilisées pour des tâches telles que l’établissement des fiches de paye ou pour analyser de vastes bases de données (comme celles d’un recensement). C’est l’Indian Statistical Institute à Kolkata qui acquit le premier ordinateur en Inde en 1955. En 1972, on en comptait 172. Un boom dans le secteur des micro-ordinateurs eut lieu dans les années 1980 et se poursuivit dans les années 1990. L’attention se porta sur les ordinateurs du fait de l’informatisation du système de réservation des chemins de fer en 1986 (A. Singal E. M. Rogers, 2001). Le développement des prêts personnels à la consommation, permis la diffusion des ordinateurs personnels à la fin des années 1990. L'Inde connaît également des avancées technologiques intéressantes qui concernent la partie la moins favorisée de la population (Didelon C., Morel J-L., Ripert B., 2003). Des ingénieurs indiens ont par exemple développé un ordinateur destiné aux « pauvres » : le Simputer (concaténation des mots « Simple » et « Computer »). Deux de ses principaux atouts sont son faible coût (200 euros environ) et le fait qu'il ait été conçu pour une utilisation collective par des populations illettrées, dans les principales langues vernaculaires indiennes. Enfin de nombreux programmes visent à implanter Internet dans les villages, souvent sous la forme de kiosques d’information, mais ce projet se heurte à de nombreuses difficultés comme l’illustre la figure 2.1.

Figure 2.1 : les problèmes de la mise en place de cybercafés dans les campagnes indiennes

source : <http://www.cartoonindia.com>

L’Inde connaît depuis la fin des années 1990 un fort engouement pour Internet. Les premiers cybercafés indiens, où l'on pouvait surfer sur le net aussi bien que prendre un café ont été ouvert en 1996 à l'hôtel Leela Kempinsky à Bombay et au Maurya Sheraton à New Delhi. En se fondant sur cet exemple, un petit nombre d'entrepreneurs avaient alors ouvert des boutiques, avec quelques ordinateurs et quelques connexions Internet. Mais c'était un peu trop tôt et ces petites boutiques durent fermer (Patnaik S. 1998). En fait, la révolution d'Internet commençait tout juste en Inde en 1999. A cette date, avec l'arrivée des fournisseurs d'accès privés, on prévoyait une croissance exponentielle dans l'usage d'Internet en Inde et cela s'est vérifié, avec une amélioration brutale du nombre d'utilisateurs, bien que la proportion reste relativement faible. Si les premiers cybercafés ont été ouverts dans les grandes métropoles, « à partir de l’entrée sur le marché de fournisseurs de services Internet privés en 1998, [ils se sont diffusés ensuite] dans les villes moyennes et petites où ils se sont rapidement multipliés et parfois dans certains villages avec l’aide de politiques volontaristes de certains Etats ou d’O.N.G. sous la forme de kiosques d’information par exemple » (Cadène C., Morel J.L., 2003). Un accès plus facile, une amélioration globale de la qualité et des prix des services sont en train de déclencher un boom dans la vente des ordinateurs domestiques (Vijayakar A. 1999) et il semble possible de prévoir que le nombre d'internautes va d'augmenter de façon exponentielle.

Graphique 2.2 : développement de l’utilisation d’Internet entre 1994 et 2004 0 5 10 15 20 25 30 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Sources : World developement Indicators ; <www.cia.gov/cia/publications/factbook>

Lors de ses débuts, l'utilisation d'Internet était restreinte à l'envoi ou à la réception d’e-mails, notamment entre migrants indiens vivant à l’étranger et leur famille. Aujourd’hui, la plupart de leurs clients sont des hommes jeunes qui consultent les sites de chat, les sites « hot » et les sites de jeux. On rencontre également, dans les cybercafés, des entrepreneurs qui veulent mettre à profit les nouvelles technologies pour s'ouvrir les portes de nouveaux marchés et professionnaliser leurs documents quand ils ne peuvent se permettre d'acheter un ordinateur ; des étudiants désirant entrer en contact avec des universités indiennes ou étrangères ou à la recherche d’un emploi ; ou des médecins réactualisant leurs connaissances en consultant sur la toile les dernières découvertes médicales. De manière plus générale, c'est la classe d'âge des 18- 35 ans qui est la plus concernée par la fréquentation des cybercafés (Didelon C., Morel J-L., Ripert B., 2003).

L'un des secteurs les plus prometteurs en Inde est celui de l'exportation de logiciels. L'Inde est devenue en 2001 le second exportateur de logiciel au monde après les Etats-Unis (A. Piquard, 2001). Plusieurs entreprises multinationales de haute technologie ont établi des centres de développement de logiciels en Inde. De ce fait, certaines villes indiennes entretiennent un lien très fort avec des métropoles mondiales ce qui favorise, en certains lieux, le développement de parcs technologiques. C'est en particulier le cas de Bangalore, ville pour laquelle le gouvernement fédéral et celui de l’Etat ont mis en place une série de mesures. Ces mesures concernent également d’autres technopoles émergentes et comprennent en particulier des compensations fiscales intéressantes, un allègement du contrôle du gouvernement sur les technologies importées et des améliorations dans le domaine des infrastructures urbaines comme un réseau de fibres optiques qui devrait permettre d'améliorer la qualité des communications et la rapidité du transfert de données. Les parcs technologiques rassemblent des entreprises, leurs fournissent des infrastructures de standard international et intègrent dans un même lieu les fonctions de gestion, de production, de commerce, de loisir et de logement (Didelon C., Morel J-L., Ripert B., 2003). Après le succès de Bangalore, première technopole indienne, de nombreuses villes furent choisies par le gouvernement fédéral pour accueillir des parcs technologiques. C'est le cas de Hyderabad, la capitale de l'Andhra Pradesh. Les dirigeants de cet Etat veulent de leur capitale une alternative à Bangalore qui souffre de surpeuplement et d’une dégradation de la qualité de vie. L’ancien Premier ministre de l’Andhra Pradesh, Chandrababu Naidu, a joué un rôle très actif dans cette promotion, puisque c'est lui, personnellement, qui a convaincu Bill Gates d'installer Microsoft à « Cyberabad », le quartier

high-tech d’Hyderabad. De nombreuses villes d'Inde du Sud connaissent un engouement pour

Richard Celeste aurait dit que le Silicon Triangle de l'Inde du Sud (avec Chennai, Bangalore et Hyderabad), rivalisait avec la Silicon Valley Californienne (N. Bajpai, N Radjou, 2000).

Pour autant qu'elle soit spectaculaire, la croissance du secteur des technologies d'information et de communication en Inde ne parvient pas à satisfaire la demande de son immense population et surtout de sa classe moyenne. L'Inde a un des plus bas taux de connexion téléphonique par personne au monde. Elle se trouve face à une sorte de dilemme lorsqu'elle cherche à réduire l'écart entre la demande et les services disponibles. En effet, chaque fois qu'une nouvelle connexion est mise en place, les listes d'attente, au lieu de décroître, s'accroissent. Le pays compterait ainsi 300 millions de personnes, issues de la classe moyenne, financièrement capables d'accéder à Internet. Cette classe moyenne croît rapidement et comme les coûts de connexion et d'équipement ne cessent de décroître, le nombre potentiel d'utilisateurs ne cesse d'augmenter. L'un des plus gros obstacles au développement d’Internet demeure le manque d’infrastructures de communication. Cela ne peut être amélioré que lentement puisqu'on estime que seulement 4 à 6 millions de lignes fixes peuvent être ajoutées chaque année38. Le problème concerne également les connexions Internet et en particulier la

bande passante. « Une bande passante haut débit, connectant un pays au monde, est considérée comme un baromètre du progrès de l’intégration à l’économie mondiale. Dans le cas de l’Inde le sujet est particulièrement sensible puisque la connectivité est le support de la croissance des exportations de service » (India Budget : <http://indiabudget.nic.in>).

Alors que les technopoles sont des centres de création de richesse, et peuvent sembler représenter une sorte de paradis économique, elles sont caractérisées par un haut degré d'inégalités socio-économiques et par d'autres problèmes sociaux importants. « Dans la périphérie sud-ouest de Bangalore, où l’International Tech Park a été construit, quelques 3500 travailleurs journaliers, dont beaucoup de femmes, peinent de 10 à 12 heures par jour, pour un dollar par jour. Ils construisent l’immeuble de bureau le plus moderne de l’Inde, avec des façades en verre, en transportant sur leurs têtes de larges plateaux de bois remplis de ciment. Les ingénieurs qui élaborent les logiciels dans ces bureaux prétentieux gagnent un salaire 30 à 40 fois celui des travailleurs journaliers »39 (A. Singhal, E. Rogers, 2000).