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I NTRODUCTION DE LA DEUXIEME PARTIE

3.1. D IFFUSION DE LA SERICICULTURE AUTOUR DU MONDE

3.1.2 Diffusion en Asie et en Inde

Les techniques de la sériciculture se diffusèrent en premier lieu en Asie orientale et avant tout en Corée où des immigrants chinois l’apportèrent avec eux vers 1200 avant J.C.. De là, elle passa au Japon lorsque, vers le début du IIIe siècle avant notre ère, certains descendants de ces

Chinois furent capturés par un général japonais qui avait envahi la Corée. Voilà comment le Japon eut très tôt connaissance du secret de la soie. Sa politique visant à l’autarcie, les produits japonais n’empruntèrent jamais la route de la soie. Et ce jusqu’en 1853, datent à laquelle trois ports japonais furent ouverts aux navires américains grâce à la mission Perry. A partir de 1860, il fut possible de trouver de la soie japonaise dans les ports chinois, même la plus grande partie de la soie exportée par le Japon était destinée alors aux Etats-Unis. A partir de 1868, l’ère Meiji, marquée par une politique d’ouverture et d’acquisition des connaissances scientifiques et techniques occidentales, permit de hisser la sériciculture et la fabrication de soies japonaises au niveau de celles des pays européens. C’est ce qui permis au Japon d’échapper en partie à l’épidémie de pébrine47. En effet tandis que la fabrication de soie chinoise périclitait et que

l’épidémie touchait presque tous les pays producteurs, le Japon devint le premier producteur mondial. L’ouverture du Canal de Suez (inauguré le 17 novembre 1869) permit une large commercialisation de la soie japonaise. Enfin, la mécanisation de tous les stades de production de la soie était acquise dès l’entre-deux-guerres. Après la seconde guerre mondiale, l’apparition

de fibres synthétiques provoqua une désaffection des consommateurs pour la soie. Et ce d’autant plus que l’industrialisation progressive du Japon, la hausse corrélative des salaires contribuèrent à rendre la soie japonaise de plus en plus chère. C’est ainsi que la production du Japon fut dépassée par celle de la Chine en 1972 et celle l’Inde en 1986.

Mais, revenons à la diffusion des techniques de la sériciculture. Selon la tradition, c’est vers 440 avant notre ère, qu’un prince de Khotan (aujourd’hui Hotan), un royaume de la bordure du désert de Takla-Makan au Tibet, courtisa et obtint en mariage une princesse chinoise. Celle-ci apprit que ce pays ne produisait pas de soie. Comme elle refusait de renoncer à porter des vêtements de soie, elle fit sortir de Chine des vers à soie ainsi que des graines de mûrier en les cachant dans sa coiffe. Elle prit également soin de former, avant son départ, ses suivantes à la sériciculture et au tissage de la soie. C’est donc de Khotan que la sériciculture poursuivit sa diffusion. La Perse, située sur la Route de la Soie, eut connaissance relativement tôt de secret de la soie et des techniques de tissages. Voilà comment dès les Ve et VIe siècle, sous l’empire

sassanide, les soieries persanes étaient très réputées. La fin de l’empire sassanide provoqua le déclin de la sériciculture. Toutefois, la Perse en continua toujours la production. De nos jours, près de 2000 ateliers traditionnels produisent entre 800 et 900 tonnes de soie grège par an, dont 95 % sont destinés à la fabrication de tapis qui rapportent chaque année près de 300 millions de dollars à l’Iran.

Depuis Khotan et le Tibet, traversant l’Himalaya par les routes commerciales longeant les rives du Brahmapoutre et du Gange, les techniques du tissage de la soie parvinrent en Inde, donnant naissance à l’industrie de la soie au Bengale. La production de la soie est considérée comme l’une des plus anciennes industries indiennes. Si l’on se fie à certains passages des épopées sanskrites, comme le Ramayana et d’autres textes anciens, le tissage de la soie a été introduit très tôt, peut être vers 140 avant J.C. ; ce qui n’est pas nécessairement le cas de la sériciculture dont les traces avérées les plus anciennes remontent au début du second millénaire (Boulnois L., 2001). Selon Sinha S (1990), l’élevage de vers à soie n’est apparu que vers 1400 au Bengale et 1540 au Kashmir où il semblerait avoir été introduit depuis l’Iran et l’Afghanistan. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XVIe siècle que le Bengale remplaça la Chine, comme

fournisseur principal de soie grège pour les métiers à tisser indiens. La culture de la soie prit réellement de l’ampleur quand la compagnie des Indes Orientales commença à en assurer le commerce. Sous l’impulsion des britanniques la production fut encouragée aux XVIIIe et XIXe

siècles. Bien que la sériciculture fut diffusée dans toute l’Inde, elle ne fut largement adoptée, en tant qu’industrie rurale, que par les tisserands du Kashmir. Dans le sud de l’Inde, en particulier

dans la région de Mysore et de Bangalore, le processus de diffusion fut différent de celui qui eut lieu au Bengale. L’implantation de la sériciculture résultat de la volonté politique des Sultans, en particulier de Tipu Sultan (1749-1799). Le souverain envoya des émissaires au Bengale afin d’acquérir les techniques de l’industrie de la soie et de rapporter les précieux plants de mûrier et les œufs de vers à soie. La soie et les perles étaient alors les produits idéaux pour commercer avec l’Europe, en particulier avec la France. Ces précieux produits étaient échangés par le Sultan contre des armes et des munitions, utilisés dans la lutte contre les Anglais (Boets B. 1985).

La fabrication de soieries se développa en Inde non seulement grâce à l’importation de technologies et de machines en provenance du Japon mais aussi avec l’aide de spécialistes occidentaux en particulier italiens : « en 1860, un Italien construisit une filature près de Bangalore, importa les vers à soie et fit les premiers croisements entre races japonaises et indiennes » (Balasubramaniam V., 1986, cité par Soulancé D., 1994). Dès le début du siècle, les instances nationales (coloniales) ont eu conscience de l’intérêt économique de la production de la soie. Ainsi, dans les années 20 une filature gouvernementale fut mise en place à Bangalore pour former les tisserands et promouvoir cette l’industrie au Karnataka. Après une série d’échecs, le développement de la sériciculture indienne fut assuré grâce à la production de toiles de parachutes durant la guerre de 1939-45. Les pays producteurs traditionnels tels que la Chine, le Japon ou l’Italie soit n’étaient plus en mesure d’honorer les demandes, soit étaient en guerre contre l’Angleterre. Dans le même temps l’Etat indien prit des mesures afin d’encourager la production de soie : lors de la conférence de la sériciculture qui se tint à Lucknow en 1940, il fut décidé de créer un « Institut pour la Recherche en Sériciculture » (Soulancé D., 1994). Dans le même temps, le gouvernement aida les producteurs en fournissant un support matériel (plants, engrais…) et financier et en fixant un prix d’achat à la production. Toutefois, pendant la lutte pour l’indépendance la production s’effondra.