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Le tiers et la responsabilité du fait des dommages de travaux publics

Dans le document Le tiers en droit administratif (Page 123-132)

Conclusion de chapitre

Section 2 : Le tiers dans la responsabilité administrative

A. Le tiers et la responsabilité du fait des dommages de travaux publics

Si nous recherchons la notion de travaux publics dans le lexique des termes juridiques et dans le dictionnaire de G. Cornu, nous sommes frappés par l’absence de notion de responsabilité et par la nécessité de faire intervenir d’autres notions telle que celle d’ouvrage public (397). Plus précisément, les travaux publics sont « des travaux immobiliers faits soit

pour le compte d’une personne publique dans un but d’utilité générale, soit par une telle personne dans l’accomplissement d’une mission de service public » (398

). Alors que l’ouvrage public est un « immeuble résultant d’un travail de l’homme et affecté à une fin d’intérêt

général » (399). L’ouvrage public présente ainsi trois caractères : il constitue un bien

397 Sur la notion de travail public/travaux publics, V. : G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 2007,

pp. 933-934 ; S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, R. GUILLIEN, J. VINCENT, Lexique des termes

juridiques, Dalloz, 17e éd., 2010, p. 716.

Sur la notion d’ouvrage public, V. : G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 649 ; S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, R. GUILLIEN, J. VINCENT, Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 512.

398 J. PETIT, Ouvrages et travaux publics, in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 1125.

R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, Montchrestien, Domat droit public, 15e éd., 2001, pp. 547-557 ; J. DUFAU, Le droit des travaux publics, t. 1, Le Moniteur, 2e éd., 1988, p. 29, pp. 31-72.

CE, 10 juin 1921, Commune de Monségur, Rec. CE, p. 573, D. 1922, III, 26, concl. Corneille, RDP 1921, p. 361, concl. Corneille, note Jèze, S. 1921, III, 49, concl. Corneille, note Hauriou, GAJA ; TC, 28 mars 1955, Effimieff, Rec. CE, p. 617, AJDA 55, II, p. 332, note J.A., JCP 1955, II, 8786, note Blaevoet, RA 1955, p. 285, note Liet-Veaux, GAJA.

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immobilier, fait l’objet d’un aménagement particulier et d’une affectation à une destination d’intérêt général (400

).

Après avoir donné ces définitions, il est nécessaire d’approfondir l’étude de ce type de responsabilité. La responsabilité administrative du fait des dommages de travaux publics concerne à la fois, les dommages du fait de « l’exécution de travaux et par l’existence

d’ouvrages » (401). Il s’agit d’un domaine contentieux ancien, classique, potentiellement le premier des cas de responsabilité sans faute (402). D’un point de vue pratique, la responsabilité du fait des dommages de travaux publics représente un contentieux important ; de nombreuses requêtes sont déposées chaque année devant les juridictions administratives (403). Cette responsabilité administrative concerne trois catégories différentes de victimes : les participants, les usagers et les tiers (404). Elle est fondée sur la loi du 28 pluviôse An VIII, concernant la division du territoire français et l’administration (405

). Cette responsabilité s’applique au « maître de l’ouvrage », c’est-à-dire les personnes publiques, mais aussi aux entrepreneurs. Le contentieux de cette responsabilité relève du juge administratif (406). Si la

400

J. DUFAU, Le droit des travaux publics, t. 1, op. cit., p. 77, pp. 79-100.

R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., pp. 557-573 ; J. PETIT, G. EVEILLARD,

L’ouvrage public, Litec, 2009, p. 3, pp. 5-38.

401 G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, Presses de sciences po et Dalloz, 7e éd., 2005,

p. 339. « On entend par cette expression, courte et générale à la fois, les dommages causés par l’exécution de

travaux et par l’existence d’ouvrages, par la construction d’une route et par la route une fois construite. »

402 Ibid., p. 339. « Il s’agit là d’une jurisprudence ancienne et classique. C’est sans doute, historiquement, le

premier cas de responsabilité sans faute, qui remonte au moins au début du XIXe siècle et qui demeure encore très actuel. »

403 Ibid., p. 339.

404 Ibid., p. 339.

405 Article 4 : « Le conseil de préfecture prononcera […]

- Sur les difficultés qui pourraient s’élever entre les entrepreneurs de travaux publics et l’administration, concernant le sens ou l’exécution des clauses de leur marché ;

- Sur les réclamations des particuliers qui se plaindront de torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs, et non du fait de l’administration ; […]. »

406

G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, op. cit., p. 339. « Cette théorie s’applique à la

fois à la collectivité publique que l’on appelle le maître de l’ouvrage, par exemple l’Etat pour une route nationale, et aux entrepreneurs. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une hypothèse exceptionnelle où la responsabilité d’un particulier est engagée sur le terrain du droit administratif et, en cas de litige, devant la juridiction administrative. »

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victime est un participant aux travaux publics, c’est-à-dire qu’il participe à l’exécution des travaux publics ou au fonctionnement de l’ouvrage, la responsabilité administrative de la personne publique peut être engagée pour faute (407). Cependant, ce type de victime ne nous intéresse pas ici : le participant exécute un travail ou participe au fonctionnement. Il est donc intégré au groupe formé par la personne publique, ce groupe comprend alors les personnes travaillant ou agissant pour elle. Le participant n’est pas un tiers. Si le cas du participant est étranger à cette thèse, les usagers et les tiers-victimes sont, eux, plus intéressants. Dans le chapitre premier, nous avons cherché à distinguer les usagers et les tiers. Si au début du siècle, nous pouvions estimer que les usagers n’étaient qu’une catégorie particulière de tiers, il est évident qu’à l’heure actuelle, il est difficile de lier ces deux notions. Toutefois, nous ne pouvons nier que ces deux catégories, tiers et usager, sont bien des étrangers par rapport à la personne publique et donc répondent au postulat de base de la notion de tiers proposée.

L’usager est « celui qui a recours à un service public ou utilise le domaine ou un

ouvrage public » (408). Par principe, le juge compétent en la matière est le juge administratif en raison de l’effet attractif de la notion de travaux publics (409

). Cependant, il existe des exceptions à cette compétence du juge administratif. Le juge judiciaire peut être compétent si

R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 637. « Il est aussi, et de façon très importante, un

contentieux provoqué par les dommages (aux personnes ou aux biens) résultant de l’exécution des travaux, ou bien de l’existence même ou du fonctionnement des ouvrages, et engageant à l’égard des victimes la responsabilité extracontractuelle des maîtres de l’ouvrage, ainsi que (notamment) des entrepreneurs. »

407

G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, op. cit., p. 339.

408 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 947.

G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, op. cit., pp. 339-340. « Ce sont ceux [les usagers] qui

utilisent l’ouvrage, qui en bénéficient d’une façon ou d’une autre ; pour ce motif, on leur fera un sort plus favorable qu’aux participants, mais moins favorable qu’aux tiers. » « L’usager, c’est l’administré qui utilise un bâtiment public, le visiteur d’un monument historique, le spectateur d’une représentation à l’opéra, le capitaine d’un navire dans un port. L’usager type, le plus fréquent dans la jurisprudence, est l’usager de la voie publique, automobiliste, cycliste ou piéton. »

409 R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 639. « Il s’agit d’un rappel. On sait qu’en raison de

l’effet attractif de la notion de travaux publics, sont considérés comme dommages de travaux publics, non seulement ceux qui le sont authentiquement, par leur nature, mais aussi ceux qui sont assimilés à de tels dommages. »

R. ODENT, Contentieux administratif, t. 2, Dalloz, 2007, p. 127 ; J. PETIT, Ouvrages et travaux publics, op. cit., p. 1127 ;J. PETIT, G. EVEILLARD, L’ouvrage public, op. cit., pp. 151-156.

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l’action en dommages et intérêts est liée à une action pénale (410

), si les dommages sont causés par un ou des véhicules selon la loi n° 57-1425 du 31 décembre 1957 attribuant aux tribunaux judiciaires compétence pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigées contre une personne morale de droit public (411), et si les dommages ont été subis par des usagers des services publics industriels ou commerciaux (412). L’usager peut subir deux types différents de dommages : des dommages accidentels et des permanents. En ce qui concerne les dommages accidentels, « la collectivité publique […] est

responsable si elle n’a pas correctement mené les travaux ou entretenu l’ouvrage, si l’obstacle n’est pas signalé, si la tranchée a été mal remblayée, ou si des précautions n’ont pas été prises pour éliminer le verglas, par exemple par du sablage » (413). Nous parlons alors de responsabilité pour défaut d’entretien normal (414). En principe, nous sommes en présence d’une responsabilité pour faute présumée (415). Cependant les usagers bénéficient d’une

410 TC, 13 mai 1960, Douieb c/ Stokos, Rec. CE, p. 864, AJDA 1960, II, p. 291, D. 1960, p. 576, concl.

Chardeau, note Josse.

411 Article 1 : « Par dérogation à l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, les

tribunaux de l’ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cette action sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l’égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l’exercice de ses fonctions. »

TC, 14 novembre 1960, Allagnat et Compagnie des bateaux à vapeur du Nord, Rec. CE, p. 870, AJDA 1960, I, p. 185 chron. Galabert et Gentot, RDP 1960, p. 1198, note Waline.

412 CE, 30 juin 1976, EDF c/ Veuve Pichon, CJEG 1976, J, p. 170, concl. Franc, note A. C.

413 G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, op. cit., p. 340.

414

Ibid., pp. 340-341. « La notion d’entretien normal paraît évoquer plutôt une idée de faute que de risque ;

mais il y a tout de même une différence par rapport à la responsabilité pour faute. » « Dans le cas de la responsabilité pour défaut d’entretien normal, elle [la victime] n’a que deux preuves à apporter, celle du dommage et celle du lien de cause à effet entre l’ouvrage et le dommage. C’est ensuite à l’administration de prouver que sa responsabilité n’est pas engagée parce qu’elle a fait ce qui était en son pouvoir, tout ce qui lui incombait normalement, pour assurer l’entretien normal de l’ouvrage ou l’exécution normale des travaux, par exemple qu’il existait une signalisation suffisante et que c’est la victime qui a commis une faute en n’en tenant pas compte. C’est un revirement de la charge de la preuve. En outre, la faute d’un tiers n’exonère pas la collectivité responsable de ses obligations à l’égard de la victime : elle lui permet de se retourner contre le tiers responsable, mais après avoir indemnisé la victime dès lors qu’elle n’a pu établir l’entretien normal de la voie. »

415 R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 655. « Ce principe est que la responsabilité du

maître de l’ouvrage ou de l’entrepreneur à l’égard des usagers des ouvrages publics est une responsabilité pour

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responsabilité sans faute si l’ouvrage est particulièrement ou exceptionnellement dangereux (416). Quelque soit le type de responsabilité et donc de dommage en cause, la difficulté réside dans la définition de l’usager. La frontière usager-tiers est parfois floue. Trois configurations démontrant cette frontière perméable sont présentes. En effet, une même victime peut être qualifiée à la fois de tiers et d’usager. Un tel cas d’école est issu de l’arrêt

Ville de Fréjus : la collectivité territoriale avait selon les biens atteints, la qualité soit de tiers,

soit d’usager (417

). Deuxièmement, il a fallu savoir si une personne utilisant l’ouvrage illégalement était qualifiée de tiers ou d’usager, il s’agit des usagers anormaux ou non autorisés (418). Le juge administratif considérait qu’il s’agissait de tiers et leur appliquait alors le régime de responsabilité sans faute instauré au profit des tiers (419). Cela conduisait à traiter ces usagers anormaux de manière plus favorable que les usagers normaux. Le juge administratif est alors revenu sur sa position, les qualifiant d’usagers (420). Troisièmement, une victime d’un dommage de travaux public peut être qualifiée d’usager en raison de la théorie de l’incorporation (421

). Cette théorie permet de qualifier une victime dans le cas où elle est usager de l’ouvrage par lequel s’est transmis le dommage. Si l’ouvrage qui transmet le dommage est incorporé à l’ouvrage source du dommage, la victime sera qualifiée d’usager. Dans le cas contraire, elle sera qualifiée de tiers. Ces trois configurations différentes démontrent ainsi la difficulté de créer une frontière infranchissable entre les notions de tiers et d’usager. Concernant, enfin, les dommages permanents de travaux publics, les usagers peuvent être concernés par les allongements de parcours. Cependant, dans un tel cas, leur qualité d’usager fait principalement obstacle à cette indemnisation (422

).

le maître de l’ouvrage ou l’entrepreneur s’exonéra de toute responsabilité s’il prouve qu’aucune faute ne lui est imputable. »

416 CE, 3 juillet 1969, Bucchini, CJEG 1969, J, 328.

R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 656.

417 CE, 22 octobre 1971, Ville de Fréjus, Rec. CE, p. 630, RDP 1972, p. 695, note Waline.

R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 662.

418 Ibid., p. 662.

419 CE Sect., 3 février 1956, Veuve Durand, Rec. CE, p. 51, concl. Landron.

420

CE Sect., 30 octobre 1964, Piquet, Rec. CE, p. 506, concl. Fournier, AJDA 1964, p. 693, chron. Puybasset et Puissochet.

421 CE Sect., 12 octobre 1962, Dame Sidore-Trotta, Rec. CE, p. 537, concl. Gand.

422 CE Sect., 2 avril 1965, Boudy, Rec. CE, p. 222, AJDA 1965, p. 340, chron. Puybasset et Puissochet.

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Les notions de participant et d’usager par rapport aux travaux publics étant examinées, nous pouvons en venir au régime de responsabilité applicable aux tiers. Les tiers victimes de dommages de travaux publics bénéficient de la théorie du risque (423). Le tiers est « celui qui

ne profite en aucune façon de l’ouvrage, qui n’en tire aucun avantage, aucun bénéfice »,

« des personnes n’ayant, ni la qualité de participant à un travail public, ni celle d’usagers

d’un ouvrage public » (424). Ce tiers bénéficie d’une définition, une nouvelle fois, négative (425). Les tiers bénéficient d’une responsabilité sans faute du fait des dommages accidentels de travaux publics. Elle est fondée sur le risque (426), le risque se caractérisant par la survenue d’un accident (427

). « Les tiers, ne tirant aucun avantage de l’ouvrage public, ne

peuvent supporter de la part de ce dernier que des nuisances, et méritent, à ce titre, un régime plus favorable que les participants ou les usagers » (428). Concernant les dommages permanents de travaux publics, la notion de tiers est alors particulièrement présente. Il faut, en effet, remarquer que les requérants sont, dans la quasi intégralité des cas, des tiers en raison des dommages subis (difficultés d’accès, nuisances...) (429). D’ailleurs, dans le cas spécifique des allongements de parcours, la qualité d’usager fait généralement obstacle à l’indemnisation. Les dommages permanents sont « des charges qui, sans faute et pour le

service de l’intérêt général, sont imposées délibérément à certains membres de la collectivité.

423 G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, op. cit., p. 341 ; R. ODENT, Contentieux

administratif, t. 2, op. cit., p. 124.

424 G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, op. cit., p. 341.

425 R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 664. « C’est le sort des tiers que de toujours faire

l’objet d’une définition négative. »

426

G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, op. cit., p. 341. « Avec les dommages causés aux

tiers, on arrive à la pleine application de la théorie du risque. » « Il a droit à réparation dès lors qu’il existe un lien de cause à effet entre l’ouvrage et le dommage sans que l’administration puisse s’exonérer en déclarant qu’elle n’a commis aucune faute. »

R. ODENT, Contentieux administratif, t. 2, op. cit., p. 135. « Le tiers victime d’un dommage imputable à un

travail ou à un ouvrage public est donc seulement tenu de prouver l’existence d’un lien de cause à effet entre le travail ou l’ouvrage public incriminé et le dommage invoqué. »

427 C. BROYELLE, Le risque en droit administratif « classique » (fin du XIXe, milieu du XXe siècle), RDP 2008,

p. 1517.

428

J. PETIT, G. EVEILLARD, L’ouvrage public, op. cit., p. 185.

429 R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 668. « Comme la qualité de tiers par rapport aux

travaux ou aux ouvrages dommageables est commun à toutes les victimes d’inconvénients de voisinage […]. »

J. DUFAU, Le droit des travaux publics, t. 2, Le Moniteur, 2e éd., 1988, p. 465; J. PETIT, G. EVEILLARD,

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Pour rétablir l’égalité rompue à leur détriment, compensation de ces charges leur est due, dans certaines conditions ». Il s’agit donc d’une responsabilité fondée sur la rupture d’égalité

devant les charges publiques (430). Les dommages permanents sont aussi appelés « inconvénients de voisinage » et se fonde sur une jurisprudence ancienne (431). Cette responsabilité particulière exige deux caractères spécifiques quant au dommage subi par le tiers. Il doit présenter les caractères d’anormalité et de spécialité (432).

Le rappel de la responsabilité encourue en cas de dommage de travaux publics fait apparaître le problème, déjà envisagé, de la frontière entre tiers et usager. Cette distinction tiers et usager a été élaborée, selon M. Chapus, dans les années 1950 (433). Il est, pourtant, intéressant de reprendre la jurisprudence antérieure aux années 1950 pour savoir si cette distinction est flagrante dans le contentieux des dommages de travaux publics. La notion d’entretien normal apparaît antérieurement aux années 1950, or elle est la caractéristique de la responsabilité administrative due aux usagers d’ouvrage public (434

). Nous voyons d’ailleurs

430 R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 666 ; J. PETIT, G. EVEILLARD, L’ouvrage public,

op. cit., p. 186.

431

CE Sect., 24 juillet 1931, Commune de Vic-Fezensac, Rec. CE, p. 860, D. 1931, III, 51, note P. L. J. R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 666.

432 CE, 18 novembre 1998, Société Les maisons de Sophie, Rec. CE, p. 427, RFDA 1999, p. 242, chron.

Terneyre.

433 R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 650.

434 CE, 29 mai 1903, Compagnie générale française de tramways, Rec. CE, p. 441. « Considérant qu’il résulte de

l’instruction que l’accident survenu au cheval et à la voiture du sieur Reynaud [c’est-à-dire un usager de la voie

publique], sur le cours Lieutard le 13 juillet 1898, s’est produit en un point de la chaussée, dont l’entretien a été

mis par le cahier des charges à la charge de la Compagnie et qu’il a eu pour cause soit une défectuosité dans l’établissement de la voie, soit un défaut d’entretien et qu’ainsi c’est à bon droit que le conseil de préfecture a condamné la Compagnie à réparer le dommage subi par le sieur Reynaud. » Souligné par nous.

CE, 14 décembre 1906, Préfet de l’Hérault au nom des communes intéressées au chemin d’intérêt commun n° 64, Rec. CE, p. 918. « Considérant qu’il n’est pas contesté que l’accident dont le sieur Garric [l’usager de la voie public] a été victime est dû au défaut d’entretien des parapets d’un pont situé sur le canal du Midi, et

desservant le chemin vicinal d’intérêt commun n° 64 ;

Considérant que les ponts sont au nombre des ouvrages constitutifs des voies publics, dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage […]. » Souligné par nous.

CE, 17 juillet 1908, Sieur Biétron c/ Commune d’Aiguilles, Rec. CE, p. 785. « Considérant qu’il résulte de

l’instruction que l’accident éprouvé par le sieur Biétron [usager de la voie publique] le 8 août 1905 a été causé par le passage d’une roue de son automobile dans une tranchée ouverte par la commune d’Aiguilles sur le chemin d’Abriés à Aiguilles, pour la réparation d’une conduite d’eau, et dont l’existence n’était révélée par

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apparaître la notion de défaut d’entretien dans les commentaires introductifs aux arrêts du Conseil d’Etat au début du XXe

siècle (435). Il faut attendre les années 1930 pour voir apparaître clairement la distinction tiers-usager. Un arrêt de 1930 donne la définition « moderne » du défaut d’entretien (436). La notion de « dommages aux tiers » apparaît, ensuite, en 1933 dans le commentaire introductif d’un arrêt instituant la responsabilité sans faute au profit des tiers à l’ouvrage public (437

). La distinction entre usagers et tiers s’est ainsi

aucun signal, ni aucun indice visible à distance ; qu’ainsi ledit accident est imputable à la commune d’Aiguilles et non au sieur Biètron lui-même ; que, d’ailleurs, la circonstance que la commune se serait conformée aux prescriptions générales de l’arrêté préfectoral sur les permissions de voirie n’est pas de nature à l’exonérer de la responsabilité q’elle a encourue à l’égard du sieur Biétron, à raison des faits ci-dessus rappelés. » Souligné

par nous.

435 Commentaire autorisé sur CE, 22 mai 1912, Ville de Roubaix, Rec. CE, p. 599 : « Détermination des

responsabilités. – Accident de voiture imputable au défaut d’éclairage d’un dépôt de pierres cassées effectué sur une voie urbaine par un transporteur employé en régie. En l’absence d’une faute des victimes, qui, par la disposition des lieux, n’avaient pu apercevoir le dépôt en temps utile pour l’éviter, la ville a été condamnée à les

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