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La recherche de la notion au sein d’ouvrages généralistes

Dans le document Le tiers en droit administratif (Page 53-57)

Section 1 : Le conceptualisme et la notion de tiers

A. L’absence d’une notion globale et transversale du tiers

1. La recherche de la notion au sein d’ouvrages généralistes

La notion de tiers doit être définie. Or pour définir un terme ou une notion, il s’agit de commencer par la définition que peut en donner un dictionnaire généraliste. Le Petit Larousse donne trois acceptions du terme de tiers. Tout d’abord, un tiers est une « partie d’un tout

divisé en trois parties égales » (143). Cette définition ne correspond pas exactement à ce que nous recherchons puisque nous recherchons plutôt une personne. Il ne faut pas comprendre la notion de tiers d’une manière matérielle, c’est-à-dire une partie d’objet, mais bien en tant que personne. Par contre, nous prenons en compte aussi bien les personnes physiques que les personnes morales. Dans sa deuxième acception, le tiers signifie « troisième personne » (144) ; cette acception est commune à celle du Dictionnaire d’Emile Littré (145

). Nous nous rapprochons de la notion recherchée. Si le tiers est une troisième personne, cela signifie qu’il existe deux autres personnes présentes antérieurement ou simultanément avec cette troisième personne, le tiers. D’ailleurs, nous pouvons reprendre la définition du dictionnaire culturel qui va dans le même sens : « autre, différent (par rapport à deux éléments présupposés). Une

troisième personne, et par extension, une personne étrangère (à une affaire,…) » (146 ). Le

143 Le Petit Larousse, éd. 2009, pp. 1011-1012.

Le Dictionnaire en langue française d’Emile Littré offre la même acception : « La troisième partie d'une chose

qui est ou que l'on conçoit divisée en trois parties. »

(http://francois.gannaz.free.fr/Littre/xmlittre.php?rand=&requete=tiers)

144 Le Petit Larousse, éd. 2009, pp. 1011-1012.

145 http://francois.gannaz.free.fr/Littre/xmlittre.php?rand=&requete=tiers

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tiers s’ajoute donc aux autres et se place dans une position particulière, en troisième, en retrait. La dernière acception est une « personne étrangère à un groupe » (147) ; acception aussi partagée par le Dictionnaire d’Emile Littré (148

). Il s’agit de l’acception que nous recherchons. Le tiers est une personne physique ou morale étrangère à un groupe. Nous pouvons d’ailleurs ajouter qu’il s’agit d’une ou plusieurs personnes physiques ou morales extérieures à un groupe, que ces personnes soit de droit public ou de droit privé. Le tiers n’est donc pas inscrit dans un groupe, il s’en sépare, il en est indépendant, donc logiquement il n’existe aucun lien entre le tiers et le groupe. Cette définition généraliste fait naître un doute. Quel est l’intérêt de la notion de tiers s’il est indépendant, étranger au groupe et donc s’il n’entretient aucun lien avec ce groupe ? La réalité démontre que ce tiers peut interagir avec le groupe auquel il est étranger, il lie donc des liens. En cela, la notion de tiers trouve son intérêt. Cette dernière définition du tiers doit être complétée : prenons en considération les définitions données par les dictionnaires juridiques. Selon le dictionnaire de G. Cornu, nous obtenons différentes acceptions (149). La première acception reprend la troisième acception du dictionnaire général, mais en réalisant une transposition juridique : le tiers est une personne étrangère à une situation juridique. Ainsi le tiers n’est plus un étranger au groupe, mais à une situation juridique, c’est-à-dire une situation dans laquelle des liens sont tissés entre plusieurs personnes, les isolant des autres personnes. Cette situation a pour fondement des règles de droit (150). Il s’agit ici de l’acception juridique la plus généraliste, large et globale possible. Nous remarquons aussi que cette définition est négative. Il s’agit tout d’abord de définir la situation juridique pour ensuite examiner les personnes qui sont concernées par cette situation et ainsi en déduire la présence de ou des tiers, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas concernés. En ce qui concerne les deux autres acceptions, elles sont conçues en raison de domaines juridiques particuliers, et seront examinées par la suite.

Nous trouvons d’autres acceptions du tiers dans le Lexique des termes juridiques (151). Dans sa première acception, nous retrouvons une acception négative : le tiers est une « personne étrangère à un acte juridique ». Cette acception est moins globale que celle de

147 Le Petit Larousse, éd. 2009, pp. 1011-1012.

148

http://francois.gannaz.free.fr/Littre/xmlittre.php?rand=&requete=tiers

149 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 2007, p. 864.

150 S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, R. GUILLIEN, J. VINCENT, Lexique des termes juridiques, Dalloz,

17e éd., 2010, p. 666.

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G. Cornu. En effet, dans la première, il s’agit d’une situation juridique, alors que celle du Lexique se limite à un acte. L’acception de la notion de tiers du Lexique est donc une acception limitée aux seuls actes juridiques et n’est pas suffisamment ouverte. Cette acception rencontre, de plus, les mêmes critiques que la définition donnée par G. Cornu : il s’agit d’une notion négative. En ce qui concerne la seconde acception, elle est, elle aussi, donnée dans un domaine particulier, donc étudiée par la suite.

Il reste à rechercher la notion de tiers dans le Dictionnaire de culture juridique (152). Dans ce dictionnaire particulier, M. Ghestin rédige un article sur la notion de tiers. L’auteur met en lumière les difficultés issues de cette notion. De même que dans les acceptions citées auparavant, selon lui, le tiers se définit « par référence à l’acte juridique, conventionnel ou

juridictionnel » (153). Nous obtenons, ici, une acception négative où le tiers se déduit, mais n’est pas défini en raison de critères prédéterminés. Son acception n’est pas totalement transversale, l’auteur limite, lui aussi, sa définition à des domaines d’application particuliers. Toutefois, il donne une appréciation à la notion de tiers. Pour lui, il ne s’agit que d’une « signification purement matérielle » (154). La notion de tiers a donc une définition dépendante uniquement de son contenu. Or quel est le contenu du tiers ? La réponse est donnée par l’auteur, le tiers est ce qui est étranger à un acte juridique, conventionnel ou juridictionnel. Cette définition de son contenu ne nous parait pas complètement satisfaisante : ce contenu se déduit alors qu’il devrait plutôt être prédéfini à l’avance.

Au regard du travail réalisé au sein d’ouvrages généralistes, nous aboutissons à un quasi échec concernant la recherche d’une notion de tiers. Nous recherchions l’existence d’une notion du tiers, c’est-à-dire d’éléments de détermination et de reconnaissance non contestables permettant de définir le tiers par un contenu et d’obtenir une définition, une notion conceptuelle du tiers incontestable. Or cette notion n’existe pas. Cependant, l’inexistence ou l’absence de notion conceptuelle du tiers conduit à penser que soit cette notion est à découvrir, soit elle reste à être déterminée par une autre catégorie de notion que les notions conceptuelles. Il convient, cependant, d’approfondir ce premier constat d’échec.

152

D. ALLAND, S. RIALS, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, 1649 p.

Il s’agira du dernier dictionnaire étudié puisqu’aucune définition du tiers n’est donnée dans le Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit.

153 J. GHESTIN, Le tiers, in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 1482.

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Reprenons le dictionnaire de G. Cornu. Il donne une définition du tiers : le tiers est une personne étrangère à une situation juridique (155), où apparaît le critère d’extranéité devant, naturellement, être présent dans la définition du tiers. S’il faut retenir une seule des définitions trouvées, celle-ci constitue la plus efficace. Elle a le bénéfice de définir le tiers de la façon la plus globale possible. Cette définition peut s’appliquer aussi bien en droit administratif qu’en droit privé. Il s’agit d’une définition du tiers transversale applicable aux différentes branches du droit. Cette définition est donc préférable à celles définissant le tiers par rapport à un acte, c’est-à-dire prenant un référentiel : l’acte quel qu’il soit (156

). En effet, si nous prenons un référentiel tel qu’un acte ou un fait, nous allons limiter illégitimement la définition de tiers à cet élément. Ainsi la définition retenue par G. Cornu parait la plus pertinente puisqu’elle prend pour référentiel « une situation juridique », ce qui correspond à l’élément objectif se retrouvant systématiquement dans toute étude du droit. La situation juridique correspond à un élément, une situation, un fait, un problème pris d’une manière juridique, regardé au travers du droit. Ainsi cet auteur a défini le tiers de manière à pouvoir utiliser cette notion dans toutes les situations juridiques possibles et imaginables quel que soit le droit applicable. Nous pourrions avancer que finalement la notion de tiers existe, elle est définie par son contenu : une personne étrangère à quelque chose, ce quelque chose étant une situation juridique.

Cependant se contenter de cette notion de tiers n’est pas une solution satisfaisante. Cette notion se constitue d’une définition négative, même si elle est globale et transversale. C’est une notion négative. Une notion négative signifie que la définition donnée doit se déduire d’un état de fait, il est nécessaire de réaliser une déduction afin d’obtenir le résultat. Nous sommes devant une définition selon laquelle nous allons tout d’abord rechercher ce que n’est pas le tiers, avant d’en déduire ce qu’il est. Plus particulièrement, il faudra se demander quelle situation juridique est en cause : il faudra reconnaître, déterminer et définir la situation prise en considération. Après cela, le travail consistera à rechercher quelles sont les personnes étrangères à cette situation. Ainsi la définition qui parait être la plus efficace est en fait insatisfaisante puisqu’elle ne peut pas donner de résultat immédiat, mais seulement un processus de déduction du tiers. La définition de G. Cornu : « le tiers est une personne

étrangère à une situation juridique » ne constitue qu’un protocole de déduction du tiers et non

une notion conceptuelle efficace du tiers.

155 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 864.

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