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Le recours effectif

Dans le document Le tiers en droit administratif (Page 165-169)

Conclusion de titre

Section 2 : Le tiers confronté à sa fonction

A. Recours effectif, droit au juge et droit d’accès au juge

1. Le recours effectif

Le recours effectif constitue une liberté fondamentale, notamment exprimée dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (aussi dénommée Convention européenne des droits de l’Homme), dans son article 13 : « toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été

violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ». Cet article 13 est particulier puisqu’il ne concerne que l’absence de recours

effectif dans le cas où il y a eu violation d’un des droits et libertés internationalement protégés et que la victime de cette violation n’a pu demander réparation auprès d’un « tribunal » national. Cet article s’inspire fortement de l’article 8 de la Déclaration universelle des droits

163 de l’Homme (491

). Cet article 13 garantit un recours qui doit être compris dans un sens large, nous concevons ainsi la notion de tribunal dans sa conception autonome (492).

Quel est le but de cet article 13 ? M. Renucci répond à cette question : « le but de

l’article 13 est d’instaurer un mécanisme de contrôle national, indépendant du contrôle européen, dont la finalité est de remédier, à la source, aux violations de la Convention européenne » (493). L’article 13 oblige les Etats à créer des systèmes de protections des droits et libertés du type juridictionnel dans le but de permettre au juge naturel de la Convention, le juge national, de remédier lui-même, aux violations alléguées (494). Il s’agit pour chaque européen d’avoir la « jouissance d’une possibilité claire et concrète de contester un acte

constituant une ingérence dans ses droits » (495). Au sens de la jurisprudence de la Cour européenne, « le recours « effectif » au sens de l’article 13 est un recours « utile » que le

requérant doit exercer, avant de saisir le juge européen, afin de satisfaire la condition d’épuisement des voies de recours internes » (496

). Le droit au recours effectif implique non seulement d’examiner l’existence du recours, c’est-à-dire le contenant, mais aussi le

491 « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes

violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi. »

492 C. GIAKOUMOPOULOS, A. DRZEMCZEWSKI, Commentaire de l’article 13, in L.-E. PETTITI,

E. DECAUX, P.-H. IMBERT, La Convention européenne des droits de l’Homme, commentaire article par

article, Economica, 2e éd., 1999, pp. 455, 456 et 467. « L’article 13 se propose d’offrir un droit de recours

générique valant pour toute atteinte à un droit ou une liberté reconnus par la convention ou l’un de ses protocoles », p. 455. « Le terme « recours », qu’utilise l’article 13, doit être entendu dans un sens large. Il signifie l’ouverture d’un recours auprès d’une autorité compétente pour en apprécier le bien fondé », p. 467.

493 J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’Homme, LGDJ, 3e éd., 2002, p. 225.

494 F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’Homme, PUF, Droit fondamental, 9e éd., 2008,

p. 442. « L’article 13 fait donc peser sur l’Etat une obligation positive telle que soit offert en droit interne à

l’individu un moyen de redressement d’une situation contraire à la convention, quel que soit l’auteur de la violation. »

495 Cour EDH, 4 décembre 1995, Bellet c/ France, A, 333-B, JCP 1996, II, 22648, note Harichaux, RFDA 1996,

p. 561, note Dreifuss.

496

F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’Homme, op. cit., p. 441. Analyse fondée sur l’arrêt : Cour EDH, Gr. Ch., 26 octobre 2000, Kudla c/ Pologne, Rec. 2000-XI, RTDC 2001, p. 442, obs.

Marguénaud, JCP 2001, I, 291, chron. Sudre, RTDH 2002, p. 169, note Flauss ; F. SUDRE, J.-P. MARGUENAUD, J. ANDRIANTSIMBAZOVINA, A. GOUTTENOIRE, M. LEVINET, Les grands arrêts

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contenu (497). M. Renucci réalise un tel constat. Selon cet auteur, le contenant doit exister, mais le contenu doit être efficace dans son utilisation (498). Il faut toutefois mettre en lumière un élément : le droit au recours effectif implique que l’individu ait une possibilité de contestation. Cela n’impliquera jamais que la personne compétente pour statuer sur sa prétention soit dans l’obligation de donner une solution favorable au requérant (499

). La difficulté concernant le droit à un recours effectif est sa proximité avec un autre droit issu de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention (500

) : le droit au procès équitable (501).

497 M.-C. RIVIER, Le droit au juge et procédure parajuridictionnelle, in J. RIDEAU, Le droit au juge dans

l’Union Européenne, LGDJ, 1998, p. 53. « Le droit à l’existence d’un recours doit s’entendre d’un recours effectif, ce qui amène à examiner l’organisation procédurale du recours : le choix du type de recours […], le délai, ou encore la question de l’effet suspensif du recours, élément clé de son efficacité. »

498 J.-F. RENUCCI, Le droit au juge dans la Convention européenne des droits de l’Homme, in J. RIDEAU,

Le droit au juge dans l’Union Européenne, op. cit., p. 138. « Est effectif, le recours qui non seulement existe de fait, mais qui, au surplus, est accessible et adéquat. »

499 Ibid., p. 138. « Il reste que ce qui est garanti, c’est l’existence d’un recours et non pas son résultat

favorable. »

F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’Homme, op. cit., p. 443.

500 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai

raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

501

J.-F. RENUCCI, Le droit au juge dans la Convention européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 136. « L’expression droit à un recours effectif ne peut se cantonner à l’article 13. »

F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’Homme, op. cit., p. 440. « Le droit à un recours

effectif entre en concurrence avec d’autres droits de nature équivalente, particulièrement […] le droit à un procès équitable. »

165 2. Le droit au juge

Le droit au juge est, en réalité, un droit que nous pourrions qualifier de global ou d’englobant, car il recouvre différents droits liés au droit au procès équitable (502

). Selon M. Rideau, le droit au juge regroupe ainsi l’accès au juge, le droit au recours effectif et le droit à une décision juridictionnelle effective (503). Cette conception implique que le droit au juge recouvrirait les libertés fondamentales issues des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Nous remarquons bien que la définition du droit au juge est plutôt un catalogue de différentes libertés fondamentales, qu’un droit dont le concept est défini et indépendant des autres droits, dans le sens où nous ne pouvons confondre le droit au recours effectif avec le droit au procès équitable. Dans la notion du droit au juge, au contraire tous ces droits sont inclus et remplissent alors le catalogue « droit au juge » (504).

S’il est possible de concevoir que le droit au juge constitue un catalogue de libertés fondamentales ayant attrait à la protection juridictionnelle, il est tout aussi compréhensible de qualifier le droit au juge de droit-créance. En effet, nous attendons de l’Etat qu’il offre à ces administrés une protection juridictionnelle effective et efficace afin de pouvoir contester tout acte ou fait juridique préjudiciable (505). Le droit au juge peut cependant se concevoir comme

502 J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’Homme, op. cit., p. 227. « Le droit au juge s’analyse sur tout

comme la possibilité de le saisir : l’accès au juge est le noyau dur de ce droit. Mais l’essentiel étant la réalité et l’effectivité du droit au juge, on passe subrepticement au droit au « vrai » juge, voir au droit au « bon » juge. C’est dire que derrière cette importante garantie, se profile l’aspiration, sinon le droit, à la justice. En définitive, l’effectivité du droit au juge ne peut se comprendre que dans le cadre plus général du droit à un procès équitable. »

503 J. RIDEAU, Le droit au juge : conquête et instrument de l’Etat de droit, in J. RIDEAU, Le droit au juge dans

l’Union Européenne, op. cit., p. 7.

504 G. GUILLAUME, Conclusions, in J. RIDEAU, Le droit au juge dans l’Union Européenne, op. cit., p. 217.

« Du droit au juge il est possible d’affirmer, comme on le faisait autrefois des auberges espagnoles, que chacun

y trouve ce qu’il y a amené. »

J.-M. RAINAUD, Le droit au juge devant les juridictions administratives, in J. RIDEAU, Le droit au juge dans

l’Union Européenne, op. cit., p. 34. « Le droit au juge dépasse le droit à l’accès au juge : sans jouer sur les mots on peut avancer l’idée que l’accès n’est rien sans l’étude des cas d’ouverture, que ceux-ci font référence à la porté du contrôle du juge… Bref, on éprouve le sentiment qu’en évoquant le droit au juge a été ouverte la boîte de Pandore dont le contenu est sans fin. »

505 T. S. RENOUX, La constitutionnalisation du droit au juge en France, in J. RIDEAU, Le droit au juge dans

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un droit composé de deux éléments. Dans ce sens, nous nous rallions à la conception de M. Renoux. Selon cet auteur, la première composante du droit au juge est constitué par le droit de pouvoir saisir une juridiction (506). La seconde composante est, elle, clairement inspirée de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Il s’agit du droit de pouvoir exercer un recours effectif (507). Toutefois, si la seconde composante est inspirée de l’article 13 de la Convention, il ne faut pas nier les interactions existantes entre cet article et l’article 6. Ainsi nous nous retrouverions avec une composante, le droit au recours effectif, mais qui implicitement fait appel à toutes les notions comprises dans l’article 6, c’est-à-dire les droits du procès équitable.

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