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Les notions de tiers au sein de domaines administratifs particuliers

Dans le document Le tiers en droit administratif (Page 59-64)

Section 1 : Le conceptualisme et la notion de tiers

B. La multitude des notions de tiers

1. Les notions de tiers au sein de domaines administratifs particuliers

G. Cornu donne différentes acceptions de la notion de tiers (172), l’une d’entres elles a déjà été étudiée. Les deux autres acceptions sont conçues en raison de domaines particuliers, ce qui nous intéresse ici. Il s’agit du domaine contractuel et du domaine contentieux. Dans ces deux domaines, le tiers ne sera ni une partie à un contrat, ni partie ou représenté à une instance contentieuse. Ces acceptions sont négatives, « le tiers n’est pas », plutôt que « le tiers est ». Par ailleurs, cette acception se retrouve dans le Lexique des termes juridiques (173).

172 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 864.

173 S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, R. GUILLIEN, J. VINCENT, Lexique des termes juridiques, op. cit.,

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Toutefois, le fait qu’une même définition se retrouve dans deux dictionnaires spécialisés en droit n’implique pas forcément que nous ayons trouvé une notion conceptuelle, d’ailleurs nous ne trouvons pas une telle notion. La dernière acception proposée par G. Cornu est, elle, une acception positive : le tiers est un ayant cause ou un créancier chirographaire. L’avantage de cette acception est justement qu’il ne s’agit pas de réaliser une déduction du tiers. Cependant il s’agit d’une définition s’appliquant aux domaines relevant du droit civil alors que nous nous intéressons à la notion de tiers en droit administratif. Or il est préférable de trouver une définition du tiers spécifique au droit administratif. De plus, il s’agit d’une définition bien trop restrictive. Ainsi cette acception ne constitue pas la définition globale et transversale du tiers applicable en droit administratif recherchée.

Reprenons les différents ouvrages de droit administratif. Tout d’abord, dans le dictionnaire de droit administratif, nous découvrons quatre définitions du tiers en fonction du domaine concerné (174). Les auteurs tentent d’abord de donner une définition globale du tiers. Nous obtenons que le tiers est une « qualification juridique attribuée par défaut à celui qui

n’est pas usager, ni bénéficiaire ou auteur d’un acte » (175

). Cette définition présente les inconvénients énumérés précédemment : il s’agit d’une définition négative et orientée pour des contentieux différents : le contentieux des services publics et des travaux publics, ainsi que celui de la contestation des actes administratifs. D’ailleurs, les trois définitions que les auteurs donnent du tiers par la suite sont des définitions uniquement orientées, s’appliquant à un contentieux particulier (176). Dans l’ouvrage de G. Braibant et M. Stirn, nous retrouvons la notion de tiers dans le contentieux de la responsabilité administrative (177). La notion de tiers ou plutôt le terme de tiers, dans cet ouvrage, est étudié en fonction des problèmes de responsabilité administrative dans les services publics et concernant la responsabilité du fait des dommages causés par les travaux publics. Si cet ouvrage a l’avantage de voir apparaître le terme de tiers dans son index, il a l’inconvénient de ne pas en donner une définition précise et de n’être utilisé qu’en considération d’un domaine contentieux particulier, celui de la

174 A. VAN LANG, G. GONDOUIN, V. INSERGUET-BRISSET, Dictionnaire de droit administratif,

Armand Colin, 2e éd., 1999, 303 p.

175 Ibid., p. 276.

176

En ce qui concerne le service public, le tiers se définit comme la personne qui n’est « ni usager, ni agent ». Pour le domaine du contentieux des travaux publics, le tiers est celui ne fait pas usage effectif des travaux ou ouvrages publics en cause. En ce qui concerne le contentieux contractuel, le tiers n’est pas l’un des cocontractants.

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responsabilité. Nous ne trouvons pas dans cet ouvrage de définition globale et transversale de

la notion de tiers en droit administratif. Ensuite, dans l’ouvrage sous la direction de M. Dupuis, les auteurs font, eux aussi, appel à une notion du tiers dans le domaine la

responsabilité (178). Ils font appel aux travaux publics et au domaine de la responsabilité administrative dans son ensemble, notamment par la notion de « fait du tiers ». Le manuel de R. Odent présente cette caractéristique de traiter du tiers par la notion de « fait du tiers » (179). Dans l’ouvrage sous la direction de M. Dupuis, la notion de tiers n’est pourtant pas définie, elle l’est uniquement en ce qui concerne les travaux publics. Ce domaine de la responsabilité administrative est ainsi fructueux en ce qui concerne la notion de tiers. En effet, nous tirons du manuel de G. Vedel et M. Delvolvé qu’une définition du tiers dans ce domaine (180). Le tiers est, encore une fois, défini négativement, il s’agit : « ([…] d’une personne autre que

l’Administration et la victime) » (181). Il est d’ailleurs à mettre en lumière que la définition du tiers est donnée entre parenthèses. Cela signifierait-il que cette notion est évidente pour la doctrine ?

Il faut finir cette recherche avec l’étude de l’index d’un ouvrage de référence : Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, c’est-à-dire qu’il faut se référer à l’item « tiers » et étudier les renvois réalisés aux grands arrêts (182). Nous arrivons au même constat qu’en ce qui concerne les autres ouvrages de droit administratif : le terme de tiers n’intervient que pour des domaines particuliers. Ces domaines particuliers sont : le domaine de la responsabilité administrative, notamment la responsabilité du fait des dommages causés par les travaux publics et plus généralement la responsabilité administrative pour risque, et le domaine des services publics, particulièrement le domaine des relations entre les tiers et les services publics industriels et commerciaux. Le tiers intervient dans différents domaines, mais sans réelle définition donnée auparavant. La dernière version de cet ouvrage intègre un nouvel

178 G. DUPUIS, M.-J. GUEDON, P. CHRETIEN, Droit administratif, Armand Colin, 9e éd., 2004, 682 p. ;

G. DUPUIS, M.-J. GUEDON, P. CHRETIEN, Droit administratif, Sirey, 11e éd., 2009, 719 p.

179

R. ODENT, Contentieux administratif, t. 2, Dalloz, 2007, 783 p.

180 G. VEDEL, P. DELVOLVE, Droit administratif, t. 1, PUF, Thémis Droit, 12e éd., 1992, 716 p.

181 Ibid., p. 618.

182 G. BRAIBANT, P. DELVOLVE, B. GENEVOIS, M. LONG, P. WEIL, Les grands arrêts de

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item : celui de tiers évincé. Son application est, pourtant, limitée à un contentieux particulier, celui des contrats administratifs (183).

La recherche dans les ouvrages amène à un constat : le tiers est particulièrement présent dans le domaine des travaux publics et dans celui des services publics. Il convient donc de les étudier plus particulièrement. Tout d’abord, la notion de tiers dans les travaux publics constitue la notion présente le plus fréquemment. Il s’agit d’une notion ancienne ; selon laquelle, les tiers sont les personnes ayant subi un dommage de travaux public sans avoir « ni la qualité de participants, ni celle d’usagers d’un ouvrage public » (184). Cette définition est, encore une fois, négative. Le tiers est défini en ce qu’il n’est pas, non en ce qu’il est. Il s’agit d’un protocole de déduction fondé sur deux points de référence : la notion de participant à un travail public et celle d’usager à ce même ouvrage. Il est donc nécessaire de déterminer ces deux notions avant de rechercher la présence d’un tiers dans un tel contentieux, ensuite il s’agit d’identifier, au sein du litige, ces participants et ces usagers, pour finir par déterminer ceux qui restent : les tiers. Cette définition du tiers dans le domaine de la responsabilité du fait des dommages causés par les travaux publics est une définition ancienne mais aussi constante à cette branche du droit administratif. Ainsi il s’agit d’une définition usitée et ayant fait ses preuves. Cependant au regard de notre recherche sur la définition du tiers et l’attribution de ses caractéristiques particulières, une définition négative se résumant à donner aux praticiens un système négatif de déduction apparaît insatisfaisante. Il serait intéressant de pouvoir donner des conditions particulières à remplir pour constituer un tiers, sans avoir à prendre d’autres notions pour référence. D’ailleurs, M. Chapus met cette définition négative particulièrement en valeur ou plutôt entre parenthèses : « (c’est le sort des

tiers que de toujours faire l’objet d’une définition négative) » (185

). Cela confirme peut être le peu d’intérêt de la doctrine en général pour cette notion. Ce peu d’intérêt a alors conduit à ne pas donner de critères de détermination, de réelle notion au tiers et donc à ne pas consacrer de notion conceptuelle du tiers.

183 G. BRAIBANT, P. DELVOLVE, B. GENEVOIS, M. LONG, P. WEIL, Les grands arrêts de

la jurisprudence administrative, Dalloz, 17e éd., 2009, p. 980.

184

R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 2, op. cit., p. 664.

R. ODENT, Contentieux administratif, t. 2, op. cit., p. 130. « Le tiers est celui qui, n’étant pas participant à

l’exécution du travail ou au fonctionnement de l’ouvrage, n’utilise pas cet ouvrage, n’en tire pas profit, y est donc étranger. »

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Une autre définition du tiers est présente dans les ouvrages : celle du tiers par rapport aux services publics (186). Il s’agit d’une définition du tiers dans le domaine de la responsabilité administrative et plus particulièrement au sein des dommages en rapport avec les services publics. Les auteurs définissent les tiers comme des « personnes qui n’ont pas de

relations normales avec le service, qui n’en sont ni des usagers, ni des cocontractants et qui peuvent pourtant entrer en relation avec lui par accident » (187), « les tiers sont tous ceux qui

sont ou bien les fournisseurs du service public industriel et commercial, ou bien qui, n’étant ni agents, ni usagers du service, n’ont avec lui aucun lien contractuel » (188

). Ces définitions sont du même type que celles concernant le tiers dans les dommages de travaux publics, il s’agit d’une définition négative qui offre aux praticiens un protocole de détermination du tiers. Cependant un élément complète cette définition : le tiers est entré en relation avec le service public par accident. Cela signifie que le tiers n’a pas vocation à interagir avec le service public, cependant, fortuitement il a bien interagi avec le service. Pour autant, ce complément de définition permet-il d’obtenir une définition conceptuelle de la notion de tiers ? La réponse est négative. Ce complément ne permet pas de donner un contenu fixe et dense à la notion de tiers. Bien au contraire, ce complément ne permet que de donner une explication à la présence du tiers, à l’interaction du tiers avec le service public : il s’agit d’une interaction « par accident », donc fortuite, non voulue, involontaire.

Pour conclure cette analyse, nous remarquons que les définitions apportées à la notion de tiers sont proches les unes des autres. Elles n’offrent pas de définitions positives précises, mais uniquement des définitions négatives plus ou moins développées. Nous n’avons pas trouvé de définitions conceptuelles du tiers satisfaisante dans l’ensemble du droit administratif ou dans l’un de ses domaines particuliers. Nous ne pouvons pas non plus tirer des définitions référenciées une notion conceptuelle du tiers applicable à des contentieux particuliers ou applicable à l’ensemble du droit administratif. Ces définitions du tiers ont permis de ne créer que des protocoles de détermination, de reconnaissance du tiers, c’est-à-dire des protocoles permettant de donner la marche à suivre pour trouver, dans une affaire

186

G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, op. cit., p. 177.

V. : G. DUPUIS, M.-J. GUEDON, P. CHRETIEN, Droit administratif, Sirey, 11e éd., 2009, p. 557, concernant la gestion de service public déléguée à un tiers.

187 G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, op. cit., p. 177.

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contentieuse concernant certains domaines spécifiques (principalement la responsabilité administrative), le ou les tiers.

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