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Th´eorie des mod`eles spatiaux pour l’appr´ehension de relations spa-

2.2 Repr´esentations spatiales

2.2.1 Th´eorie des mod`eles spatiaux pour l’appr´ehension de relations spa-

Nous exposons ici d’abord les principes de la th´eorie des mod`eles spatiaux tels qu’ils ont ´et´e expos´es dans les travaux de cognition spatiale et de psychologie exp´erimentale. Dans les paragraphes suivants, nous mettons en avant plusieurs particularit´es des mod`eles spatiaux qui les distinguent par rapport aux m´ethodes de repr´esentation des relations spatiales `a l’aide de descripteurs ´evoqu´ees `a la section 2.1.

2.2.1.1 Principes

L’appr´ehension par l’homme des relations spatiales au moyen de mod`eles spatiaux est une th´eorie couramment admise par les chercheurs en psychologie et cognition : elle a ´et´e ´etudi´ee notamment par Gapp [Gap95a], Hayward & Tarr [HT95], Logan & Sadler [LS99], Kelleher, Costello et al. [KC05] ou encore par Kojima & Kusumi [KK05]. Dans leurs travaux, Logan & Sadler [LS99] introduisent en d´etail les principes de ces mod`eles spatiaux, qu’ils nomment en anglais spatial templates. Ils s’int´eressent dans leur ´etude aux relations spatiales mettant en jeu deux objets dans l’espace (en 2D ou 3D) et pouvant ˆetre d´ecrites `a l’aide d’un terme linguistique (par exemple `a droite, au dessus. . .). Selon eux, l’appr´ehension d’une relation spatiale fait d’abord intervenir un cadre de r´ef´erence. C’est le rep`ere (orthonorm´e, en 2D ou 3D) qui permet d’orienter les directions, de fixer une ´echelle et une origine, qui est attach´ee au centre de l’objet de r´ef´erence. Le mod`ele spatial de la relation est ensuite d´evelopp´e dans l’espace muni de ce rep`ere. Un mod`ele spatial est d´ecrit comme suit par les auteurs :

A spatial template is a representation that is centered on the reference object and aligned with the reference frame [...]. It is a 2D or 3D field representing the degree to which objects appearing in each point in space are acceptable examples of the relation in question.

Il est suppos´e que le mod`ele spatial d´ecrit trois grands types de r´egions d’acceptabilit´e : les zones de bonne correspondance avec la relation, les zones de moins bonne correspondance mais qui sont n´eanmoins acceptables et les zones inacceptables. Il est sugg´er´e qu’il n’y a pas de fronti`ere nette entre les zones bonne et acceptable, mais que la transition entre les deux se fait graduellement. Une fois que le mod`ele spatial est appliqu´e au cadre et `

a l’objet de r´ef´erence, la position occup´ee par le second objet mis en relation peut ˆetre ´evalu´ee. En fonction de la zone qu’il occupe dans le mod`ele spatial (zone bonne, acceptable, inacceptable), l’acceptabilit´e de la relation peut ˆetre mesur´ee par un score pouvant varier de 0 (position inacceptable au vu du mod`ele spatial) `a 1 (position parfaite au vu du mod`ele spatial).

Ce mod`ele th´eorique a ´et´e valid´e empiriquement dans les travaux de Logan & Sadler et a servi de cadre de travail `a de nombreuses exp´eriences sur la repr´esentation des relations spatiales comme dans les travaux de Gapp [Gap95b], de Carlson & Van Deman [CVD04] ou de Kojima & Kusumi [KK05]. Les relations spatiales ´etudi´ees dans ce cadre par les diff´erents chercheurs sont toujours li´ees `a des termes linguistiques simples. Cependant, Logan & Sadler notent ´egalement que le cadre de raisonnement autorise aussi la combinaison de mod`eles spatiaux pour la repr´esentation de relations plus complexes (comme par exemple en haut `a droite).

2.2.1.2 Expressivit´e

Le processus de d´eveloppement des mod`eles spatiaux selon Logan & Sadler limite a priori leur application aux seules relations spatiales binaires et relatives. En effet, il s’agit toujours d’´etudier la position d’un objet (l’argument) par rapport `a un autre objet (la r´ef´e- rence). Comme nous l’avons constat´e pr´ec´edemment, la tr`es grande majorit´e des relations spatiales pour l’analyse de trac´es manuscrits peuvent ˆetre d´ecrites par des relations de na- ture binaire et relative. De plus, les mod`eles spatiaux pr´esentent le grand avantage d’ˆetre homog`enes entre eux : puisqu’ils sont d´efinis dans le mˆeme espace (l’espace image) quelle que soit la relation spatiale relative qu’ils repr´esentent (`a droite de X, proche de X . . .), il est ais´e de les combiner entre eux pour former des mod`eles spatiaux plus pr´ecis. Il est `a noter que des mod`eles spatiaux peuvent tr`es bien ˆetre combin´es mˆeme s’ils sont attach´es `a des objets de r´ef´erence diff´erents (mais d´efinis dans la mˆeme image), ce qui permet d’enrichir encore le pouvoir d’expression de cette mod´elisation. Cet usage a notamment ´et´e valid´e par des exp´erimentations conduites par Gapp aupr`es d’un panel d’utilisateurs [Gap95b]. On note finalement que les relations spatiales d´ecrites par les mod`eles spatiaux appartiennent essentiellement aux cat´egories des relations m´etriques (de direction et de distance), plutˆot que topologiques. En effet, les notions de distances et de directions sont bien adapt´ees `a une repr´esentation dans le plan image, alors qu’il est plus difficile d’imaginer une repr´e- sentation ´equivalente pour des relations telles que l’adjacence ou l’intersection d’objets. Logan remarque par exemple que les relations qui impliquent un contact entre les objets (par exemple la relation d´ecrite par le terme « on » en anglais) ne se prˆetent pas `a la repr´esentation par mod`ele spatial.

2.2.1.3 Gradualit´e, impr´ecision et formalisation floue

La description donn´ee par Logan & Sadler des mod`eles spatiaux insiste sur le caract`ere graduel des transitions entre les zones d’acceptabilit´e qu’ils d´efinissent. En fait, cette ca- ract´eristique est motiv´ee par le fait que les concepts relationnels qu’ils d´ecrivent tels que `a droite de X sont eux-mˆemes intrins`equement impr´ecis, dans le sens o`u ils ne peuvent pas ˆetre d´efinis de fa¸con satisfaisante par un ensemble strict de points de l’image. Au contraire, il apparaˆıt bien plus conforme `a la d´efinition intuitive de la relation `a droite d’ˆetre d´efinie graduellement, sans fronti`ere nette entre les points consid´er´es comme `a droite de X et ceux qui ne le sont pas du tout. D`es lors, il est naturel de chercher `a formaliser les mod`eles spatiaux dans le cadre de la th´eorie des sous-ensembles flous introduite par Zadeh [Zad65]. Dans ce cadre, qui g´en´eralise la th´eorie des ensembles classique, il est possible de d´efinir des ensembles non stricts, auxquels les ´el´ements appartiennent avec un degr´e exprim´e entre 0 et 1. Un ´el´ement dont le degr´e d’appartenance `a un ensemble vaut 1 est consid´er´e comme tr`es repr´esentatif de l’ensemble, tandis qu’un ´el´ement de degr´e 0 est consid´er´e comme pas du tout repr´esentatif. Tous les degr´es entre 0 et 1 permettent d’exprimer des nuances et de consid´erer les points qui appartiennent fortement, mod´er´ement et peu `a l’ensemble. Une annexe `a la fin de ce rapport pr´esente les principaux concepts et op´erateurs de raisonnement logique flou (voir annexeA).

Il a ´et´e sugg´er´e de longue date de d´ecrire et mod´eliser les relations spatiales entre objets au moyen de fonctions floues (voir par exemple les travaux de Freeman [Fre75]). Puisque le raisonnement spatial humain fait appel dans la vie de tous les jours `a de nombreux concepts

intrins`equement flous (`a gauche, loin, au Nord-Est. . .), il semble conforme `a l’intuition de formaliser ces concepts dans ce cadre th´eorique. Il est `a noter que la question d’aborder le raisonnement spatial sous un formalisme permettant la gestion de l’impr´ecis est toujours un sujet de recherche tr`es actif, comme en t´emoignent les nombreux travaux et ouvrages r´ecents qui y sont consacr´es [JPPS10][MS02][HAB08].

2.2.1.4 Usages : v´erification et localisation

Au moment de concevoir des exp´erimentations pour valider la th´eorie des mod`eles spa- tiaux aupr`es d’un panel de sujets, Logan rel`eve que ces mod`eles peuvent ˆetre mis en ´evidence au travers de plusieurs tˆaches [Log94]. Les tˆaches demand´ees aux sujets de l’exp´erimentation peuvent consister en l’´evaluation de la satisfaction d’une relation entre deux objets (est-ce que X est `a droite de Y ?) ou en la recherche d’un objet satisfaisant une relation par rap- port `a une r´ef´erence (qu’y a-t-il `a gauche de X ?). Il est int´eressant de lier ces tˆaches `a des probl`emes d’analyse d’images pour d´emontrer l’int´erˆet des mod`eles spatiaux par rapport aux m´ethodes `a base de descripteurs de positionnement.

La premi`ere tˆache cit´ee, que l’on qualifie de tˆache de v´erification, est classiquement facile `a adresser au moyen de descripteurs de relation spatiale qui peuvent ˆetre classifi´es, ou compar´es `a des mod`eles id´eaux de chaque relation construits dans le mˆeme espace de repr´esentation. Il s’agit l`a de la vocation mˆeme de cette premi`ere famille de repr´esentations. Pour une description par mod`ele spatial, cette tˆache est simplement remplie en comparant la position de l’objet argument avec les zones d’acceptabilit´e d´efinies par le mod`ele spatial d´evelopp´e sur l’objet de r´ef´erence.

La deuxi`eme tˆache, dite tˆache de localisation, est impossible `a r´esoudre directement au moyen de descripteurs. Il faudrait, pour y r´epondre, extraire un descripteur de la relation spatiale entre l’objet de r´ef´erence et tout autre objet possible de la sc`ene, puis proc´eder pour chacun `a une v´erification de la relation. Cela est en pratique souvent impossible (ou au moins tr`es coˆuteux), car les objets peuvent ˆetre nombreux, et surtout leur segmentation peut ne pas ˆetre connue : c’est alors chaque hypoth`ese de segmentation qui doit ˆetre consid´er´ee dans l’extraction. Au contraire, le mod`ele spatial est un outil permettant directement de r´esoudre ce probl`eme, puisque, par d´efinition, il indique dans quelle(s) zone(s) de l’image il faut chercher l’objet. Nous verrons plus tard que cet avantage des mod`eles spatiaux peut ˆetre b´en´efique pour l’analyse de formes structur´ees. En nous appuyant sur le concept de mod`ele spatial, nous exploiterons leur capacit´e de localisation pour « pr´edire » et ainsi d´ecouvrir a priori les fronti`eres probables entre les segments, en fonction d’un mod`ele de positionnement appris et d´eploy´e sur l’objet de r´ef´erence.