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R´ esonateurs lin´ eaires supraconducteurs 2

2.1 Th´ eorie des circuits non dissipatifs

Les rudiments de la th´eorie des circuits non dissipatifs ayant d´ej`a ´et´e explicit´es dans la litt´erature sous diff´erentes formes (voir, par exemple [56]), je r´esume ici le formalisme tel que pr´esent´e par Michel Devoret dans le cadre d’un cours donn´e `a l’´ecole d’´et´e des Houches en 1997 [57].

2.1.1 Equations constitutives ´

Un circuit ´electrique se compose d’un r´eseau de branches {b} form´ees d’un certain nombre de composantes ´el´ementaires, connect´ees ensemble par l’entremise de noeuds

19

1 2

3 a

b

c

Figure 2.1: Exemple d’un r´eseau de circuit. Les trois branches a, b et c de ce circuit

´

el´ementaire sont interconnect´ees par les noeuds 1,2 et 3. La direction des fl`eches indique la convention de signe adopt´ee pour la diff´erence de potentiel et le courant d’une branche arbitraire dans le r´eseau.

comme `a la Fig. 2.1. Les ´el´ements de chacune des branches `a un temps t donn´e sont d´ecrits seulement par le potentielvb(t)qui la traverse et le courantib(t)qui y circule dans des directions telles qu’impos´ees par l’orientation de la branche. Ces variables peuvent ˆ

etre d´ecrites par le champ ´electromagn´etique sous-jacent selon les int´egrales de chemin vb =

Z fin deb ebut deb

E·ds, (2.1)

ib =1 µ0

I

b

B·ds. (2.2)

En d´ecrivant le r´eseau `a l’aide de circuits ´el´ementaires, ces d´efinitions sont alors ind´ependantes du parcours pr´ecis d’int´egration. On peut d`es lors d´efinir le flux et la charge de branche selon

Φb(t) =

Z t

−∞vb(t0)dt0, (2.3)

Qb(t) =

Z t

−∞ib(t0)dt0, (2.4)

alors qu’on suppose que le circuit est au repos, sans potentiel ni courant, au temps t = −∞, et que les champs externes agissants sur le circuit sont allum´es de mani`ere adiabatique de t =−∞ `a t = 0. Pour chaque ´el´ement capacitif, on associe une relation

§2.1. Th´eorie des circuits non dissipatifs 21 potentiel-charge de la forme

vb =f(Qb), (2.5)

tandis qu’une relation courant-flux est associ´ee aux ´el´ements inductifs

ib =g(Φb), (2.6)

en n´egligeant l’inductance mutuelle. Comme la puissance traversant la brancheb estvbib, l’´energie d’un ´el´ement capacitif du circuit est

T(Qb) =

Z Qb

0

f(Q)dQ, (2.7)

alors que l’´energie d’un ´el´ement inductif est plutˆot Ub) =

Z Φb

0

g(Φ)dΦ. (2.8)

Par exemple, pour des ´el´ements de circuits lin´eaires comme une capacit´e C et une induc-tance L, on af(Q) =Q/C et g(Φ) = Φ/L de sorte que

T(Qb) =Q2b 2C = 1

2Cvb2, (2.9)

Ub) =Φ2b 2L = 1

2Li2b, (2.10)

tel que pr´evu. Les expressions ´Eqs. (2.3) et (2.4) sont les relations constitutives permet-tant de repr´esenter un circuit avec un ensemble discret de variables locales.

2.1.2 Degr´ es de libert´ e d’un circuit

Comme les variables de branche doivent r´epondre aux contraintes dict´ees par les lois de Kirchhoff, elles ne sont pas ind´ependantes et ne constituent donc pas les degr´es de libert´e du circuit. En effet, les lois de Kirchhoff du potentiel et courant stipulent que la somme des potentiels autour d’une bouclelest nulle et que la somme des courants arrivant

`

a un noeud n est ´egalement nulle. `A l’aide des relations constitutives `a l’´Eq. (2.3) et `a

1 2

3

Figure 2.2: Exemple d’arbre d´ecrivant un circuit ´electrique.Les branches de fermeture sont en pointill´es, le noeud 3 est le noeud de r´ef´erence et les noeuds actifs sont les noeuds 1 et 2. La constante Φx est le flux magn´etique `a travers la boucle physique form´ee par les trois inductances. Figure adapt´ee de R´ef. [57].

l’´Eq. (2.4), on peut r´e´ecrire ces lois de conservations en terme des variables de branches :

X

b∈l

Φb−Φx =0, (2.11)

X

b→n

QbQx =0, (2.12)

IciΦx etQx correspondent respectivement au flux net traversant la boucle physique et `a la charge r´esiduelle du noeud, des quantit´es qu’on consid`ere ind´ependantes du temps.

Pour d´eterminer les degr´es de libert´e d’un circuit, on s’appuie sur les r`egles de base suivantes [57] :

◦ Un premier noeud est choisi comme r´ef´erence `a la terre. Les autres noeuds sont dits actifs.

◦ A partir du noeud de r´` ef´erence, un arbre est construit `a partir des branches reliant chaque noeud actif `a celui-ci.

◦ Les branches restantes sont dites de fermeture. Chacune d’elles d´efinit une boucle en joignant deux bouts d’une branche par le chemin le plus court de l’arbre.

◦ Ces boucles irr´eductibles forment une base `a partir de laquelle les boucles du r´eseau peuvent ˆetre construites.

Dans ces termes, les variables de noeuds sont des quantit´es ´electriques qui d´ependent de la topologie du circuit. De plus, on peut ais´ement comparer le choix du noeud de r´ef´erence et de l’arbre g´en´erateur `a un choix de jauge dans la th´eorie ´electromagn´etique standard.

§2.1. Th´eorie des circuits non dissipatifs 23

2.1.3 M´ ecanique lagrangienne et hamiltonienne

Une fois que l’arbre g´en´erateur a ´et´e construit, on effectue la sommation de toutes les

´

energies capacitives T( ˙Φn) et des ´energies inductivesUn) des branches li´ees `a chacun des noeuds actifs. On aura pris soin auparavant d’associer le flux externe Φx `a une seule branche et la charge r´esiduelle Qx `a un seul noeud. Par la soustraction de l’´energie inductive totale `a l’´energie capacitive totale, on obtient le lagrangien du circuit

L({Φn,Φ˙n}) =X

n

T( ˙Φn)−X

n

Un), (2.13)

une fonctionnelle des flux de noeuds Φn et de leur d´eriv´ee temporelleΦ˙n.

La dynamique du circuit est d´etermin´ee par les ´equations du mouvement des degr´es de libert´e, obtenues `a partir du principe de moindre action et de l’´equation d’Euler-Lagrange qui en d´ecoule. Pour des variables Φn d´ependantes, de mani`ere g´en´erale, des variables d’espace et de temps {µ} ∈ {x, y, z, t}, l’´equation d’Euler-Lagrange s’´ecrit

X

µ

µ ∂L

(∂µΦn)

!

∂L

∂Φn = 0. (2.14)

Les ´equations du mouvement ainsi obtenues correspondent aux ´equations d´ecoulant de la loi de Kirchhoff de conservation des courants dans le circuit.

Pour d´eterminer la dynamique du circuit quantique, il est cependant plus pratique d’utiliser la forme hamiltonienne puisqu’elle ne consiste qu’en une simple transformation unitaire dans le temps. Pour ce faire, on d´efinit tout d’abord la charge de noeud Qn comme le moment conjugu´e au flux de noeud :

Qn= ∂L

Φ˙n. (2.15)

Puisque les circuits r´eels sont form´es de m´etaux, il y a toujours une capacit´e, mˆeme para-sitaire, qui relie deux noeuds du circuit et alors la chargeQnest une quantit´e bien d´efinie pour tous les noeuds. L’hamiltonien du circuit s’obtient alors par simple transformation de Legendre du lagrangien et, ´etant donn´e les moments conjugu´es, s’´ecrit

H({Qn,Φn}) =X

n

QnΦ˙nL({Φn,Φ˙n}), (2.16)

soit une fonctionnelle des flux et des charges de noeuds uniquement.

2.1.4 Repr´ esentation matricielle

Le calcul alg´ebrique de la transformation de Legendre pouvant devenir rapidement laborieux mˆeme pour un nombre restreint de noeuds, on peut opter pour une proc´edure matricielle syst´ematique. En supposant qu’on applique une diff´erence de potentiel Vg au noeudk seulement, on remarque que la charge d’un noeudj particulier s’´ecrit de mani`ere g´en´erale

Qj = ∂L

∂φ˙j =X

i

CijΦ˙i+δjkCgVg, (2.17)

o`u Cij est la capacit´e de branche reliant les noeudsietjet o`uδjk est le delta de Kronecker.

D´efinissant la matrice des capacit´es Ctelle que ses ´el´ements [C]ij =Cij, l’ensemble des charges conjugu´ees peut ˆetre repr´esent´e par un vecteur colonneQ~ selon

Q~ =Q~0 +Q~g, (2.18)

o`u on d´efinit le vecteur de charge de grille [Q~g]j =δjkCgVg et o`uQ~0 =Q~Q~g =CΦ~˙ est le vecteur des charges de noeuds en l’absence de biais ´electrostatique. ´Etant donn´e que la matrice C est non-singuli`ere, on a alors ~Φ =˙ C−1Q~ et le lagrangien prend la forme matricielle

L= 1 2

~˙

ΦTCΦ +~˙ Q~TgΦ~˙ −U({Φn}). (2.19)

En remarquant que PnQnΦ˙n =Q~0+Q~gT ~Φ, suite `˙ a la transformation de Legendre et en utilisant le lagrangien de l’´Eq. (2.19), l’hamiltonien s’´ecrit simplement

H = 1 2

Q~0TC−1Q~0+U({Φn}). (2.20)

D`es lors, la forme hamiltonienne de tout circuit dont le lagrangien a ´et´e d´etermin´e s’ob-tient par une simple inversion de la matrice des capacit´es.

§2.1. Th´eorie des circuits non dissipatifs 25

2.1.5 Quantification canonique et l’oscillateur harmonique quan-tique

Il est int´eressant de remarquer que le crochet de Poisson du flux et de la charge conjugu´ee d’une branche du circuit est une quantit´e ind´ependante du choix de l’arbre g´en´erateur et est toujours l’unit´e [58]

b, Qb] =X

n

∂Φb

∂Φn

∂Qb

∂Qn∂Qb

∂Φn

Φb

∂Qn = 1. (2.21)

Par la proc´edure standard de quantification canonique, les variables Φn et moments conjugu´es Qn sont promus au niveau d’op´erateurs Φˆn,Qˆn et le crochet de Poisson en commutateur de sorte que

hΦˆn,Qˆni=i~. (2.22)

Ainsi, l’hamiltonien HHˆ devient maintenant une fonction d’op´erateurs d´eterminant l’´evolution libre d’op´erateurs Aˆarbitraires du circuit selon l’´equation de Heisenberg

i~A˙ˆ=hA,ˆ Hˆi. (2.23)

Le circuit LC est sans aucun doute un des circuits ´el´ementaires les plus simples et des plus importants puisqu’il correspond `a un oscillateur harmonique. Poss´edant un seul noeud actif, le circuit compos´e d’une capacit´e C et d’une inductance L en parall`ele est d´ecrit par le lagrangien

LLC = Cφ˙2 2 − φ2

2L. (2.24)

Etant donn´´ e la charge de noeudq =Cφ, l’hamiltonien du circuit poss`˙ ede la forme triviale de l’oscillateur harmonique

HLC = q2 2C +1

2Cω20φ2, (2.25)

o`u ω0 = 1/√

LC est la fr´equence naturelle d’oscillation. Par analogie avec un syst`eme masse-ressort o`u HMR = 2Mp2 + 12kx2, on associe le flux et la charge de noeud du circuit LC `a la position et la quantit´e de mouvement, alors que la capacit´e et l’inductance sont

analogues `a la masse et `a l’inverse de la constante de rappel.

En d´efinissant les op´erateurs de cr´eation a et d’annihilation a suivant la r`egle de commutation ha, ai= 1 et tels que

φˆ=

s

~ 2Cω0

a+a, (2.26)

ˆ q=i

s

~Cω0 2

aa, (2.27)

l’hamiltonien quantique du circuit LC prend la forme d’un oscillateur harmonique quan-tique, soit

HˆLC =~ω0aa+ 1/2. (2.28)

Dans la limite des basses temp´eratures o`u kBT ~ω0, l’oscillateur peut ˆetre initialis´e dans son ´etat fondamental.

La th´eorie que j’ai expos´ee jusqu’ici n’a consid´er´e que des circuits id´eaux ne contenant aucune r´esistance interne ou externe dissipant l’´energie, ce qui ne correspond donc pas `a une r´ealisation physique. Avec de la dissipation, l’oscillateur poss`ede un facteur de qualit´e Q fini de sorte qu’une excitation dans le circuit aura un long temps de relaxation donn´e par Q/ω0. On s’int´eresse `a la prochaine section au traitement de la dissipation dans les circuits quantiques.

2.2 Th´ eorie quantique de la dissipation dans les