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´ electrodynamique quantique en circuit

5.5 La physique au-del` a de Jaynes-Cummings

Les travaux exp´erimentaux d’Abdumalikov et al. d´ej`a cit´es [52], conjointement avec mes pr´edictions d’un couplage ultrafort [53], ont inspir´e plusieurs groupes de recherche

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a explorer les effet quantiques du r´egime de couplage ultrafort dans les circuits supracon-ducteurs autant d’un point de vue th´eorique qu’exp´erimental.

En utilisant un r´esonateur LC discret partageant une grande inductance cin´etique avec un qubit de flux, Forn-Diaz et al.[54] ont observ´e un couplage dipolaire magn´etique g/2π ∼ 900 MHz en r´esonance avec le r´esonateur `a ωr/2π = 8 GHz. Avec un ratio de g/ωa= 11.2%, ils ont observ´e un effet du r´egime de couplage ultrafort dans la mesure du d´ecalage dispersif de Bloch-Siegert atteignant ∼50MHz.

Dans une seconde r´ealisation exp´erimentale montr´ee `a la Fig. 5.10, Niemczyket al.[55]

ont r´ealis´e ma suggestion de placer une jonction Josephson dans le r´esonateur pour ac-croˆıtre le couplage avec un qubit de flux. En pla¸cant le qubit au quart du r´esonateur, des anti-croisements ont ´et´e observ´es dans le spectre en pla¸cant la fr´equence du qubit en r´esonance avec les trois premiers modes du r´esonateur de fr´equence ω1/2π = 2.782 GHz, ω2/2π = 5.357 GHz et ω3/2π = 7.777 GHz. Ces mesures ont r´ev´el´e des amplitudes de

§5.5. La physique au-del`a de Jaynes-Cummings 161

5 mm

20 μm

I(x)

x Position

du qubit 0

L

1 μm 1 μm a

e d

c

b

Figure 5.10: Impl´ementation physique du sch´ema de couplage ultrafort avec des qubits de flux. a) Image de la puce de l’exp´erience de Niemczyk et al. [55] montrant le r´esonateur coplanaire, l’emplacement des capacit´es de couplages (carr´es noirs, non montr´es) et de la constriction avec le qubit de flux (carr´e rouge, figure c). b) Les trois premiers modes propres du courant dans le r´esonateur homog`ene. c) Agrandissement montrant la constriction de l’´electrode centrale du r´esonateur et de l’emplacement du qubit de flux. La jonction Josephson du r´esonateur (carr´e orange, figure d) a une surface 7 fois plus grande que les jonctions du qubit (carr´e vert, figure e). Figure adapt´ee de [55].

couplages g1/2π = 314 MHz, g2/2π = 636 MHz et g3/2π = 568 MHz et des ratios de couplages de 11.2%,11.8% et de7.3% respectivement. De mani`ere analogue `a Forn-Diaz et al., Niemczyk et al. ont observ´e des d´eviations syst´ematiques des fr´equences de tran-sition par rapport au mod`ele Jaynes-Cummings qui sont explicables par la contribution de Bloch-Siegert multimode dans la fr´equence du qubit. La pr´esence des multiples har-moniques du r´esonateur ayant des fr´equences rapproch´ees enrichit le spectre d’excitation du syst`eme de telle mani`ere qu’un anti-croisement entre des ´etats n’ayant pas le mˆeme nombre d’excitations dans l’espace de Hilbert multimode a ´et´e observ´e. Comme il a ´et´e discut´e pr´ec´edemment, cette mesure constitue une observation directe du bris de l’ap-proximation s´eculaire.

Parall`element `a ces exp´eriences, beaucoup d’efforts ont ´et´e d´eploy´es entre autres `a comprendre et analyser la dynamique des ´etats purs en pr´esence de dissipation dans le r´egime de couplage ultrafort [128–130]. Ces mod`eles sont par contre incomplets alors qu’ils ne comprennent pas de relaxation et de d´ephasage pur de l’´etat du qubit. Qui plus est, la forme lindbladienne standard d’optique quantique de l’´equation maˆıtresse n’est plus ad´equate dans le r´egime de couplage ultrafort alors qu’elle pr´edit que l’interaction avec

les bains excite le syst`eme hors de son ´etat fondamental mˆeme `a temp´erature nulle [131].

Ce n’est que r´ecemment que Beaudoin et al. [132] ont g´en´eralis´e le traitement de la dissipation et du d´ephasage en incluant le couplage qubit-r´esonateur de mani`ere explicite pour obtenir une ´equation maˆıtresse valide pour toute valeur du couplageg.

Le r´egime de couplage ultrafort peut ´egalement profiter au traitement quantique de l’information comme, par exemple, pour r´ealiser des portes logiques ultra-rapides [133]

et pour g´en´erer des ´etats quantiques de lumi`ere dans les r´esonateurs [134]. Comme ces

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etats correspondent `a l’´etat fondamental du syst`eme, ceux-ci pourraient ˆetre mesur´es par tomographie `a l’aide d’un autre qubit coupl´e dispersivement au r´esonateur [104] `a condition que l’amplitude du couplage qubit-r´esonateur soit abaiss´ee de mani`ere non-adiabatique `a l’aide d’un SQUID [135]. Alternativement, Natafet al. am`enent l’analyse encore plus loin en montrant qu’un ensemble de qubits coupl´es `a un r´esonateur dans le r´egime ultrafort procure une base d’´etats logiques insensibles au bruit de d´ephasage agissant sur les qubits [136].

En terminant, malgr´e que le mod`ele de Rabi soit le plus simple pour d´ecrire l’interac-tion lumi`ere-mati`ere, ce n’est qu’`a la lumi`ere de ce nouveau r´egime d’interaction que la solution analytique exacte fut d´etermin´ee par Daniel Braak [80]. La d´ecouverte de Braak questionne la relation fondamentale entre les crit`eres math´ematiques d’int´egrabilit´e et de la solvabilit´e de mod`eles physiques alors que l’auteur d´emontre que le mod`ele de Rabi g´en´eralis´e est le premier mod`ele non int´egrable ayant une solution analytique exacte.

En somme, la d´ecouverte du r´egime de couplage ultrafort dans les circuits supracon-ducteurs constitue un terrain fertile encore inexplor´e pour tester et raffiner nos connais-sances sur l’´electrodynamique quantique, la physique quantique et les math´ematiques.

5.6 Conclusion de chapitre

Dans ce chapitre, j’ai ´elabor´e une r´ealisation alternative de ´EDQ en circuit bas´ee sur le couplage les fluctuations magn´etiques du vide dans le r´esonateur au moment dipolaire magn´etique d’un qubit de flux. J’ai propos´e une conception originale o`u le qubit de flux est directement connect´e `a l’´electrode centrale du r´esonateur, rendant le couplage qubit-r´esonateur directement proportionnel `a l’inductance partag´ee. Cette conception a comme avantage de permettre des couplages forts tout en minimisant la sensibilit´e du qubit au bruit de flux. R´ealis´ee exp´erimentalement par Abdumalikov et al. [52], cette conception constitue une alternative viable pour l’´EDQ en circuit bas´ee sur l’interaction magn´etique.

§5.6. Conclusion de chapitre 163 De plus, j’ai montr´e qu’on peut exploiter la grande inductance Josephson pour atteindre des amplitudes de couplages de l’ordre de g/ω01 ∼ 1−10, malgr´e la limitation impos´ee par la constante de structure fine. Dans ce nouveau r´egime de couplage ultrafort de l’´EDQ en circuit, l’approximation s´eculaire si fr´equemment utilis´ee n’est plus valide alors que le syst`eme qubit-r´esonateur est dor´enavant d´ecrit par le mod`ele de Rabi. L’atteinte de ce r´egime de couplage constitue un changement de paradigme majeur alors que le qubit et le r´esonateur forment maintenant une nouvelle entit´e mol´eculaire unique. Avec des conceptions inspir´ees par mes travaux [53], les travaux exp´erimentaux men´es par Forn-Diazet al.[54] et plus sp´ecifiquement par Niemczyket al.[55] ont d´emontr´e directement les effets d’une interaction qubit-r´esonateur ultraforte. Ces travaux exp´erimentaux, avec ma pr´ediction th´eorique, ouvrent la voie vers l’´etude d’un nouveau r´egime d’interaction lumi`ere-mati`ere inexplor´e avec les circuits supraconducteurs.

Conclusion

Dans le cadre de ma th`ese, je me suis int´eress´e `a la mod´elisation de qubits supracon-ducteurs et de r´esonateurs coplanaires dans l’architecture `a ´electrodynamique quantique en circuit afin de mieux comprendre l’interaction lumi`ere-mati`ere. Par la suite, j’ai uti-lis´e ces connaissances pour d´evelopper des conceptions alternatives d’architectures qui peuvent ex´ecuter des portes logiques plus rapidement et avec une plus grande fid´elit´e, ou qui permettent d’explorer des r´egimes in´edits de non-lin´earit´e ou de couplage lumi` ere-mati`ere.

L’originalit´e de mon travail se situe, en premier lieu, dans le d´eveloppement d’une m´ethode analytique g´en´erale permettant de trouver l’hamiltonien exact de circuits dis-tribu´es et non lin´eaires. Elle est bas´ee sur les principes fondamentaux de la m´ecanique lagrangienne et hamiltonienne et des modes stationnaires d’oscillations des circuits. Cette m´ethode a la grande qualit´e d’ˆetre flexible et peut ˆetre adapt´ee `a tout type de circuit avec un nombre arbitraire de degr´es de libert´e. Surtout, elle permet d’obtenir une description analytique d´etaill´ee des param`etres de l’hamiltonien en fonction de la g´eom´etrie et des caract´eristiques ´electromagn´etiques du circuit, ce qui permet une bonne caract´erisation de l’interaction entre les constituants et l’optimisation de la conception de l’architecture.

J’ai utilis´e cette m´ethode pour d´ecrire les modes propres d’un r´esonateur ayant une g´eom´etrie et des conditions aux fronti`eres arbitraires. Apr`es avoir mod´elis´e les pertes ohmiques, di´electriques et radiatives dans le cadre du mod`ele de Caldeira-Leggett, j’ai

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et´e en mesure d’obtenir le comportement en fr´equence des diff´erents taux de relaxation d’un r´esonateur coplanaire supraconducteur typiquement utilis´e dans les exp´eriences. J’ai pu d´emontr´e que le taux de relaxation radiatif suit bien une d´ependance en κmωm2, mais sature dans les hautes fr´equences vers κm = 4/RCΣ `a cause du comportement en

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fr´equence des capacit´es de couplages aux lignes d’entr´ee/sortie. Ces deux limites cor-respondant aux taux attendus par la th´eorie classique de l’imp´edance des circuits, elles confirment la validit´e de la repr´esentation multimode du r´esonateur. J’ai aussi montr´e que, malgr´e la forte croissance des pertes ohmiques, le r´esonateur demeure un bon guide d’ondes mˆeme pour des fr´equences au-del`a du gap supraconducteur ~ωm >2∆ alors que son facteur de qualit´eQ1/2. Ce r´esultat implique que le gap supraconducteur ne peut s’imposer comme une fr´equence de coupure ultraviolette `a la repr´esentation multimode du r´esonateur.

Par la suite, j’ai appliqu´e les outils th´eoriques d’analyse de circuits distribu´es `a l’ar-chitecture d’´electrodynamique quantique en circuit o`u des transmons sont coupl´es au r´esonateur. Dans ce formalisme, le circuit est d´ecrit par un hamiltonien de Rabi multi-mode o`u j’ai trouv´e que l’amplitude de couplage d´epend non seulement de la fr´equence du mode du r´esonateur, mais ´egalement de son recouvrement avec le champ du qubit.

J’ai alors obtenu une formulation analytique d´etaill´ee des quantit´es dispersives des qubits qui, en tenant compte de la g´eom´etrie du circuit et des conditions aux fronti`eres, sont convergentes dans les circuits. `A l’aide d’exemples num´eriques r´ealistes, j’ai montr´e que les harmoniques sup´erieures apportent des corrections majeures aux quantit´es dispersives et que le mod`ele quantique multimode d´evelopp´e est en accord avec la th´eorie classique des circuits. Par une analyse quantitative des interactions dispersives, j’ai trouv´e qu’il est possible d’exploiter la r´etroaction des fronti`eres r´efl´echissantes du r´esonateur pour isoler un qubit de son environnement ext´erieur et ainsi cr´eer une m´emoire quantique. J’ai aussi trouv´e que l’interaction d’´echange `a deux qubits peut ˆetre augment´ee par un facteur 100 par rapport `a l’´echange virtuel en pla¸cant deux qubits face-`a-face dans un r´esonateur.

Finalement, j’ai formul´e l’hypoth`ese que le couplage `a des modes ind´esirables sur la puce, le mode slotline en particulier, pourrait ˆetre une cause dominante de la relaxation des transmons dans cette architecture.

En adaptant le formalisme pour un r´esonateur avec une jonction Josephson int´egr´ee, j’ai pu obtenir l’hamiltonien quadratique exact d’un r´esonateur non lin´eaire. Ici, j’ai consid´er´e l’inductance non lin´eaire de la jonction comme une perturbation sur les modes du syst`eme qui introduit des interactions photon-photon sous la forme d’effets Kerr. `A l’aide des expressions analytiques de ces couplages et de l’optimisation du circuit, j’ai montr´e comment les r´egimes de non-lin´earit´e faible (K < κ), forte (K > κ), et mˆeme tr`es forte (K κ) peuvent ˆetre atteints. Entre autres, j’ai indiqu´e que la m´ethode peut ˆ

etre utile pour optimiser les amplificateurs et convertisseurs param´etriques Josephson afin

Conclusion 167 d’avoir de meilleures fid´elit´es. Aussi, j’ai propos´e que le r´esonateur fortement non-lin´eaire avec un SQUID peut ˆetre utilis´e pour observer le r´egime de blocage de photons et pour g´en´erer, en quelques nanosecondes, des ´etats quantiques de lumi`ere dans le r´esonateur.

En rendant le r´esonateur tr`es court, j’ai montr´e qu’on peut atteindre le r´egime de non-lin´earit´e o`uK κ et o`u le circuit devient une variante unidimensionnelle du transmon.

Avec sa g´eom´etrie ´etendue, ce transmon en-ligne serait moins susceptible aux pertes di´electriques de surface. Finalement, j’ai explor´e la limite particuli`ere du r´esonateur non lin´eaire correspondant `a celle d’un transmon int´egr´ee au centre du r´esonateur comme l’ont propos´e Devoret, Girvin et Schoelkopf [10]. Bien que le r´egime de couplage ultrafort soit atteint dans cette situation, j’ai constat´e que le ratio de couplage possible est r´eduit significativement `a g/ωa ∼ 0.2 en ajoutant la condition d’une anharmonicit´e suffisante pour ˆetre dans le r´egime quantique du circuit. Afin d’accroˆıtre l’anharmonicit´e tout en gardant le mˆeme couplage, j’ai sugg´er´e de placer la jonction plutˆot au bout du r´esonateur pour que le transmon soit biais´e par la phase du champ du r´esonateur.

Enfin, j’ai ´etudi´e le comportement du couplage lumi`ere-mati`ere dans une r´ealisation alternative de ´EDQ en circuit bas´ee sur le couplage des fluctuations du courant dans le r´esonateur au moment dipolaire magn´etique d’un qubit de flux. La conception fait appel au couplage direct entre l’´electrode du r´esonateur et la boucle du qubit de flux et ce faisant, le couplage est alors proportionnel `a l’inductance partag´ee entre les deux circuits. Comme je l’ai d´emontr´e, l’avantage de la conception est qu’elle permet d’at-teindre des couplages forts tout en minimisant la sensibilit´e du qubit au bruit de flux.

La faisabilit´e d’une telle architecture `a ´EDQ en circuit fut d´emontr´ee exp´erimentalement par l’´equipe de Yasunobu Nakamura des laboratoires de recherche de NEC au Japon [52].

En exploitant la grande inductance Josephson, j’ai montr´e qu’on pouvait aller au-del`a du r´egime de couplage fort alors que de nouveaux r´egimes de couplages qubit-r´esonateur peuvent ˆetre atteint o`u le ratio de couplage devientg/ω01 ∼1−10, et ce malgr´e la limi-tation impos´ee par la constante de structure fine. L’observation exp´erimentale du r´egime de couplage ultrafort avec cette conception d’architecture de Niemczyk et al. [55] ouvre la voie vers l’´etude d’un r´egime d’interaction lumi`ere-mati`ere inexplor´e avec les circuits supraconducteurs.

Avec la complexit´e sans cesse grandissante de l’architecture `a ´electrodynamique quan-tique en circuit avec plusieurs r´esonateurs lin´eaires et non-lin´eaires, coupl´es plus ou moins fortement `a de multiples qubits, la connaissance des diff´erents modes et la nature des in-teractions dans le syst`eme s’av`ere d’une grande importance afin de bien comprendre la

dynamique complexe du syst`eme. La m´ethode de calcul d´evelopp´ee dans cette th`ese est un outil th´eorique essentiel qui permet une telle analyse d´etaill´ee grˆace `a sa grande flexibilit´e et au d´etail analytique des param`etres de l’hamiltonien final du circuit obtenu.

Au fil de cette th`ese, plusieurs questions ont ´et´e soulev´ees mais n’ont toutefois pas trouv´ees de r´eponses. Par exemple, il serait fort int´eressant de g´en´eraliser l’approche analytique pour tenir compte des trois dimensions du circuit, de la taille finie de la puce ´electronique et de la boˆıte `a ´echantillon pour raffiner la mod´elisation des circuits supraconducteurs. Cela permettrait aussi de d´eterminer si d’autres modes parasitaires pourraient ˆetre pr´esents et nuire au temps de coh´erence des qubits. Aussi, il serait in-t´eressant de savoir si la minime population des harmoniques sup´erieures du r´esonateurs peut constituer un autre m´ecanisme de d´ecoh´erence en excitant des quasi-particules dans le circuit, une question `a laquelle on pourrait possiblement r´epondre en utilisant conjoin-tement le mod`ele multimode et le mod`ele microscopique des quasi-particules d´evelopp´e par Catelani et al. [66,67]. Alors que bien des choses demeurent inconnues dans la phy-sique du couplage ultrafort, il faudrait aussi se demander ce qui survient pour des qubits en r´esonateur lorsque le r´egime de couplage ultrafort se produit pour plusieurs modes du r´esonateur `a la fois.

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