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A quel point le couplage peut-il ˆ ` etre fort ?

R´ esonateurs non lin´ eaires quantiques 4

4.4 A quel point le couplage peut-il ˆ ` etre fort ?

Au premier chapitre, j’ai discut´e de la particularit´e des circuits ´electriques de pouvoir combiner l’atome (la jonction Josephson) et la cavit´e (le r´esonateur) en un seul et mˆeme objet. Parce que le mode plasma de la jonction et le mode du r´esonateur sont maintenant directement coupl´es, le r´egime de couplage ultrafort de l’´electrodynamique quantique en circuit pourrait ˆetre atteint o`u le couplage g devient une fraction significative des fr´equences du syst`eme [10]. Ici, le syst`eme serait d´ecrit par un hamiltonien de style Rabi

HRabi =~ωraa+~ωpbb− ~K

2 (bb)2 +~g(a+a)(b+b). (4.50) o`u a est un op´erateur du mode du r´esonateur alors que b est un op´erateur du mode plasma qui agit comme qubit alors que son anharmonicit´e K demeure importante. Un tel syst`eme est d´ecrit par un circuit effectif discret repr´esent´e `a la Fig. 4.13a) et a ´et´e analys´e dans la R´ef. [10]. Dans ce r´egime o`ug/ωp est non n´egligeable, les constituants ne peuvent plus ˆetre consid´er´es comme ind´ependants et le couplage ne peut plus ˆetre trait´e comme une perturbation sur le syst`eme.

Dans un sens, le travail men´e jusqu’ici dans ce chapitre suit cette id´ee que la jonction et le r´esonateur forment un syst`eme ins´eparable alors que la jonction perturbe de mani`ere importante les modes propres du r´esonateur. En solutionnant directement les ´equations du mouvement du circuit harmonique et en consid´erant le potentiel Josephson non lin´eaire comme perturbation, il en revient (dans l’esprit du moins) `a d´eterminer les ´etats propres de l’hamiltonien `a l’´Eq. (4.50) de mani`ere exacte en couplageget de mani`ere perturbative en anharmonicit´eK. Dans les faits, j’ai montr´e dans les sections pr´ec´edentes que la nature distribu´ee du circuit empˆeche d’´ecrire explicitement un hamiltonien de style Rabi o`u le couplage plasma-r´esonateur est explicite.

Dans cette section, je m’int´eresse aux situations o`u le syst`eme r´esonateur+jonction est d´ecrit par un tel hamiltonien. Contrairement `a Devoretet al., on demande explicitement

`

a ce que l’anharmonicit´e soit importante afin d’ˆetre clairement dans le r´egime quantique du circuit. On verra plus loin qu’une telle condition change les conclusions sur l’amplitude de couplage maximale pouvant ˆetre atteinte dans ce syst`eme.

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0

b) a)

Figure 4.13: Couplage ultrafort d’un transmon au courant d’un r´esonateur.a) Circuit effectif d’une jonction coupl´ee aux fluctuations de courant d’un oscillateur tel que sugg´er´e par Devoretet al.[10]. Pr`es de la r´esonance et avec CJ&C pour que l’approximation du modeλ/2 du r´esonateur soit valide, ce circuit discret est une bonne repr´esentation de celui montr´e en b).

Tel que sugg´er´e par Devoretet al., l’impl´ementation d’un transmon dans un r´esonateur prend une forme telle que montr´ee `a la Fig. 4.13b). Dans sa repr´esentation ´el´ementaire, le circuit effectif en Fig. 4.13a) repr´esenterait un mode λ/2 d’un r´esonateur en l’absence de jonction avec un maximum de courant au centre, l`a o`u le qubit est plac´e. Toutefois, on peut alors se demander quand cette repr´esentation pour un circuit distribu´e peut ˆetre valide malgr´e la pr´esence de la jonction.

Avant de r´epondre `a cette question, il est instructif d’´ecrire l’hamiltonien correspon-dant `a ce circuit. En utilisant les variables conjugu´ees {ψr, ρr} et {φ, q} illustr´ees `a la

les trois termes correspondants `a l’hamiltonien du r´esonateur, du qubit et du couplage qubit-r´esonateur, respectivement. De la mˆeme mani`ere qu’`a la section pr´ec´edente, on trouve que le qubit est renormalis´e par l’inductance du r´esonateur et son hamiltonien prend la forme de l’´equation ´Eq. (4.49) avec EC =e2/2CJ et EL= (Φ0/2π)2/4L.

Pour EJ, EL EC, ce transmon en-ligne est bien d´ecrit par un oscillateur faible-ment anharmonique de fr´equence plasma ~ωp = q8EC(EJ +EL) et d’anharmonicit´e ECEJ/(EJ+EL). Dans cette limite, il est utile d’introduire les op´erateurs d’annihilation (cr´eation) b(†) pour le qubit de sorte que φ =q~/(2CJωp)(b+b). De plus, en ´ecrivant

ψr =q~/(2Cωr)(a+a), le couplage qubit-r´esonateur de l’´equation ´Eq. (4.51) prend la forme

Hqr =~g(a+a)(b+b). (4.52)

Comme dans la R´ef. [10], il est instructif d’´ecrire l’amplitude de couplage g en unit´es de la fr´equence du qubitωp :

g

ωp = ωr

p

s Zvac

8παZr

"

EC

8(EJ +EL)

#1/4

, (4.53)

o`u Zr =qL/C est l’imp´edance effective du r´esonateur etα=Zvac/(2RK)est la constante de structure fine d´ecrite en terme de l’imp´edance du vide Zvac = 1/0c ≈ 377 Ω et du quantum de r´esistance RK=h/e2. ´Etant donn´e Zr <Zvacen pratique, et de la d´ependance en1/√

α, ce sch´ema de couplage semble permettre un grand ratio de couplage g/ωp >1, confortablement dans le r´egime ultrafort.

Apr`es cette analyse, je peux maintenant discuter des contraintes sur le circuit pour que les conclusions ´enum´er´ees ci-haut soient valides. On note tout d’abord depuis l’´Eq. (4.53) que l’atteinte du r´egime de couplage ultrafort avec g/ωp > 1 requiert un ratio EJ+ EL EC [10]. Ceci est incoh´erent avec la supposition faite en premier lieu en ´ecrivant l’hamiltonien de couplage dans la forme de l’´Eq. (4.52). De mani`ere plus importante, la repr´esentation du r´esonateur en Fig. 4.13a), et donc de l’hamiltonien effectif `a l’´Eq. (4.51), est valide seulement pour un mode λ/2: on suppose ici la pr´esence du modeλ/2 malgr´e la pr´esence de la jonction. En effet, le couplage de l’´Eq. (4.52) suppose seulement un couplage inductif entre le r´esonateur et le qubit. Dans les sections pr´ec´edentes, on a montr´e que le mode du r´esonateur ´etait habill´e par la jonction qui se voit alors affubl´e d’un saut de mode donn´e par ∆um. Ce saut r´esulte en un couplage charge-charge au mode du r´esonateur et r´eduit du mˆeme coup le couplage inductif de l’´Eq. (4.53).

Ce saut peut ˆetre minimis´e si la capacit´e de la jonction CJ est relativement grande par rapport `a la capacit´e du r´esonateur 2`C0, CJ & 2`C0. Ceci minimise le couplage de charge `a l’avantage du couplage inductif. Cette conclusion peut ´egalement ˆetre tir´ee lorsque la solution num´erique de l’´equation ´Eq. (4.15) sous condition que k1π/(2`) pour ωp > ωλ/2) [ou k2π/(2`) si ωp < ωλ/2]. Par exemple, pour satisfaire la condition CJ & 2`C0 avec les param`etres typiques des r´esonateurs tels que donn´es en d´ebut de la section § 4.3, on requiert CJ ∼ 4 pF. Ceci se traduit en une ´energie de charge tr`es

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b) a)

Figure 4.14: Couplage ultrafort d’un transmon `a la phase d’un r´esonateur.a) Circuit effectif d’une jonction coupl´ee aux fluctuations de la phase et de la charge d’un oscillateur. d) Pour que l’impl´ementation physique avec un r´esonateur coplanaire soit ´equivalente `a (a) autour de la r´esonance, il est requis que`q 2`pour que l’approximation du modeλ/2du r´esonateur soit valide. Le circuit effectif en (a) n’est valide qu’`a proximit´e de la r´esonance. Pour ´etendre sa validit´e jusque versω →0 et pour respecter la topologie de (b), une capacit´e infinie devrait ˆ

etre ajout´ee entre le circuit LC et la r´ef´erence.

faible EC/h ∼ 5 MHz et, par correspondance, `a une petite anharmonicit´e. Pour qu’un qubit soit en r´esonance avec le mode λ/2 `a ωp/2π = 5 GHz, il faut alors avoir un ratio (EJ+EL)/EC ∼1.25×105. Avec ces quantit´es, on trouveg/ωp ∼0.2depuis l’´Eq. (4.53), une valeur coh´erente avec les calculs num´eriques des modes propres du syst`eme. `A cause de la grande capacit´e de la jonction, il peut alors ˆetre difficile d’atteindre en pratique le r´egime de couplage ultrafort avec cette conception illustr´e en Fig. 4.13b) et, de mani`ere plus g´en´erale, r´ealiser l’hamiltonien de Rabi `a l’´Eq. (4.50) alors qu’un accroissement du couplage est fait au d´epend d’une r´eduction de l’anharmonicit´e du qubit.

Afin d’accroitre l’anharmonicit´e tout en gardant g/ωp `a peu pr`es constant, une pos-sibilit´e `a envisager est de glisser le qubit loin du centre du mode λ/2. De cette fa¸con, la jonction peut ´egalement ˆetre biais´ee en phase. Tel qu’illustr´e `a la Fig. 4.14b), le plus grand biais en phase qui peut ˆetre obtenu est au bout du modeλ/2, l`a o`u l’amplitude du mode est maximale. Dans la limite o`u la longueur de la portion de r´esonateur `q situ´ee

`

a la droite de la jonction est petite`q2`, le syst`eme correspond approximativement `a un r´esonateurλ/2coupl´e par une jonction `a un ˆılot de charge de capacit´e Cs =`qC0 avec une inductance n´egligeable. Dans cette conception, l’amplitude du mode `a l’emplacement de la jonctionu(`)≈√

2est seulement faiblement perturb´e par la pr´esence de la jonction.

Depuis le lagrangien total `a l’´Eq. (4.3), n´egligeant l’inductance du cˆot´e droit de la jonction et se concentrant sur le mode λ/2, l’hamiltonien effectif du circuit est trouv´e

comme ´etant de la forme est d´efinie `a l’´Eq. (4.11). La repr´esentation discr`ete de cet hamiltonien effectif est montr´ee

`

a la Fig. 4.14a). Cet hamiltonien correspond essentiellement `a un transmon, d’´energie de charge EC = e2/(2Cq) et de fr´equence plasma ~ωp = √

8ECEJ, coupl´e `a un oscillateur LC par le biais de la charge et de la phase. Dans la limite pratique o`u CJCs2`C0, l’interaction de charge est n´egligeable. Tel que mentionn´e `a la section § 4.3.3, le circuit effectif de la Fig. 4.14a) est une repr´esentation valide de ´Eq. (4.54) seulement `a proximit´e de la fr´equence de r´esonance3.

On ´evalue maintenant la force du couplage inductif dominant. Comme plus haut, on travaille dans la limite o`u EJ/EC 1 qui permet de faire un d´eveloppement en s´erie de puissance du potentiel Josephson. Encore une fois, en introduisant les op´erateurs de cr´eation et d’annihilition pour le qubit (b, b) et pour le r´esonateur (a, a), on trouve que l’hamiltonien de couplage est de la mˆeme forme qu’`a l’´Eq. (4.52) avec

g

Combin´e `a une petite imp´edance caract´eristique Z0r <Zvac, cette d´ependance rend ardue l’atteinte du r´egime de couplage ultrafort dans cette impl´ementation. En effet, avec les mˆemes param`etres du r´esonateur que plus haut mais maintenant avec EJ/EC ∼ 100 et Zr ∼ 15 Ω, on trouve un ratio de g/ωp ∼ 0.15. Toutefois, contrairement au sch´ema de couplage en Fig. 4.13b), l’anharmonicit´e ici est beaucoup plus ´elev´ee alors que l’´energie de charge du transmon est EC/h∼300 MHz.

Afin d’´etayer l’argumentaire, on compare maintenant le mod`ele effectif de l’´Eq. (4.54)

3. Pour ´etendre la validit´e du circuit vers ω 0 et pour respecter la topologie du circuit r´ esona-teur+jonction, une capacit´e infinie devrait ˆetre ajout´ee entre le circuit LC et la r´ef´erence. La forme hamiltonienne du circuit `a l’ ´Eq. (4.54) et les conclusions tir´ees subs´equemment n’en sont en rien chan-g´ees.

§4.4. `A quel point le couplage peut-il ˆetre fort ? 139

2 4 6 8

100 200 300 400

(GHz)Effet Kerr (MHz)

0.25 0.5 0.75

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

a)

b)

c)

Figure 4.15: Anti-croisement d’un transmon et d’un mode du r´esonateur dans le r´egime ultrafort.Fr´equences propres, amplitudes des effets Kerr et ratios de participation en fonction du flux externe des deux premiers modes d’un r´esonateur avec un SQUID plac´e `a une distance `q `de l’extr´emit´e du r´esonateur en x=`.

avec des simulations num´eriques du syst`eme complet. La Fig. 4.15 montre les fr´equences des modes normaux ωm, coefficients d’effet KerrKmm et les ratios de participationsηL,m en fonction du flux externe traversant un SQUID plac´e pr`es de l’extr´emit´e de droite d’un r´esonateurλ/2. Les param`etres du circuit sont d´etaill´es dans la l´egende de la Fig. 4.15. En a), les lignes pleines correspondent aux fr´equences des modes normauxω1 etω2, alors que la ligne hachur´ee correspond `aωr et la ligne pointill´ee `aωp. Ces deux derni`eres quantit´es sont ´evalu´ees depuis le mod`ele effectif `a l’´Eq. (4.54) et, comme suppos´e, s’accordent bien avec le num´erique loin de la r´esonance (indiqu´ee par la ligne hachur´ee verticale). En r´esonance, un anti-croisement est observ´e et `a partir duquel on extrait un ratio g/ωp = 0.12qui, encore une fois, est en accord avec le mod`ele effectif.

Simultan´ement, `a la fois l’effet Kerr non lin´eaire et le ratio de participation se d´ e-placent d’un mode `a l’autre en traversant la r´esonance, marquant le changement de caract`ere des excitations d’un photon vers le plasma (et vice versa). `A Φx = Φ0/2, le ratio de participation du premier mode atteint son maximum pr`es de l’unit´e alors que l’effet Kerr non lin´eaire atteint K11EC/h tel qu’attendu pour un transmon. Le fait

que K et ηL ne soient pas `a leur maximum pr`es de Φx = 0 est caus´e par un habillage r´esiduel avec la seconde harmonique du r´esonateur pr`es de 10 GHz (non montr´e).

4.5 Conclusion de chapitre

Dans ce chapitre, j’ai pr´esent´e une nouvelle approche g´en´erale pour trouver de ma-ni`ere exacte les modes normaux d’un circuit lin´eaire distribu´e dans lequel une jonction Josephson a ´et´e ins´er´ee. Pour y arriver, j’ai inclus la contribution lin´eaire de la jonction comme une renormalisation des param`etres du circuit et j’ai trait´e l’inductance Josephson non lin´eaire comme une perturbation sur le circuit. Cette description est particuli`erement pratique pour les syst`emes dont la non-lin´earit´e est faible devant les fr´equences des modes, mais forte devant le taux de relaxation des photons. En effet, j’ai discut´e des diff´erentes mani`eres d’atteindre des r´egimes de faible (K < κ), forte (K > κ) et tr`es forte (K κ) non-lin´earit´e par rapport `a l’amortissement κ. Les r´esultats que j’ai pr´esent´es peuvent ˆ

etre utilis´es pour optimiser les convertisseurs et amplificateurs bas´es sur les r´esonateurs non lin´eaires tels les JBAs, JPAs et JPCs. J’ai aussi sugg´er´e une approche pour g´en´erer des ´etats-chat avec une haute fid´elit´e en ajustant rapidement la non-lin´earit´e du circuit.

Dans le r´egime de forte non-lin´earit´e, j’ai d´emontr´e que le syst`eme se comporte comme un transmonen-ligne, un qubit qui pourrait b´en´eficier de plus faibles pertes di´electriques de surface que le transmon pr´esent´e au chapitre pr´ec´edent. Finalement, j’ai explor´e la possibilit´e d’atteindre le r´egime de couplage ultrafort en ´EDQ en circuit avec le transmon en-ligne. En consid´erant les limitations impos´ees par l’impl´ementation physique et sous la condition d’une grande anharmonicit´e, j’arrive `a la conclusion que des couplages de l’ordre de g/ωp ∼0.1−0.2peuvent ˆetre atteints avec cette architecture.

Alors que le couplage dominant avec un transmon int´egr´e au r´esonateur provient d’un courant circulant `a travers une inductance, on pourrait alors penser exploiter ce concept et avoir une interaction d’origine dipolaire magn´etique entre le r´esonateur et un qubit supraconducteur. Parce que l’interaction est d’origine diff´erente, elle ne serait pas soumise aux mˆemes contraintes que celles soulev´ees ici et permettrait peut-ˆetre d’atteindre des r´egimes de couplages plus intenses plus facilement. C’est dans cette ligne de pens´ee qu’au prochain chapitre j’explore et analyse un r´esonateur avec un qubit de flux int´egr´e.