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Le mode slotline comme m´ ecanisme de perte

Mod` ele ` a modes multiples de l’´ EDQ en circuit

3.7 Le mode slotline comme m´ ecanisme de perte

En pratique, plusieurs processus contribuent aux taux de relaxation totalγ du qubit.

La suppression de l’´emission spontan´ee d’un qubit supraconducteur dans un r´esonateur ne survient que si les pertes radiatives du r´esonateur dominent face aux autres sources de d´ecoh´erence. Or, les principales sources limitant la d´ecoh´erence dans les circuits supracon-ducteurs sont encore aujourd’hui m´econnues et font l’objet d’´etudes intenses [66,68,70,71].

Un des m´ecanismes avanc´es est la pr´esence de d´efauts microscopiques charg´es causant des pertes di´electriques. Cette hypoth`ese est bas´ee sur une d´ependance apparente en1/ω des valeurs deT1 des transmons dans un r´esonateur pour des fr´equencesωaω1 [30,71].

G´en´eralement largement sup´erieures aux pertes di´electriques du substrat, ces d´efauts seraient majoritairement `a la surface et cr´e´es lors de la fabrication du circuit.

Autre que les m´ecanismes microscopiques, une des possibilit´es encore largement inex-plor´ee est le couplage `a d’autres modes d’oscillation parasites dans le circuit. En d´ebut de chapitre, j’ai d´emontr´e la possibilit´e d’avoir la pr´esence d’un mode d’oscillation du champ entre les deux plans de masses du circuit, le mode slotline, qui se couple au transmon.

Dans ce qui suit, j’´etudie plus en d´etails ce m´ecanisme de relaxation et d´emontre qu’il peut jouer un rˆole dominant dans la relaxation de transmons.

Tout comme les lignes `a transmission `a l’entr´ee et `a la sortie, on consid`ere les plans de masse comme semi-infinis et on les traite comme un environnement dissipatif avec une dynamique interne tr`es rapide. `A la mani`ere de Caldeirra-Leggett, ceux-ci peuvent ˆetre consid´er´es comme un bain d’oscillateurs harmoniques `a l’´equilibre thermique. Depuis la formulation lagrangienne de l’architecture `a l’´Eq. (3.11) et de la matrice des capacit´es

`

a l’´Eq. (3.17) qui en r´esulte, on sait que le champ ´electrique des plans de masse se couple au dipˆole ´electrique du qubit si les capacit´es de couplages aux plans de masse sont asym´etriques avec CSL,- 6= 0 `a l’´Eq. (3.21). Dans cette situation, il existe un terme

§3.7. Le mode slotlinecomme m´ecanisme de perte 99

Figure 3.13: Effet du mode slotline sur le temps T1 d’un qubit. Pour un transmon coupl´e de mani`ere asym´etrique aux plans de masses, le qubit dans un r´esonateur subit des pertes radiatives en ω−2 en plus de l’effet Purcell. Un mod`ele de pertes di´electriques additionnelles

ω−1reproduit qualitativement le mˆeme comportement sur plusieurs gigahertz. Pour ce calcul, CSL,- = 0.7CR,-, ZM[ω] = 1 Ω pour les pertes radiatives et un facteur de qualit´e di´electrique QD= 6×104 pour les pertes di´electriques.

interaction dipolaire ´electrique entre le modeslotline et le qubit de la forme HqB =X

ν

2eC

SL,-CqCν qˆνn,ˆ (3.76)

o`u on rappelle que l’op´erateur de charge du bain s’´ecritqˆν =iq~ωνCν/2(aνaν). Ainsi, les oscillations des plans de masse provoquent une relaxation radiative du qubit au taux

γSLa) = 4e2 ZM[ω] devrait ˆetre nulle pour toutes les fr´equences mais, en pratique, ce n’est jamais le cas.

Si on analyse la capacit´e de couplage au mode slotline de l’´Eq. (3.21), on a

CSL,-= 2`qC012−C013+C035−C025. (3.78) Dans une conception de circuit comme celui de la Fig. 3.3, CSL,- est domin´ee par la capa-cit´e entre l’´electrode la plus pr`es d’un des plans de masse CSL,-≈C12−C13, soit

essentiel-lement du mˆeme ordre que celle entre le r´esonateur et le qubit, CR,- = 2`qC034−C024. Par cons´equent, le qubit peut ˆetre extrˆemement sensible au bruit provenant des plans de masses et il est donc primordial d’avoir <{ZM[ω]} ≈0.

Il est cependant fort difficile de discriminer une source de d´ecoh´erence d’une autre alors que seul le temps de relaxation total 1/γ est accessible. Pour illustrer ce fait, `a la Fig. 3.13 on compare le temps de relaxation total d’un transmon dans un r´esonateur soumis `a deux sources diff´erentes de pertes. Pour la premi`ere situation, on consid`ere la pr´esence de pertes radiatives dues au mode slotline suivant l’´Eq. (3.77), avec une capacit´e de couplage CSL,- = 0.7CR,- choisie de sorte `a repr´esenter ad´equatement la conception du circuit repr´esent´e `a la Fig. 3.3. La courbe rouge d´epeint la valeur de T1 = γ−1 en consid´erant ces pertes combin´ees `a l’effet Purcell γ = γκ +γSL, avec une faible r´esistance ZM[ω] = 1 Ω. Avec un comportement en1/ωa2, le couplage aux plans de masse diminue drastiquement le temps de relaxation `a des valeurs de 1−5 µs sous la r´esonance. En d’autres termes, pour un qubit avec ωa/2π = 5 GHz, on trouve un grand taux de relaxation γSL/2π = 0.1 MHz par Ohm de r´esistance environnementale. Dans la deuxi`eme situation, ce sont plutˆot des pertes di´electriques γD qui sont ajout´ees `a l’effet Purcell avecγ =γκ+γD, o`uγD=ωa/QD est dict´ee par le facteur de qualit´e di´electrique QD (voir § 2.5.1). Comme on peut le constater `a la Fig. 3.13, les pertes di´electriques (courbe bleue) et les pertes radiatives (courbe rouge) peuvent reproduire sensiblement les mˆemes valeurs de T1 pour une large gamme de fr´equences. Dans le cas illustr´e ici, cette situation se produit en choisissant QD = 6×104, une valeur comparable `a celle extraite des mesures exp´erimentales du temps de relaxation de transmons en r´esonateur sur plusieurs ´echantillons diff´erents suivant la mˆeme conception [30].

Malgr´e que le comportement en fr´equence deT1 soit enω−2 pour les pertes radiatives et enω−1 pour les pertes di´electriques, les deux contributions ne diff`erent que tr`es loin de la r´esonance ωa ω1 o`u l’effet Purcell est n´egligeable. Dans un contexte exp´erimental o`u la dispersion des mesures de T1 atteint ∼ 25−50% et restreintes `a seulement ∼ 3GHz sous ω1 [30,71,87], les deux mod`eles de pertes sont pratiquement confondus. Ainsi, ce m´ecanisme deviendra un facteur limitant du temps de relaxation au fur et `a mesure que les autres sources de d´ecoh´erence seront corrig´ees.

Deux strat´egies de conceptions peuvent ˆetre utilis´ees pour s’affranchir du couplage au mode des plans de masse. La premi`ere consiste `a relier les deux plans de masse ensemble par plusieurs fils m´etalliques le long de la puce de sorte `a minimiser l’imp´edance ZM[ω]→0. La seconde revient `a ´equilibrer le r´eseau de capacit´es du transmon aux plans

§3.8. Conclusion de chapitre 101 de masse en changeant la g´eom´etrie des ´electrodes afin que CSL,- →0. Dans ses travaux de th`ese de doctorat [77], Blake Johnson a r´ealis´e plusieurs conceptions de transmon en r´esonateur qui utilisaient ces deux strat´egies pour ´eliminer les effets du mode slotline.

Malgr´e ces efforts, aucune am´elioration du temps de relaxation ne fut observ´ee, ce qui sugg`ere la pr´esence d’autres processus de relaxation dominants. L’une des hypoth`eses soulev´ee est le couplage `a la ligne de contrˆole du qubit5.

On note, en terminant, que ce m´ecanisme de d´ecoh´erence n’est pas unique `a l’impl´ e-mentation en circuit et pourrait ´egalement se retrouver dans les cavit´es tri-dimensionnelles,

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a l’int´erieur de laquelle on place un transmon [69]. De mani`ere analogue au modeslotline, il peut y avoir une oscillation de la diff´erence de potentiel entre les deux moiti´es de la ca-vit´e si la r´esistance de contact (l’analogue de ZM[ω]) entre les deux moiti´es est non-nulle.

En r´ef´erence `a la terminologie utilis´ee en circuit, on appelle ici ce modesplit-cavity pour les cavit´es micro-ondes. En fait, ce m´ecanisme pourrait ˆetre `a l’origine du facteur de qua-lit´e anormalement faible de cavit´es micro-ondes o`u la jonction des deux moiti´es est selon l’axe longitudinal6. ´Egalement, il pourrait ˆetre responsable du comportement surprenant de T1 du transmon r´ecemment observ´e en fonction de la distance de l’´electrode centrale du cˆable coaxial d’entr´ee/sortie de signal branch´e `a la cavit´e [89]. Le taux de relaxation des photons dans la cavit´e est d´etermin´e par le couplage capacitif de la ligne d’entr´ee `a la cavit´e et est ici fix´e par la longueur de l’´electrode centrale du cˆable `a l’int´erieur de la cavit´e. En retirant l’´electrode de la cavit´e, une diminution de κ est observ´ee comme at-tendu, et sature vers la valeur dues aux pertes intrins`eques lorsque l’´electrode se retrouve

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a l’ext´erieure de celle-ci. Parall`element, une augmentation deT1 du transmon est observ´ee avec le retrait de l’´electrode, mais diminue ensuite lorsque l’´electrode est `a l’ext´erieure de la cavit´e et s’en ´eloigne. Une explication de ce ph´enom`ene est que l’´electrode centrale se couple davantage au modesplit-cavity et y ajoute du bruit suppl´ementaire au fur et `a mesure qu’elle est retir´ee de l’enceinte de la cavit´e, causant la diminution marqu´ee de T1.

3.8 Conclusion de chapitre

Dans ce chapitre, j’ai analys´e le circuit d’un transmon dans un r´esonateur par une nouvelle description `a modes multiples en tenant en compte la g´eom´etrie du circuit et les conditions fronti`eres. Apr`es avoir d´etermin´e l’hamiltonien de Rabi multimode du

sys-5. Conversation priv´ee avec Blake Johnson.

6. Conversation priv´ee avec Yasunobu Nakamura.

t`eme, j’ai obtenu l’hamiltonien dispersif et les s´eries alg´ebriques du d´ecalage de Lamb, de l’effet Purcell et de l’´echange virtuel. Tout comme dans les syst`emes atomiques, la taille finie du qubit agit comme fr´equence de coupure pour l’interaction lumi`ere-mati`ere, permettant aux quantit´es dispersives de converger et d’ˆetre calcul´ees pr´ecis´ement. Ce-pendant, contrairement au cas atomique, j’ai d´emontr´e que la taille finie du qubit est justifi´ee dans les circuits alors qu’elle permet d’obtenir le comportement en fr´equence pr´evu par la th´eorie des circuits. La validit´e du mod`ele multimode est confirm´ee alors que la formulation quantique du taux de relaxation Purcell correspond quantitativement au taux obtenu par le th´eor`eme de fluctuation-dissipation et de l’imp´edance g´en´eralis´ee.

A partir des quantit´` es dispersives multimodes, je d´emontre que les corrections appor-t´ees par les harmoniques sup´erieures du r´esonateur sont importantes. Avec une simple optimisation de la g´eom´etrie du circuit, on peut exploiter un nouvel effet de r´etroaction des fronti`eres du r´esonateur pour isoler un qubit de son environnement et ainsi cr´eer une m´emoire quantique avec un long temps de coh´erence. Aussi, je montre que l’´echange virtuel entre deux qubits avec le r´esonateur peut ˆetre transform´e en ´echange direct d’am-plitude de 10 `a 100 fois sup´erieure en pla¸cant les qubits face-`a-face dans le r´esonateur.

Finalement, j’´emets l’hypoth`ese qu’un m´ecanisme important de la relaxation des trans-mons serait le couplage `a un mode d’oscillation ind´esirable des plans de masse caus´e par l’asym´etrie de la conception et une imp´edance finie `a la masse. Ce genre de m´ecanisme aurait ´egalement un analogue dans les cavit´es micro-ondes tridimensionnelles.

Ces nouveaux r´esultats ont des implications directes et importantes dans l’utilisation de circuits supraconducteurs pour du calcul quantique. Premi`erement, la description ha-miltonienne multimode plus pr´ecise permet d’am´eliorer la fid´elit´e des portes logiques en minimisant les erreurs d’estimation de la phase des ´etats quantiques. Deuxi`emement, les algorithmes quantiques peuvent ˆetre ex´ecut´es plus rapidement avec une plus grande fid´ e-lit´e en exploitant un couplage qubit-qubit tr`es fort et en utilisant un ou plusieurs qubits comme m´emoire quantique.

Dans le contexte o`u l’architecture est appel´ee `a ˆetre compos´ee de plusieurs qubits et r´esonateurs avec des couplages lumi`ere-mati`ere plus importants, le nouveau formalisme multimode pr´esent´e ici devient alors un outil essentiel pour la description du syst`eme. Bien adapt´e pour les circuits fortement non lin´eaires, j’utilise ce formalisme dans le prochain chapitre pour d´ecrire un autre circuit supraconducteur fort important : le r´esonateur non lin´eaire.