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Proposée par Craik et Lockhart (1972), la théorie du niveau de traitement avance que plus profondément les items sont traités, plus solide et durable est leur rétention. Comme le montre le Tableau VII, les chercheurs suggèrent que le traitement superficiel, caractérisé par l’encodage morphologique ou phonologique, n’apporte que des traces mémorielles moins récupérables. Au contraire, le traitement profond correspond à l’encodage basé sur le sens. Ce type de traitement est associé à la mémoire à long terme, car il a pour particularité de solliciter des connaissances déjà acquises.

Tableau VII Exemple de trois niveaux différents du traitement (puisé dans Purdy

et al., 2001, p. 269, notre traduction)

Niveau Type d’encodage Exemple des questions utilisées pour

extraire l’encodage approprié Superficiel Structurel : insister sur la

structure physique du stimulus.

Ce mot est-il écrit en majuscule ?

Intermédiaire Phonologique : insister sur la manière dont un mot

s’entend.

Ce mot rime-t-il avec poids ?

Profond Sémantique : insister sur le

sens de l’input verbal. Ce mot s’intégrerait-il dans la phrase : « Il a rencontré un ___ dans la rue? » Selon Baddeley (2009), la théorie du niveau de traitement est devenue une règle générale du fonctionnement de la mémoire humaine. En effet, encore récemment, cette théorie est souvent citée par les chercheurs qui se penchent sur l’apprentissage du vocabulaire en L2 (Barcroft, 2002 ; Folse, 2006 ; Sagarra et Alba, 2006, etc.) pour étayer leur cadre de recherche et discuter les résultats de leur expérimentation.

En plus du type d’encodage (structurel, phonologique ou sémantique), le niveau de traitement est étroitement lié à l’effort mental du traitement et à l’effet de la génération. Purdy et al. (2001) expliquent que le niveau du traitement varie en fonction de la quantité d’effort mental. Le traitement sémantique exige plus d’effort mental que le traitement non

sémantique. Puis, comme dans l’étude de Slamecka et Graf (1978) et l’étude de Barcroft (2007) que nous avons recensées, les participants de la condition expérimentale avaient pour tâche de générer les mots cibles à partir des associations. Ces tâches exigeaient plus d’effort que la tâche de lecture dans le cas de Slamecka et Graf et que le fait de regarder des cartes comprenant l’image et le mot correspondant dans le cas de Barcroft.

Dans le cadre de notre recherche, cette théorie du niveau de traitement est essentielle. Les participants des groupes expérimentaux devaient effectuer l’encodage sémantique pour associer le mot cible et l’indice et, par la suite, récupérer, ou encore générer, les mots cibles à partir des indices. Cette activité exige un traitement plus profond que celle du groupe témoin qui avait pour tâche de copier des phrases pour chaque mot cible.

2.5 Conclusion

Afin de déterminer le cadre conceptuel à l’intérieur duquel nous allions réaliser notre étude, il a fallu nous pencher sur le lexique mental. Ce dernier gère une grande quantité d’informations sur les mots stockés à l’intérieur en les regroupant selon des critères sémantiques en priorité. Pour comprendre la représentation des items dans le lexique mental, nous avons eu recours à deux modèles : le modèle du réseau hiérarchique (Collin et Quillian, 1969) et le modèle de la diffusion de l’activation (Collins et Loftus, 1975). Le premier modèle postule que les mots emmagasinés sont représentés sous forme hiérarchique. Le mot situé à un haut niveau, soit hypéronyme (animal), inclut ses subordonnés (oiseau, poisson etc.) qui englobe, à leur tour, leurs subordonnés (canari, autruche, saumon et requin, etc.). Par ailleurs, l’autre modèle implique la structure des réseaux composé des mots reliés entre eux par une relation sémantique. Lorsque qu’un mot (rouge) est traité, il est activé dans le lexique mental. Cette activation se diffuse par la suite vers d’autres mots (feu, rose, vert, etc.) associés à ce mot premièrement traité. Après avoir expliqué comment les items lexicaux sont représentés dans le lexique mental, nous nous sommes intéressés au concept d’association lexicale, concept incontournable pour notre recherche. Les recherches antérieures ont employé le test d’association lexicale dans le but de comprendre quel mot est associé à tel autre mot dans le lexique mental. Dans le cadre de la présente recherche, il y a deux types de liens majeurs entre les mots, soit l’association syntagmatique et l’association paradigmatique qui sont investiguées. En nous appuyant sur les travaux réalisés dans le cadre

de plusieurs recherches, (Fitzpatrick, 2006 ; Nissen et Henriksen, 2006 ; Wolter, 2001 ; Zareva, 2007), portant sur l’association lexicale en L2, nous établissons que le lien entre le mot stimulus et la réponse peut être paradigmatique quand ces mots appartiennent à la même classe lexicale, plus précisément, possèdent une connexion sémantique, conceptuelle et symbolique. Par ailleurs, si le mot stimulus et la réponse n’appartiennent pas à la même classe lexicale, leur relation s’avère en principe syntagmatique. Deux noms peuvent l’être également s’ils peuvent exister en collocation (voir Tableau VI, p. 29). Ces deux types d’associations font souvent l’objet de discussions dans les recherches dans la mesure où il serait important de saisir quel type serait prépondérant au fil de l’acquisition de L2. Dans le cadre de l’acquisition lexicale en L1, les enfants commencent à constituer les liens syntagmatiques, mais au fur et à mesure que leur lexique se développe, les connexions paradigmatiques deviennent de plus en plus prépondérantes.

Quand un apprenant adulte a commencé à apprendre une langue étrangère, il possède déjà un lexique en L1 étoffé et des concepts bien structurés à partir de ses expériences vécues en L1. Wolter (2006) constate que ces réseaux influencent la structuration de ceux en L2 dans l’apprentissage de la langue étrangère. Alors qu’il est relativement facile d’établir les associations paradigmatiques, les connaissances en L1 peuvent provoquer un transfert négatif dans l’établissement des associations syntagmatiques. Wolter souligne qu’il faut une modification conceptuelle. Ce concept très similaire est traité par Pavlenko (2009) sous l’appellation de la reconstruction conceptuelle. Cette dernière, dans le cadre de son modèle hiérarchique modifié (revoir Figure 6, p. 36), consiste à développer une catégorie spécifique en L2 dans le concept. Cette opération s’applique à l’acquisition des mots de « non- équivalence ». Nous sommes conscients qu’il en va de même pour les connexions entre les mots en L2.

Le processus d’association lexicale, c’est-à-dire la recherche d’un item lexical dans la mémoire par l’intermédiaire du mot stimulus, correspond à la récupération, un concept dont nous avons déjà traité. Tel que précisé auparavant, selon Anderson (2009), la récupération désigne le fait de retrouver un item déjà stocké dans la mémoire par le biais d’un ou plusieurs indices. Comme le constate Baddeley (1993), elle est considérée comme une technique mnémonique qui peut favoriser l’apprentissage. Pour déclencher la récupération, il est

essentiel qu’un ou plusieurs indices soient montrés lors de l’encodage avant l’étape de la récupération. Cependant, Anderson constate que leur efficacité dépend de plusieurs conditions, soit la pertinence de l’indice par rapport à l’item, la force du lien entre l’item et l’indice, et la force de l’ancrage de l’item dans la mémoire, etc. Par conséquent, nous sommes conscients que l’indice devrait être présenté en même temps que le mot cible au cours de l’apprentissage du vocabulaire en L2 afin que les deux soient encodés en même temps.

Enfin, la théorie du niveau de traitement pose que le degré de profondeur du traitement des mots cibles détermine leur rétention. Le traitement est profond quand on prête attention au sens des mots cibles, alors que le traitement superficiel consiste à les encoder en s’appuyant sur leur orthographe ou leur prononciation.

Au Chapitre III, nous allons tout d’abord passer en revue les études qui se sont penchées sur l’association lexicale et dont l’objectif était d’examiner comment les réseaux lexicaux sont structurés chez des apprenants intermédiaires ou/et avancés, comparativement à des locuteurs natifs. Puis, nous allons recenser les recherches portant sur l’apprentissage du vocabulaire en relation avec l’association lexicale et la récupération.

CHAPITRE III

Revue des écrits

3.0 Introduction

Dans le chapitre précédent, nous avons présenté les principaux modèles et apporté des précisions quant aux termes permettant de désigner le fonctionnement du lexique mental. Ce dernier est étroitement lié à la notion de récupération, consistant à accéder à une information déjà emmagasinée à l’aide d’un ou de plusieurs indices.

Composé de trois parties, le présent chapitre est dédié à la recension des recherches empiriques pertinentes à la problématique soulevée. Tout d’abord, nous allons passer en revue les études empiriques qui ont tenté de vérifier comment est organisé le lexique mental en L2 comparativement au lexique mental en L1 (3.1). Ensuite, la deuxième partie de ce chapitre portera sur des études concernant la récupération des mots en L1 et en L2, l’apprentissage du vocabulaire en L2 à l’aide de l’association lexicale et l’effet de la récupération sur l’apprentissage du vocabulaire en L2 (3.2). Pour conclure ce chapitre, nous allons dégager les constats importants qui nous ont conduits à poser nos questions de recherche (3.3).