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Cette section est destinée à traiter de la problématique spécifique liée à la possibilité d’exploiter l’association lexicale pour l’apprentissage du vocabulaire en L2. À cette fin, il importe avant tout de rappeler les types de réseaux lexicaux que les apprenants en L2 construisent (1.2.1) dans l’apprentissage du vocabulaire en L2. Ensuite, nous allons nous interroger sur une technique de rétention à l’aide de l’association lexicale, soit la récupération (1.2.2). L’efficacité de cette dernière effectuée au cours de l’apprentissage va être traitée dans la troisième partie (1.2.3).

1.2.1 Construction des réseaux lexicaux chez les apprenants en L2

Les recherches portant sur l’association lexicale ont conduit à un certain nombre de constats témoignant de l’organisation du réseau lexical des apprenants en L2, mais elles ont aussi alimenté la discussion sur l’apprentissage du vocabulaire en L2. En synthétisant les résultats des deux études réalisées par Kikuchi et al. (2001) et Yokokawa et al. (2002) et en s’appuyant sur le travail d’Aichison (2003), Kadota (2003) suppose que la proportion des associations paradigmatiques augmente avec le développement de la taille lexicale en L2. De plus, il avance les deux hypothèses suivantes : 1) au début de l’apprentissage en L2, le réseau du vocabulaire de l’apprenant est organisé de façon syntagmatique et l’organisation devient paradigmatique au fur et à mesure que le lexique en L2 se développe ; 2) les chunks3 et les collocations jouent un rôle significatif dans le développement lexical des apprenants en L2 se situant à un niveau allant de débutant à intermédiaire. Si ses hypothèses sont justes, l’association lexicale, notamment syntagmatique, serait alors susceptible de constituer un moyen d’étayer l’enseignement et l’apprentissage du vocabulaire en L2. Cependant, d’après Ellis (1997), à la différence des enfants, lors de l’acquisition des mots nouveaux en L2, les adultes font appel aux systèmes sémantiques et conceptuels qu’ils avaient constitués en

3 « En anglais, un chunk signifie quelque chose comme un bout, un trognon, un truc, etc., c’est un terme

apprenant leur L1. Suivant ce constat, le potentiel de l’association paradigmatique semble aussi important.

Toutes ces hypothèses nous incitent à nous demander quel type d’association, paradigmatique ou syntagmatique, favoriserait davantage l’apprentissage du vocabulaire en L2 chez des apprenants débutants adultes. Cependant, à notre connaissance, aucune des études récentes (Fitzpatrick, 2006 ; Nissen et Henriksen, 2006 ; Zareva, 2007 ; Zareva, 2011 ; Zareva et Wolter, 2012) n’a été menée auprès d’apprenants adultes de ce niveau, il n’a donc pas été possible de vérifier de quelle façon ces derniers établissaient l’association lexicale et si leur façon de faire était analogue à celle des enfants.

1.2.2 Association lexicale pour la récupération des mots

La plupart des recherches portant sur le vocabulaire en L2 ont employé l’association lexicale pour mesurer la connaissance lexicale, mais peu de recherches ont tenté de vérifier l’impact de l’utilisation de l’association lexicale comme moyen pour soutenir la mémorisation des mots cibles en L2. Pourtant, dans le domaine de la psychologie en L1, l’association lexicale est employée dans l’étude de Slamecka et Graf (1978) pour vérifier l’effet de la récupération sur la rétention des mots en L1. Dans leur étude, les participants de la condition d’apprentissage des paires associatives se sont entraînés à récupérer ou bien à générer le mot cible à l’aide du mot qui s’y associe de façon sémantique en tant que paire. Par conséquent, ils ont retenu plus de mots cibles que d’autres participants de l’autre condition dans laquelle ces derniers n’ont fait que lire le mot cible et sa paire. D’ailleurs, le niveau de confiance en termes de réponses était plus élevé chez les premiers que chez les derniers.

Quant à la récupération au moyen des associations lexicales en L2, il existe quelques études récentes (Kasahara, 2010 ; 2011 ; Nakagawa, 2008), réalisées auprès d’apprenants japonais de l’anglais au Japon. En tenant compte des résultats émanant des recherches portant sur l’association lexicale en L2 (Shimamoto, 2005 ; Wolter, 2001), Nakagawa (2008) a mené deux expériences intéressantes. Dans la première, elle a donné une tâche à ses participants afin de mesurer la puissance de trois associations, syntagmatique, paradigmatique et phonologique. Par la suite, elle a examiné quelle association était efficace en tant qu’indice pour récupérer les mots tant familiers que nouveaux en L2. D’après la chercheure,

l'association phonologique, représentant une relation des mots similaires au niveau de la forme, s’est avérée efficace pour récupérer la forme des mots familiers ou nouveaux en L2. Néanmoins, tel que le mentionne la chercheure, ce type d’association peut inhiber l'activation d’autres réseaux lexicaux dans le lexique mental, notamment les associations de type syntagmatique ou paradigmatique.

Par ailleurs, Kasahara (2010 ; 2011) a exploré dans ses deux études l'effet de l'apprentissage des collocations en L2 constituées de mots nouveaux et de mots familiers sur la récupération, comparativement à l’apprentissage des mots seuls. Il a démontré qu’apprendre des mots nouveaux en les combinant avec des mots familiers peut aider à la rétention de ces mots nouveaux dans le lexique mental. En effet, les participants ayant appris des mots cibles en collocation en ont récupéré un certain nombre plus facilement que ceux qui ont appris des mots cibles présentés en isolation.

Ces trois recherches mettent en évidence l’utilité des d'associations lexicales pour la récupération des mots en L2. Toutefois, en examinant de plus près l’étude de Nakagawa (2008), nous avons constaté que ses analyses semblaient centrées notamment sur les indices phonologique et paradigmatique. Dans les deux autres études évoquées précédemment, Kasahara (2010 ; 2011) a comparé l’apprentissage des collocations, caractérisées par l’association syntagmatique, avec l’apprentissage des mots seuls, c’est-à-dire sans aucune association. Pour ces raisons, nous estimons qu’aucune de ces trois études n’a fait une comparaison entre le recours à des indices paradigmatiques ou à celui d’indices syntagmatiques pour apprendre le vocabulaire.

1.2.3 Récupération au cours de l’apprentissage du vocabulaire en L2

Barcroft (2007) a investigué l’effet de la récupération au cours de l’apprentissage du vocabulaire en L2 à l’aide de cartes-éclair sur la rétention. Citant Roediger et Guynn, (1996), il définit la récupération de la manière suivante : accès à l’information emmagasinée (p. 196, notre traduction). Barcroft (2007) a créé une condition d’apprentissage exigeant la récupération en montrant aux participants l’image à partir de laquelle ils devaient deviner le mot cible correspondant. La comparaison de cette condition d’apprentissage avec celle qui

n’exigeait pas la récupération a révélé que la rétention des participants ayant appris dans la condition axée sur la récupération était meilleure que dans la condition sans récupération. Il existe également une autre étude qui a traité de la récupération et qui est parvenue à des résultats soulignant son importance. Folse (2006) a comparé trois types de tâches : un exercice à trou pour chaque mot cible, trois exercices à trou différents pour chaque mot cible et l’écriture d’une phrase originale à partir d’un mot cible. D’après cette chercheure, les deux premières tâches exigent que les participants récupèrent les mots en ayant recours au contexte pour accéder au mot cible en L2 alors que le fait d’écrire une phrase originale n’entraîne pas la récupération, mais requiert un traitement approfondi. Les résultats ont montré qu’effectuer trois exercices à trou différents avait l’effet le plus avantageux sur la rétention des mots cibles dans la mesure où l’exercice à trou peut engendrer la récupération. Bien que l’effet de l’exercice à trou unique sur la rétention des mots fût aussi bénéfique que l’écriture d’une phrase originale, cette première tâche prend trois fois moins de temps que la dernière, selon Folse (2006).

Les deux études mentionnées ci-dessus font entrevoir le rôle important de la récupération des mots cibles effectuée durant l’apprentissage du vocabulaire en L2. En nous appuyant sur leurs résultats, nous nous interrogeons sur la pertinence de procurer, au cours de l’apprentissage du vocabulaire en L2, une tâche de récupération des mots cibles à partir d’autres mots qui leur sont associés. Comme dans l’étude de Slamecka et Graf (1978), que nous avons présentée précédemment, les participants anglophones étaient encouragés à récupérer les mots cibles en anglais (L1), évidemment dans le but de les mémoriser, à l’aide des mots stimuli qui leur étaient associés. Cependant, nous sommes conscients que la récupération effectuée à l’aide des associations lexicales afin d’apprendre les mots cibles en L2 est une branche inexplorée dans le domaine de l’apprentissage du vocabulaire en L2. Quant aux études de Nakagawa (2008) et Kasahara (2010 ; 2011), que nous avons mentionnées plus haut, les participants ont certes récupéré les mots cibles en L2, mais dans la phase de la mesure.

1.2.4 Conclusion

En fin de compte, les études portant sur la récupération nous permettent de constater que l’association lexicale est applicable à l’apprentissage du vocabulaire en L2. Cependant, le nombre d’études examinant son efficacité pour favoriser la rétention et l’apprentissage du vocabulaire en L2 est très limité. Notamment, à notre connaissance, aucune recherche n’a abordé une analyse comparative entre deux types d’associations lexicales, syntagmatique et paradigmatique, au niveau de leur effet sur l’apprentissage du vocabulaire en L2. De plus, les participants de Nakagawa (2008) ainsi que de Kasahara (2010 ; 2011) n’ont pas été conditionnés à récupérer les mots cibles au cours de l’apprentissage.

Par ailleurs, les résultats découlant des recherches se penchant sur l’association lexicale ne semblent pas encore concluants pour savoir quel type de réseau lexical, syntagmatique ou paradigmatique, les apprenants adultes constituent vers le début de l’apprentissage d’une L2. Si les apprenants aux premières étapes ont tendance à constituer le réseau lexical de façon syntagmatique comme l’avance Kadota (2003), l’apprentissage axé sur l’association syntagmatique semblerait plus efficace que celui qui le serait sur l’association paradigmatique. Cependant, comme le constate Ellis (1997), l’acquisition lexicale chez les apprenants adultes en L2 repose sur les réseaux conceptuels et sémantiques déjà développés en L1. Ces propos nous conduisent à croire que le rôle de l’association paradigmatique est aussi significatif dans le processus d’acquisition. Mener une étude afin de déterminer quel type d’association soutient le mieux la récupération et donc l’apprentissage permettrait de faire la lumière sur le rôle des associations lexicales dans le développement du réseau lexical en L2 chez les apprenants se situant aux premières étapes de l’apprentissage en L2.