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3.2 Études portant sur la récupération des mots et l’apprentissage

3.2.2 Apprentissage des mots en L2 à l’aide d’autres mots associés

Cette partie sera consacrée à la recension de trois études, soit celles de Webb (2007) et de Kasahara (2010 ; 2011).

D’abord, Webb (2007) a exploré l’effet du synonyme présenté avec le mot cible sur son acquisition. Le synonyme fait partie de l’association paradigmatique. Puis, les deux autres études ont été menées par Kasahara (2010 ; 2011) afin d’examiner l’efficacité de l’apprentissage par collocation pour la récupération et la rétention des mots peu familiers. Comme nous en avons déjà fait part dans le chapitre 2, la collocation est une caractéristique de l’association syntagmatique. Dans le cadre de ces études, les collocations (ex. business

acumen) étaient composées de deux mots, dont l’un était familier (ex. business) et l’autre le

mot cible (ex. acumen), peu familier pour les apprenants. Le mot familier a quasiment servi d’indice pour récupérer le mot cible.

L’étude de Webb (2007) avait pour objectif de répondre aux deux questions suivantes : 1. Pour les apprenants, les mots accompagnés de leur synonyme familier sont-ils plus

faciles à apprendre que ceux qui ne sont pas présentés avec leurs synonymes? 2. Comment les synonymes familiers influencent-ils différents aspects de la

connaissance lexicale?

84 étudiants japonais apprenant l’anglais ont participé à son étude. Ils ont été assignés à l’une ou l’autre des deux conditions d’apprentissage : a) pour chaque mot cible, sa traduction en L1 et une phrase à lire comprenant ce mot cible étaient présentées ; b) seule la traduction en L1 était fournie. Le chercheur a préparé 20 mots fictifs, dont seulement la moitié était accompagnée de leur synonyme de haute fréquence.

L’étude de Webb est unique dans la mesure où il a administré 10 types de post tests mesurant cinq aspects productifs et cinq réceptifs de la connaissance lexicale : l’orthographe, l’association paradigmatique, l’association syntagmatique, l’association entre la forme et le sens et les fonctions grammaticales. En voici la liste :

Tableau XXI Dix tests administrés par Webb (2007, notre traduction)

Test Description

1. Connaissance productive de l’orthographe

Écrire les mots cibles prononcés. 2. Connaissance réceptive de

l’orthographe

Choisir un mot dont l’orthographe est correcte parmi quatre choix.

3. Connaissance productive de

l’association entre la forme et le sens Traduire en L2 un mot présenté en L1. 4. Connaissance productive des

fonctions grammaticales Écrire une phrase par mot cible. 5. Connaissance productive de

l’association syntagmatique

Écrire une association syntagmatique pour un mot cible.

6. Connaissance productive de

l’association paradigmatique Écrire une association paradigmatique pour un mot cible. 7. Connaissance réceptive des

fonctions grammaticales Choisir une phrase correcte parmi trois dans lesquelles se trouve le mot cible. 8. Connaissance réceptive de

l’association syntagmatique

Choisir un mot, parmi quatre, associé au mot cible de façon syntagmatique. 9. Connaissance réceptive de

l’association paradigmatique Choisir un mot, parmi quatre, associé au mot cible de façon paradigmatique. 10. Connaissance réceptive de

l’association entre la forme et le sens Traduire en L1 un mot présenté en L2. En ce qui concerne les résultats, l’analyse de Webb n’a pas révélé de différence significative entre les deux conditions d’apprentissage, mais entre deux facteurs à l’intérieur du groupe, soit les mots cibles appris avec leur synonyme et ceux appris sans leur synonyme. Notamment, le score pour les mots cibles avec leur synonyme était plus élevé que celui pour les mots sans synonyme dans les trois mesures suivantes : connaissance réceptive de l’orthographe, connaissance productive de l’association syntagmatique et connaissance productive de l’association paradigmatique. Ces résultats ont indiqué que le synonyme de haute fréquence serait efficace pour l’apprentissage du vocabulaire en L2. Webb trouve assez naturel le score élevé au test de la connaissance productive de l’association paradigmatique, car le synonyme fait partie de l’association paradigmatique. Cependant, il a fallu au chercheur trouver pour quelle raison le score au test de la connaissance productive de l’association syntagmatique était si élevé par rapport au score pour les mots cibles sans synonymes. Selon son analyse, la

présentation des synonymes a permis aux apprenants de transférer les connaissances sur ces synonymes de haute fréquence lors de l’apprentissage des mots cibles.

Son étude indique également l’importance de mesurer divers aspects de la connaissance lexicale. La plupart des études portant sur l’apprentissage du vocabulaire en L2 n’ont mesuré qu’un seul aspect, notamment la connaissance forme-sens. Cependant, les résultats découlant de son étude ont révélé que le synonyme pouvait influencer l’acquisition des connaissances sur l’association syntagmatique et les fonctions grammaticales. Webb préconise par conséquent de bien réfléchir sur les aspects de la connaissance lexicale qui seraient influencés par les méthodes d’apprentissage appliquées.

Alors que Webb a montré l’efficacité d’apprendre les mots cibles avec leur synonyme, soit en ayant recours à l’association paradigmatique, dans les deux études que nous allons passer en revue, Kasahara (2010 ; 2011) a examiné l’effet des mots familiers présentés avec les mots cibles sous forme de collocation, soit à l’aide de l’association syntagmatique.

Les résultats obtenus par les études telles que réalisées par Higham et Tam (2005) et Nakagawa (2008) etc., avaient permis de constater que l’indice, encodé avec le mot cible, facilite la récupération de ce dernier. D’ailleurs, s’appuyant sur les études conduites par Ishizuka (2005) et Laufer et Girsai (2008), Kasahara (2010) a fait l’hypothèse qu’il serait efficace d’apprendre les mots nouveaux avec d’autres mots familiers en collocation. Si ce chercheur s’intéresse à la collocation dans le cadre de sa recherche, c’est que « ce genre d’associations est un des liens les plus puissants et les plus importants dans les réseaux lexicaux (Aitchison, 2003) et, qu’il est plus facile de trouver des collocations que d’autres liens tels que le cohyponyme (sel – poivre), l’hyperonyme (insecte – papillon) et le synonyme (être affamé – avoir faim) en termes de combinaison de mots : un mot connu et un mot inconnu » (p. 93, notre traduction).

Donc, Kasahara (2010) a comparé l'apprentissage par collocation avec l'apprentissage par association de paires dans le but de confirmer les hypothèses suivantes :

1. Les collocations composées de deux mots sont plus bénéfiques que les mots cibles présentés en isolation pour la rétention de leur sens.

2. Sans indice, les mots encodés en isolation seraient mieux récupérés que les mots encodés en collocation.

3. Avec un indice, les mots appris en collocation seraient mieux récupérés que les mots appris en isolation.

39 lycéens japonais apprenant l’anglais, ont appris dix mots simples et dix autres mots en collocation avec un autre mot familier figurant sur une liste. En ce qui a trait au traitement, les participants ont d’abord reçu la liste et l’explication sur la prononciation des mots de la liste. Ensuite, ils se sont exercés à mémoriser les 20 items avec leur traduction en japonais pendant cinq minutes.

Après l'étape de l'apprentissage, Kasahara a administré deux types de mesures, consistant à traduire les mots cibles en japonais, au post test immédiat et au post test différé. D’une part, dans le test 1, appelé « rappel sans indices » (notre traduction), tous les 20 mots cibles étaient présentés isolément. D’autre part, dans le test 2, intitulé « rappel avec les indices » (notre traduction), les 10 mots cibles appris en isolation et les 10 mots en collocation étaient présentés comme dans la phase de l’apprentissage. Dans les deux tests, les items étaient distribués au hasard pour éviter l’effet de l’ordre. Les participants ont été soumis aux deux mêmes tests comme test différé une semaine après les post tests immédiats.

Kasahara a premièrement effectué une analyse de variance à deux critères de classification pour déterminer la durabilité de la rétention des mots cibles appris en isolation et en collocation. L’analyse a révélé une interaction significative entre le type d’item et le temps dans le test 1 et le test 2. Ce résultat signifie que le déclin de la mémoire lors de la traduction des mots appris en isolation s'est avéré plus important que celui de la mémoire des mots appris en collocation dans les deux tests. En d’autres mots, la rétention des mots cibles appris en collocation s’est avérée plus durable que celle des autres mots.

Le chercheur a ensuite appliqué le test t pour comparer la rétention des mots appris en isolation avec celle des mots appris en collocation dans les types de rappels (sans indices et avec des indices) au post test immédiats et différés. Concernant les résultats du test 1 (rappel sans indices), le test t a révélé que les participants se sont rappelé significativement mieux la

traduction en japonais des mots cibles qu’ils avaient appris en isolation (13,72 sur 20,00) que celle des mots cibles appris en collocation (8,77 sur 20,00) au post test immédiat. Au post test différé, cette différence significative s’est maintenue (mots appris en isolation : 4,79 sur 20,00 contre 3,28 sur 20,00 en collocation). Kasahara interprète ce résultat de la façon suivante : en général, les participants se rappellent mieux lorsque les items sont présentés dans la même condition que lors de la phase d’encodage. En effet, concernant les résultats découlant du test 2 (rappel avec des indices), les participants ont pu cette fois-ci se rappeler significativement plus de mots appris en collocation (16,90 sur 20,00) que de mots appris en isolation (14,46 sur 20,00) au post test immédiat. Le score pour les mots appris en collocation est demeuré plus élevé (10,74 sur 20,00) que le score obtenu pour les mots appris en isolation (6,05 sur 20,00).

Pour résumer, tous ces résultats ont permis à Kasahara de confirmer les trois hypothèses. Selon lui, la présentation d’un mot cible en collocation avec un autre mot existant déjà dans le lexique mental aide les apprenants à établir la connexion entre les deux mots. Cette dernière faciliterait, à son tour, l’intégration du mot cible dans leur mémoire à court terme et ensuite dans leur mémoire à long terme. Par conséquent, il a conclu que présenter les mots nouveaux avec d’autres mots familiers peut être une technique efficace pour l’apprentissage du vocabulaire en L2 pour les apprenants qui possèdent déjà le lexique fondamental composé de mots les plus fréquents.

À la suite de ces résultats, Kasahara (2011) a mené une autre étude ayant pour objectif de vérifier si la combinaison d’un mot cible avec un mot familier permettrait aux apprenants de retenir et de récupérer le sens du mot cible.

66 étudiants japonais apprenant l’anglais ont participé à son étude. Kasahara a utilisé les mêmes 20 mots cibles que dans son étude précédente. Cependant, cette fois-ci, il a formé deux groupes en fonction de deux manières différentes de présenter les mots cibles. Le groupe 1 (n=33) a reçu les mots cibles présentés avec d’autres mots familiers en collocation alors que les mêmes mots cibles ont été fournis en isolation au groupe 2 (n=33). Kasahara a avancé les deux hypothèses suivantes :

1. L’apprentissage des mots cibles sous forme de collocation avec d’autres mots familiers améliore davantage leur rétention que l’apprentissage des mots cibles isolés. 2. L’apprentissage des mots cibles sous forme de collocation avec d’autres mots

familiers améliore davantage leur récupération que l’apprentissage des mots cible isolés.

La récupération a été mesurée par les tests immédiats de traduction des mots cibles après la phase de l’encodage. Les participants du groupe 1 devaient écrire la traduction des collocations en japonais tandis qu’il était suffisant pour ceux du groupe 2 de traduire les mots cibles en isolation. Les participants ont subi les post tests différés au bout d’une semaine. Concernant les résultats, les participants du groupe 1 étaient capables de traduire plus d’items que le groupe 2 dans le test immédiat (31,97 contre 23,97) et différé (19,33 contre 4,79). Cette différence était significative. Quant au groupe 2, Kasahara a observé une chute brutale de scores entre le test immédiat et le test différé comme dans son étude de 2010.

À la suite de ses deux études, Kasahara a été en mesure de confirmer que le mot familier utilisé dans la collocation a servi d’indice utile pour récupérer et retenir la traduction du mot cible dans le lexique mental des apprenants quand ces deux mots avaient été encodés ensemble. Leur rétention était d’ailleurs plus durable que celle des mots encodés en isolation. Kasahara fournit une représentation de son interprétation du mécanisme de l'encodage et de la récupération des collocations à l’aide de la Figure 9. Nous la reproduisons ci-dessous.

Figure 9 : Processus de l’encodage et de la récupération (tiré de Kasahara, 2011, p. 497, notre traduction)

acumen business business acumen E-2 E-1 E-3 acumen business business acumen R-1 R-2 R-3 Phase de l’encodage (E)

Phase de la récupération (R)

Lorsqu’un apprenant cherche à mémoriser le mot cible (acumen) en collocation (business

acumen) dans la phase de l’encodage (E), le mot familier (business) est d’abord activé dans

le lexique mental (E-1) et ensuite le mot cible "acumen" est traité (E-2). Enfin, le lien entre ces deux mots est formé dans le lexique mental (E-3). Lors de la récupération (R) de l’équivalence en L1 du mot cible, il revoit la même collocation (R-1). À ce moment-là, l'indice est activé dans le lexique mental. Tout de suite après, cette activation diffuse la connexion avec le mot cible (R-2). L'apprenant peut ainsi récupérer le sens du mot cible (R- 3). Tous ces processus permettent de renforcer la connexion entre l'indice et le mot cible et donc la rétention.

3.2.3 Récupération effectuée au cours de l’apprentissage du vocabulaire en L2