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3.1 Études portant sur l’association lexicale en L2

3.1.3 Associations analysées à l’aide des catégorisations détaillées

Comme nous le signalions en amont, la plupart des chercheurs ont en général adopté trois catégories pour analyser les associations produites par les participants. En revenant cependant à la méthodologie de Yokokawa et al. (2002), la catégorisation adoptée par les chercheurs a permis à ces derniers d’analyser les associations paradigmatiques en détail (voir Tableau IX, p. 63). La catégorisation utilisée par Fitzpatrick (2006) est aussi détaillée et donc susceptible de déterminer plus précisément les types d’associations que les autres études que nous avons présentées dans les deux dernières sections.

Fitzpatrick s’était fixé pour son étude les quatre objectifs suivants : 1) Comparer les modèles associatifs des locuteurs natifs à ceux des locuteurs non natifs à l’aide de la nouvelle méthode de catégorisation ; 2) Évaluer la validité de cette catégorisation ; 3) Identifier la différence précise entre les locuteurs natifs et les locuteurs non natifs en adoptant de nouvelles catégories ; 4) Déterminer la différence précise entre les locuteurs natifs compétents et moins compétents à l’aide des nouvelles catégories.

Fitzpatrick a examiné les réponses au test d’association lexicale en anglais, données par des locuteurs non natifs de différentes langues maternelles (n=40), apprenant l’anglais, dont le niveau était estimé aussi ou plus élevé que l’IELTS 5.5 (= niveau avancé), en comparaison avec celles données par les locuteurs natifs (n=40). Les mots stimuli étaient au nombre de 60,

provenant de différentes classes lexicales : le nom (n=30), l’adjectif (n=13), le verbe (n=9) et l’adverbe (n=1), etc.

Comme dans l’étude de Kikuchi et al. (2001), Fitzpatrick a mesuré la taille lexicale des locuteurs non natifs à l’aide de l’Eurocentres Vocabulary Size Test (Meara et Jones, 1990). Tous les participants ont exécuté la tâche de l’association et ils disposaient d’autant de temps qu’ils le désiraient pour accomplir la tâche. Le chercheur a réalisé auprès de tous les participants une entrevue dans laquelle ils ont eu à justifier le choix de chaque réponse. En ce qui concerne la catégorisation des réponses, comme nous l’avons déjà exposé dans le cadre conceptuel (voir Tableau III, p. 26), Fitzpatrick (2006) a tenu compte du modèle de Nation (2001) représentant la connaissance lexicale aux multiples facettes. Ce chercheur a fixé trois catégories pour distinguer les types d’associations : l’association basée sur le sens, correspondant à l’association paradigmatique, celle basée sur la position, correspondant à l’association syntagmatique et celle basée sur la forme, correspondant à l’association phonologique. À la différence d’autres études portant sur l’association lexicale, Fitzpatrick a encore divisé ces trois catégories en sous-catégories. Pour s’assurer du triage des réponses en fonction de ces sous-catégories, il a fait appel aux témoignages obtenus au cours des entrevues. De cette façon, sa méthode de catégorisation lui a permis d’analyser le comportement associatif des deux types de locuteurs plus minutieusement que les autres études ont pu le faire.

Sur le plan global, les deux groupes ont montré une grande préférence pour l’association basée sur le sens. Puis, le nombre d’associations produites par les locuteurs natifs était deux fois plus grand que celui des associations produites par les locuteurs non natifs.

En regardant à l’intérieur de la catégorie basée sur le sens, la production des locuteurs natifs était concentrée dans la sous-catégorie de synonyme absolu (defining synonyme). En revanche, les locuteurs non natifs ont produit plus de réponses classées dans la sous-catégorie d’association contextuelle (context association : lecture – university) et deux fois plus de réponses dans la sous-catégorie d’association conceptuelle (conceptual association : visual

– colour) que les locuteurs natifs. Fitzpatrick constate que les associations de cette dernière

absolu. Par ailleurs, concernant la catégorie basée sur la position, Fitzpatrick a observé que le nombre de réponses était plus élevé chez les locuteurs natifs que chez les locuteurs non natifs pour toutes les sous-catégories. Notamment, la différence dans les sous-catégories de collocation syntagmatique xy (consecutive xy collocation) et de collocation syntagmatique yx (consecutive yx collocation) était considérable.

Ainsi Fitzpatrick a-t-il mis en lumière la différence entre les locuteurs natifs et les locuteurs non natifs en termes de leurs préférences associatives minutieuses. Mais comment expliquer cette différence? Si les locuteurs non natifs avaient produit significativement moins de synonymes et moins de collocations que les locuteurs natifs, serait-ce parce que les locuteurs non natifs n’en étaient pas capables ou encore n’en avait pas envie? Fitzpatrick explique que son étude n’a pas permis de répondre à cette question. Cependant, en observant les associations produites par les locuteurs natifs, Fitzpatrick a constaté que celles-ci semblaient plus ou moins familières pour les locuteurs non natifs, suggérant que ces derniers possèdent sans doute des connexions lexicales faibles pour les collocations dans leur lexique mental. De même, le chercheur a trouvé une tendance de ces derniers à produire des associations basées sur le sens avec les mots de basse fréquence comparativement à celles produites par les locuteurs natifs. Fitzpatrick en a déduit que ces différences entre les locuteurs natifs et les locuteurs non natifs au niveau du comportement associatif ne s’expliquent pas par le manque de vocabulaire des locuteurs non natifs mais par l’existence et la puissance des liens dans leur lexique mental.

Enfin, les locuteurs non natifs ont produit 204 associations sur 314 basées sur la forme, dont la plupart était classée dans la sous-catégorie de similarité seulement dans la forme (similar

in form only : undertaken – undertaker ; eradicate – estimate, etc.). Le reste des associations

occupait la sous-catégorie d’association de forme similaire (similar form association). Fitzpatrick explique que ce type d’association se caractérise par la « double association » (p. 134, notre traduction) qui suggère que la réponse est sémantiquement liée à un mot similaire au mot stimulus. À titre d’exemple, le participant qui a produit l’association undertaken –

funeral a accédé à « funeral (enterrement) » par le biais d’un lien « invisible » de

« undertaker (entrepreneur de pompes funèbres) » qui ressemblait au mot stimulus « undertaken (enterrement) ».

Mot stimulus  Lien « invisible »  Réponse undertaken (entrepris) undertaker (entrepreneur de pompes funèbre) funeral (enterrement)

Par ailleurs, Fitzpatrick a analysé la corrélation entre les réponses et la taille lexicale des locuteurs non natifs. Au niveau des trois catégories majeures, il n’y avait pas trouvé une relation systématique. Cependant, en termes de sous-catégories, le chercheur a trouvé une corrélation positive et significative entre le nombre de réponses classé dans la collocation syntagmatique xy (phrasal xy collocation) et la taille lexicale des locuteurs non natifs, indiquant que ceux de la taille lexicale plus riche avaient tendance à produire ce type de collocation que ceux de la taille lexicale moins riche. La corrélation négative en termes de sous-catégorie d’association de la forme similaire (similar form associate) s’est avérée significative. C’est-à-dire que les locuteurs non natifs de la taille lexicale plus abondante tendaient à produire moins de réponses qui ressemblent aux mots stimuli en termes de forme que ceux de la taille lexicale moins abondante.