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6.1 Discussion des résultats

6.1.2 Efficacité du type d’association, paradigmatique ou syntagmatique,

La présente section concerne la deuxième question de recherche : « Quel type d’association

lexicale, syntagmatique ou paradigmatique, serait le plus efficace pour la récupération ainsi que pour l’apprentissage du vocabulaire en L2 chez des apprenants aux premières étapes de l’apprentissage du français ? »

Pour répondre à cette question, il est essentiel de prendre en compte le modèle de la diffusion de l’activation (Collins et Loftus, 1975, voir Figure 2, p. 22). Le processus de la récupération des mots peut être décrit à l’aide de ce modèle. En effet, lorsque l’apprenant cherche à récupérer un mot cible à partir d’un indice, le concept sous-jacent est traité et activé dans son lexique mental. Cette activation se répand vers d’autres mots pour lesquels le lien est sémantiquement fort. De cette façon, le mot cible est activé et donc récupéré. L’accessibilité à un mot cible est déterminée par la force relative des connexions entre ce dernier et d’autres mots. Selon Bogaards (1994, p. 77), « se servir de connaissances, (…) c’est activer un réseau de connexions existantes ». Dans le cadre de notre expérimentation, les participants des groupes expérimentaux ont cherché à apprendre les mots cibles tout en les reliant aux indices paradigmatiques ou syntagmatiques dans la première phase. Puis, dans la phase suivante, ils ont essayé de se rappeler les mots cibles en activant des connexions établies à partir des indices. La récupération s’est ainsi produite à ce moment-là. La réussite à cette tâche dépendrait du type de connexion, paradigmatique ou syntagmatique, pouvant être activé plus solidement.

Au Chapitre III, nous avons recensé les études portant sur l’association lexicale en L2 et sur la récupération des mots en L2, soit celles de Kikuchi et al. (2001), de Yokokawa et al. (2002), de de Zareva (2007) et de Zareva et Wolter (2012), de Fitzpatrick (2006), de Wolter (2001), de Nessen et Henriksen (2006), de Zareva (2011) et de Nakagawa (2008). Nous allons donc confronter les résultats de notre étude à ceux obtenus par ces chercheurs.

En premier lieu, les résultats obtenus dans les recherches réalisées par Kikuchi et al. (2001), Yokokawa et al. (2002), Zareva (2007) et Zareva et Wolter (2012) ont indiqué que les réseaux paradigmatiques étaient solides et avaient tendance à être activés en priorité au fil du

Fitzpatrick (2006) ont révélé la présence d’un grand nombre d’associations basées sur le sens (correspondant à l’association paradigmatique) chez les locuteurs natifs et les apprenants du niveau avancé mais aussi l’existence d’une corrélation positive entre le nombre d’associations basées sur la position (correspondant à l’association syntagmatique) et la taille lexicale des apprenants. Leur production des associations basées sur la position augmente à mesure que leur taille lexicale s’accroît. Par ailleurs, le résultat de l’étude de Wolter (2001) a montré la préférence de l’association syntagmatique chez les apprenants du niveau avancé et, par la suite, constaté que l’association syntagmatique joue un rôle important lors de l’organisation du lexique mental des apprenants de L2. Pour résumer, le constat découlant de la plupart des études recensées (Kikuchi et al., 2001 ; Yokokawa et al., 2002 ; Zareva, 2007 ; Zareva et Wolter, 2012) signifierait que les réseaux syntagmatiques s’activent plus facilement lorsque les apprenants en L2, comme les participants de notre étude, se situent aux étapes initiales de l’apprentissage. Cependant, la corrélation entre le nombre d’association syntagmatique et la taille lexicale qu’a observée Fitzpatrick (2006) nous amène à avancer que les apprenants en L2 de ce niveau dont la taille lexicale est restreinte ont peu de connexions syntagmatiques.

En troisième lieu, selon Nissen et Henriksen (2006) et Zareva (2011), les apprenants en L2 ont tendance à associer des noms à d’autres noms (ex. guépard – chat), alors que les apprenants en L2 tendent à produire des associations syntagmatiques lorsque des adjectifs ou des verbes sont présentés en tant que stimuli. En quatrième lieu, les résultats de l’étude de Nakagawa (2008) ont permis à la chercheure d’entrevoir l’efficacité de l’association paradigmatique pour la récupération des mots en L2 par rapport à l’association syntagmatique, même si elle n’a pas obtenu de différence significative entre ces deux types d’associations. En somme, les mots, qu’ils soient des noms, des adjectifs ou des verbes, tendent à être associés à des noms. Comme les mots cibles employés dans notre expérimentation étaient tous des noms, nos résultats révèleront à quel type de mots ils se connectent plus solidement. Si l’association paradigmatique permet aux participants à notre expérimentation de récupérer plus de mots cibles que l’association syntagmatique comme le résultat de Nakagawa (2008), les mots cibles (noms) s’apprennent avec d’autres noms.

Dans notre expérimentation, les résultats révèlent que le groupe paradigmatique a récupéré significativement plus de mots cibles que le groupe syntagmatique (voir Tableau XXXVIII, p. 148). En d’autres termes, l’association paradigmatique a facilité davantage la récupération des mots en L2 que l’association syntagmatique.

Si nous comparons maintenant nos résultats avec ceux des études réalisées par Kikuchi et al. (2001), Yokokawa et al. (2002), Zareva (2007) et Zareva et Wolter (2012), nos résultats ne vont pas dans la même direction que les leurs. En effet, nos résultats ont montré qu’il était plus facile même pour les apprenants se trouvant aux premiers stades de l’apprentissage de construire une connexion paradigmatique qu’une connexion syntagmatique. Nous nous devons cependant de cerner la raison pour laquelle le groupe syntagmatique n’a pas réussi à récupérer autant de mots cibles que le groupe paradigmatique. Selon Fitzpatrick (2006), les apprenants même de niveau avancé détiennent des connexions faibles pour les collocations dans leur lexique mental et, pour cette raison, ils avaient de la difficulté à récupérer les mots cibles à l’aide des associations syntagmatiques. Il semble que ce soit ce qui s’est produit chez les participants de notre expérimentation. Par ailleurs, nos résultats corroborent en partie ceux des études de Nakagawa (2008), dans la mesure où l’association paradigmatique était plus efficace que l’association syntagmatique pour récupérer des mots cibles, sauf que les participants de son étude n’étaient pas débutants.

Enfin, comme les mots cibles de notre étude étaient tous des noms, nos résultats sont comparables à ceux des recherches de Nissen et Henriksen (2006) et de Zareva (2011). Ces chercheurs ont montré que les apprenants associent le plus souvent des noms à d’autres noms (association paradigmatique) et génèrent des associations syntagmatiques lorsque des adjectifs ou des verbes sont présentés en tant que stimuli. En d’autres termes, ces mots sont associés à des noms dans le lexique mental des apprenants (ex. guépard – rapide / courir). Le constat que nous sommes en mesure de faire en fonction de nos résultats semble correspondre à celui qu’avaient fait ces chercheurs. Dans notre recherche, le groupe syntagmatique a reçu des verbes et des adjectifs comme indices. Cependant, les mots cibles (noms) n’ont pas été mieux appris avec ces indices qu’avec ceux destinés au groupe paradigmatique, soit les noms. Il en ressort que les participants de notre étude, débutants en L2, ont eu du mal à avoir recours aux associations syntagmatiques lors de l’apprentissage des mots en L2. Ce constat est

d’ailleurs lié à celui fait par Fitzpatrick (2006) qui a observé, comme nous l’avons déjà signalé, le manque de connexions collocationnelles chez les apprenants en L2.

En fin de compte, les résultats de la tâche de récupération nous ont permis de constater, en tant que réponse à la deuxième question de recherche, que l’association paradigmatique est plus efficace chez les apprenants débutants pour la récupération des mots cibles que l’association syntagmatique. Selon le modèle de la diffusion de l’activation (Collins et Loftus, 1975), les réseaux paradigmatiques s’activent plus fortement que les réseaux syntagmatiques, favorisant aussi l’accès au mot cible à récupérer. Les mots cibles, étant tous des noms, ont été mieux appris avec d’autres mots qu’avec les verbes et les adjectifs, ce qui s’explique par le manque de connexions syntagmatiques chez les apprenants débutants.

6.1.3 Efficacité de la récupération basée sur l’association paradigmatique