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La théorie institutionnelle des organisations et le déterminisme stratégique

SECTION 4 O RIENTATION METHODOLOGIQUE

1.3.2 Entre l’approche déterministe et volontariste des choix stratégiques

1.3.2.1 La théorie institutionnelle des organisations et le déterminisme stratégique

primordial dans les choix stratégiques de l’entreprise. Ce rôle est notamment souligné par plusieurs auteurs, comme ceux de la théorie de la contingence (Chandler, 1962 ; Thompson, 1967 ; Lawrence et Lorsch, 1967), de la théorie institutionnelle (DiMaggio et Powell, 1983, 1991) et de l’écologie des populations (Hunnan et Freeman, 1977), qui montrent comment l’environnement oriente le comportement des organisations.

En effet, pour ces auteurs, les organisations ont tout intérêt à s’adapter aux exigences de l’environnement. Aussi, celles qui s’adaptent le mieux dans leur environnement sont-elles celles qui obtiennent les meilleurs résultats (Venkatraman et Prescott, 1990 ; Forte et al., 2000).

Toutefois, malgré l’émergence d’un consensus sur l’importance de l’environnement dans la vie des organisations, les positions à l’égard du poids de celui-ci diffèrent (Hafsi et al 2007).

Selon la théorie institutionnelle (Singh et al. 1986; Tolbert et Zucker, 1983) et la théorie de l’écologie des populations (Hannan et Freeman, 1977), l’environnement à un poids déterministe. Tandis que la théorie de la contingence (Miller, 1988, 1996,1999; Venkatraman, 1989, Miles et Snow, 1978) et la nouvelle théorie institutionnelle (Scott, 2001; Dacin, 1997;

Oliver, 1997, entre autres) lui octroient plutôt un pouvoir d’influence.

Ceci étant, jusqu’à très récemment, seul l’environnement économique était considéré comme pertinent et réellement important (Hafsi et Hatimi, 2003). Dans la littérature classique, l’élaboration ou la révision de la stratégie est associée par définition à l’environnement économique. Le changement stratégique est considéré comme un phénomène normal que les auteurs de la théorie de la contingence associent à la relation que les organisations entretiennent avec leur environnement. Les recherches de Chandler (1962) sur le développement des firmes américaines, avait proposé incidemment que la stratégie était déterminée par le marché. Thompson (1967) mit en évidence les mécanismes de l’influence de l’environnement sur les choix stratégiques et structurels des entreprises. L’adaptation à

106 Notons que l’environnement n’est pas le seul élément à tenir compte pour définir la stratégie. C’est le cas pour les tenants de la théorie des ressources (Wernerfelt, 1984 ; Hamel et Prahalad, 1989) qui considèrent que l'entreprise peut d'être performante en fonction de l'agencement de ses compétences et non en fonction d'un meilleur alignement stratégique.

l’environnement est au cœur de l’analyse de Lawrence et de J. Lorsch, pour qui l’entreprise doit arbitrer entre un degré de différenciation et une intégration des spécialisations choisies.

La spécialisation permet de faire correspondre l’entreprise à son environnement, l’intégration est le processus par lequel le management fait cohabiter les différentes spécialisations à l’intérieur de l’organisation (Lawrence et Lorsch, 1967).

Ces approches sont intéressantes dans la mesure où elles permettent de lier l’environnement et le changement en montrant l’influence non négligeable du premier sur le deuxième.

Néanmoins, elles occultent d’autres facteurs contextuels pouvant générer des orientations stratégiques comme l’institution. En effet, pour comprendre le processus du changement stratégique, il est essentiel d’aller au-delà des considérations économiques pour inclure les aspects institutionnels.

Les auteurs de la théorie institutionnelle ont donc été les premiers à s’y intéresser. Pour ces auteurs, le comportement des organisations est largement dominé par des règles externes, en particulier, celles de l’environnement "général"107. C’est-à-dire, les normes, les valeurs, les coutumes, les mœurs d’une société, le cadre institutionnel (la législation, les politiques gouvernementales) qu’ils présentent comme des exigences jouant un rôle important dans la détermination des stratégies des organisations.

1.3.2.1.1 L’environnement institutionnel comme contrainte à l’action stratégique

Les auteurs de la théorie institutionnelle considèrent l’environnement institutionnel comme des exigences déterminantes pouvant exercer des prohibitions et des contraintes qui réduisent l’espace de liberté et donc la marge discrétionnaire des organisations (Wirtz Peter 1999).

Selon ces théoriciens, il existe des situations où l’environnement institutionnel exerce une influence tellement importante qu’il limite le choix stratégique : des situations dans lesquelles la stratégie résulte d’un choix forcé et dans lesquelles l’environnement exerce une influence déterminante à laquelle les organisations ne peuvent que se soumettre ; des cas où la latitude des dirigeants est, en outre, significativement réduite et où la stratégie s’impose de fait par des forces extérieures.

107 La théorie institutionnelle distingue deux environnements :

- environnement général qui est composé de « l’ensemble des facteurs extérieurs aux frontières de l’entreprise qui influencent, ou peuvent influencer, sa structure, ses objectifs et son efficacité » (Mintzberg, 1982 ; Bedeian et Zammuto, 1991) ;

- et environnement tâche (Dill, 1958 ; Bourgeois, 1980 ; Bedeian et Zammuto, 1991), constitué « des facteurs de l’environnement général qui sont pertinents pour l’entreprise pour la fixation et l’atteinte de ses objectifs » (Dill, 1958). Il s’agit en fait ici des concurrents directs et indirects, clients, fournisseurs, technologies, etc. qui ont particulièrement intéressé les théoriciens du positionnement stratégique comme Porter (1986), Bogner et al (1996) et Thomas et Pollock (1999).

Il s’agit ici des exigences réglementaires qui émanent de l’un des plus importants agents institutionnels, à savoir le gouvernement (Campbell et Lindberg, 1990 ; North, 1990 ; Scott, 1995). En particulier, celles qui gèrent le jeu concurrentiel sur le marché et qui établissent la structure du secteur ou de l’industrie dans lesquelles opèrent les entreprises.

Tel que le constatent Hafsi et Hatimi (2003), la réglementation constitue une variable de plus en plus sollicitée par les recherches ayant trait à l’impact de l’environnement institutionnel sur le comportement organisationnel et individuel. Rappelons que dans notre cas, nous attirons l’attention sur deux événements majeurs qui ont marqué la vie d’EDF, survenus entre 1996 et 2005 : le premier renvoie aux directives européennes qui ont permis de libéraliser le marché énergétique européen et le deuxième aux lois nationales qui ont restructuré et ouvert le marché français à la concurrence (cf. § 1.1 : La dérégulation de l’industrie électrique européenne et ses conséquences sur le modèle des entreprises publiques français).

1.3.2.1.2 L’environnement institutionnel comme guide de l’action stratégique

Malgré le poids déterminant des institutions, les auteurs de la nouvelle théorie institutionnelle n’excluent pas pour autant l’idée de choix stratégiques variés et affirment qu’elles peuvent laisser de la place à une variation importante dans les stratégies des firmes (Oliver, 1991, 1997 ; Greenwood et Hinings, 1996 ; Roberts et Greenwood, 1997 ; Scott, 2001).

Cette acceptation de la nouvelle théorie institutionnelle confère à l’environnement institutionnel un rôle de guide et de légitimation pour les organisations et pose ainsi les institutions comme un élément incontournable de la vie de celles-ci. « Les institutions définissent ce que nous considérons comme acceptable ou non et déterminent ainsi le cadre dans lequel toute action trouve sa légitimité » Hafsi et Hatimi (2003).

En effet, selon cette approche théorique, une organisation ne peut survivre sans légitimité (Scott, 1995, 2001, 2006; Suchman, 1995 ; Laufer, 1980, 1996, 2000). Elle stipule que les organisations se conforment aux normes non seulement pour des raisons d’efficacité, mais aussi pour augmenter leur légitimité, leurs ressources et leurs capacités de survivre (Meyer &

Rowan, 1977 ; DiMaggio et Powell, 1991).

L’environnement institutionnel est vu ici comme un ensemble des règles108 auxquelles l’organisation doit se conformer pour acquérir la légitimité et le support de l’environnement auquel elle est soumise (Scott et Meyer, 1991). Cette conformité, de plus en plus

108 Des règles notamment sociales et culturelles qui poussent les organisations à jouer des rôles déterminés dans la société ainsi qu’à établir et à maintenir certaines apparences extérieures.

indispensable, est censée à ce niveau contribuer au succès et à la survie de l’organisation (Oliver, 1991) et devient donc un mobile pour le changement (Remili, 2006).

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