• Aucun résultat trouvé

Retour sur le débat portant sur la relation stratégie-structure

SECTION 4 O RIENTATION METHODOLOGIQUE

1.3.4 Le développement stratégique et organisationnel d’EDF : vers une articulation nécessaire

1.3.4.1 Retour sur le débat portant sur la relation stratégie-structure

L’analyse des processus de développement stratégique et organisationnel des entreprises à suscité un large débat depuis les années 70. Certains chercheurs se sont attachés à comprendre ce phénomène à travers des études qui traitent des relations générales entre la stratégie et la structure, d’autres, à l’inverse, jugent les phénomènes organisationnels beaucoup plus complexes et annoncent l’épuisement de la doctrine stratégie-structure comme base explicative en matière de développement des entreprises.

Nous allons donc dans un premier temps aborder le champ de recherche de cette relation entre stratégie-structure. Champs qui, en l’occurrence, a connu trois différentes approches :

- tout d’abord, la thèse de Chandler pour qui la "structure suit la stratégie" ; - ensuite l’antithèse, "la stratégie suit la structure" ;

- et enfin, la synthèse des deux versions, "ce n’est pas la structure qui suit la stratégie, ni la stratégie qui est contrainte par la structure".

Dans un deuxième temps nous verrons pourquoi ces approches sont désormais insuffisantes pour comprendre les processus de développement stratégique et organisationnel dans les organisations.

1.3.4.1.1 La thèse de Chandler, la structure suit la stratégie

À l’origine, la question était de savoir quelle est, de la stratégie ou de la structure, la dimension qui précède l’autre. C’est à Alfred Chandler (1962), dans son étude classique sur cette question, que l’on doit d’avoir montré comment des changements dans la stratégie provoquent des modifications dans la structure de l’entreprise.

Sa thèse pose en effet les modifications de la stratégie comme une réponse au changement de l’environnement et introduit une notion de dépendance des transformations structurelles à ces transformations stratégiques.

Cet historien des affaires illustre cette relation à travers une étude historique des entreprises américaines et démontre que l’expansion économique offre des occasions de développement et constate qu’à mesure que les entreprises modifient leurs stratégies, elles prennent conscience de la nécessité d’adopter de nouvelles formes d’organisation.

D'où l'adage classiquement énoncé « la structure suit la stratégie ».

Schématiquement :

Ainsi, selon Chandler, le passage de la forme U (unifonctionnelle) à la forme M (multi-divisionnelle) résulterait de la stratégie de diversification des firmes. La diversification nécessite de diviser l'entreprise en plusieurs centres de profit pour améliorer l'efficacité de la firme.

La structure y apparaît donc comme un élément-clé de la mise en œuvre de la stratégie. A une évolution de la stratégie doit correspondre, sous peine d’inefficacité, une évolution concomitante de la structure

Environnement Stratégie Structure

Environnement Stratégie Structure

Toutefois, Chandler admet que le plus souvent, des délais importants se sont écoulés entre les nouvelles orientations stratégiques et les modifications des structures auxquelles on pouvait s'attendre. En effet, il constate que la structure, souvent, n'a pas suivie la stratégie. Dans chacune des quatre sociétés qu'il a observées137, il y a eu un délai entre l'apparition des besoins de structure et leur satisfaction. Aussi émet-il des réserves quant à la confirmation de ses résultats.

Quoiqu’il en soit, la thèse énoncée par Chandler a été reprise et confirmée par plusieurs auteurs, comme Ansoff (1965), qui, à partir d’une distinction entre trois catégories de décisions (stratégiques, opérationnelles, administratives), déduit que la structure suit la stratégie dans le sens où la stratégie impose des mesures opérationnelles qui, à leur tour, commandent la structure administrative (autorité/responsabilité/flux de travail) permettant de fournir un climat adéquat pour répondre aux évolutions.

Ou encore, Channon (1973) et Rumelt (1974)138, qui ont tenté de démontrer, matériaux empiriques à l’appui, l’existence de cette relation et ses liens avec le rendement de l’entreprise.

1.3.4.1.2 L’antithèse, la stratégie suit la structure

Dans la même optique que Mussche (1974), un des premiers chercheurs à avoir critiqué la thèse de Chandler139, Hall et Saias (1979) soulignent que « si la structure s'adapte à la stratégie avec plusieurs années de retards sans que l'entreprise ait à subir de conséquences financières désastreuses ou disparaisse, peut-on encore affirmer que la structure suive la stratégie? ».

Selon ces deux auteurs, aucun des travaux précédents n'établit de façon concluante la relation séquentielle et causale entre la stratégie et la structure. Ils tentent alors de démonter comment la structure peut d'une certaine manière conditionner les choix stratégiques. Ils adoptent ainsi un raisonnement opposé à celui de Chandler et proposent un autre type de relation où d'une certaine manière c'est la « stratégie qui suit la structure ».

137 Chandler a en fait travaillé sur soixante-dix entreprises américaines, mais ne rapporte en détail que quatre cas dans son ouvrage.

138 Rumelt est celui qui a effectué les investigations les plus élaborées pour analyser cette relation. Ses travaux de thèse à Harvard sont d’ailleurs parmi les premières études empiriques portant sur la relation stratégie de diversification et performance économique.

139 Mussche (1974) est le premier a avoir développé une sorte d'antithèse dans laquelle il soutient que le choix des stratégies n'est pas libre, mais fortement prédéterminé par les structures internes. Selon cet auteur, la conception et l’élaboration de la stratégie sont profondément déterminées par le milieu qui engendre cette stratégie.

Cette acceptation sous-tend alors que :

- La structure peut rendre une organisation plus ou moins myope ou aveugle en empêchant les responsables de voir certaines évolutions140.

La structure et ses caractéristiques agissent ainsi comme des filtres qui déterminent les perceptions que peut avoir l'organisation des évolutions environnementales susceptibles d’infléchir la stratégie (Weick, 1969, Miles, Snow et Pfeffer 1974, Leifer et Huber, 1977).

Ce rôle de filtre de la structure est présenté graphiquement parHall et Saias comme suit :

Source : Hall et Saias (1979)

Figure 22 : Présentation graphique du rôle de filtre de la structure

Ils expliquent que chaque élément de la structure reçoit des informations auxquelles est accordée une attention plus ou moins grande. Quand l'information est jugée intéressante, elle est transmise à d'autres éléments de la structure. Mais le processus de transmission n'est pas neutre étant donné que l'information est interprétée et transformée : « la réception et la transmission des informations environnantes sont donc tributaires des capacités sensorielles de la structure »Hall et Saias (1979).

- Si l'on suit le développement précédent, on peut déduire que peu d'organisations parviendront à reconnaître de manière réaliste les problèmes auxquels elles sont confrontées. A ce titre, Hall et Saias (1979) notent que les organisations « auront du mal à percevoir objectivement les menaces réelles qui se présentent, les occasions qu'elles pourraient saisir, ou leurs propres forces et faiblesses. L'organisation n'attachera d'importance qu'aux menaces, opportunités, forces ou faiblesses qui ont un

140 Selon Hall et Saias (1979), les structures bureaucratiques limitent les capacités de perception de l'organisation ainsi que la fluidité et la rapidités des communications, tandis que les structures décentralisées favorisent une perception plus rapide des évènements.

sens par rapport aux vues globales de la direction générale ou qu'elle a l'habitude de percevoir ».

Ils ajoutent aussi que, dans le cas où les évolutions environnementales ont été perçues par une partie de l’organisation, les circuits de transmission des informations, une des composantes de la structure, peuvent freiner, voire déformer l’information, retardant ainsi le moment où les décideurs compétents se saisiront du problème.

En 1978, Ansoff revoit à son tour sa position par rapport au problème de relation stratégie-structure et résume leur interaction de la façon suivante : « la stratégie-structure peut et doit être conçue pour engendrer les stratégies pertinentes et permettre leur mise en œuvre réussie ».

La structure ne peut donc demeurer comme un simple moyen de mise en œuvre de la stratégie. Elle doit constituer un des axes essentiels de réflexion sur le management de l’entreprise.

En effet, l’incertitude croissante de l’environnement, la complexité des technologies, l’évolution des attentes des individus remettent en cause les conceptions traditionnelles des structures et leur confèrent un rôle majeur dans la revitalisation de l’entreprise.

La structure devient alors, tel que le soutiennent Bartoli et Hermel (1989), un facteur clé de succès de la réflexion et de l’élaboration stratégique, qu’il faut gérer explicitement comme élément actif (est non adaptatif) de la stratégie.

1.3.4.1.3 La synthèse, ce n’est pas la structure qui suit la stratégie, ni la stratégie qui est contrainte par la structure. Les deux se suivent réciproquement

A partir des années 80, de nouveaux raisonnements voient le jour. Quelques chercheurs comme Miles et Snow (1978), Miller et Mintzberg (1984), ou encore Miller (1986), vont nuancer les résultat précédents en soutenant l’idée selon laquelle il n’existe qu’un nombre restreint de formes structurelles qui soient adaptées à une stratégie donnée, et vice-versa.

De leur côté, Hall et Saias (1979) s’inscrivent dans ce débat pour remettre en question le discours dominant en stratégie et suggèrent que la stratégie, la structure et l’environnement sont fortement liés. Ils défendent alors une nouvelle conception selon laquelle il existerait des congruences naturelles entre une stratégie particulière, la structure dans laquelle elle est mise en œuvre et la niche de marché pour laquelle elle est formulée.

Les relations qui unissent la stratégie et la structure sont alors considérées comme symétriques de sorte que l'hypothèse de dépendance entre elles peut être faite dans les deux sens. C'est-à-dire, que l'on peut admettre que la structure suit la stratégie, mais également que la stratégie suit la structure. La position de Chandler se voit ainsi modifiée par l'idée de

concordance : "si la structure ne concorde pas avec la stratégie, il en résultera des inefficacités".

Aussi, pour défendre leur position, Hall et Saias (1980) soutiennent que la structure est le résultat d’un ensemble de variables qui s’ajoutent à la stratégie, tels la culture, les valeurs, le passé, les effets émotionnels reliés aux changements, etc.

1.3.4.2 La complexité des formes organisationnelles et l’épuisement de la doctrine

Documents relatifs