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Le choix stratégique orienté par la vision des dirigeants

SECTION 4 O RIENTATION METHODOLOGIQUE

1.3.2 Entre l’approche déterministe et volontariste des choix stratégiques

1.3.2.2 Le choix stratégique orienté par la vision des dirigeants

Ce présupposé déterminisme présenté dans l’analyse précédente est refusé par les auteurs de la théorie du choix stratégique qui considèrent l’environnement institutionnel comme un champ d’action pour les entreprises. La dimension institutionnelle est en effet abordée ici comme « un ensemble de règles et de ressources pour l’action stratégique au même titre que les aspects sectoriels et organisationnels » Dauchy (1996).

La théorie des choix stratégiques développée par Child (1972, 1997) admet l’idée selon laquelle la stratégie est le fruit d’une orientation intentionnelle de l’entreprise. Le choix stratégique étant défini comme un processus qui permet aux détenteurs du pouvoir au sein de l’organisation de décider des actions stratégiques à mener (Child 1997).

Cette perspective théorique met ainsi en avant le rôle actif des dirigeants-décideurs : « les détenteurs du pouvoir dans les organisations possèdent et exercent une latitude décisionnelle quant à la détermination de l’environnement dans lequel l’organisation opérera, aux standards de performance à utiliser et au design structurel à mettre en place. Celui-ci n’est pas donc la résultante obligée de facteurs de contingence, mais le produit de décisions managériales vis-à-vis desquelles des éléments tels que les perceptions, valeurs, croyances de décideurs et facteurs d’ordre politique jouent un rôle important » Desreumaux (1998).

L’influence des dirigeants sur l’orientation stratégique de l’entreprise a fait l’objet de plusieurs travaux. On peut citer notamment la contribution importante de l’école entrepreneuriale. Les recherches qu’ils développent sur la vision des dirigeants et l’influence des structures cognitives des décideurs sur la stratégie constituent une avancée majeure dans la mesure où elles ont permis d’amorcer une nouvelle réflexion sur la stratégie d’entreprise.

On se basant sur les travaux de Schumpeter (1934) sur la vision du « leadership charismatique », les tenants de l’école entrepreneuriale Bennis et Nanus vont étendre cette réflexion aux dirigeants d’entreprises. La vision est alors conçue comme « une représentation mentale109 de la stratégie créée ou du moins exprimée dans l’esprit du leader » Nanus (1992).

Avant de développer ce "concept" de vision des dirigeants, il convient de préciser ce qu’il désigne communément.

109 Une représentation mentale correspond « à ce qu’une personne perçoit de significatif dans la réalité ambiante, à travers le filtre de ses attitudes, de ses valeurs et de ses intuitions » Filion (1991).

1.3.2.2.1 Délimitation de la notion de vision

Aucune définition présentée dans la littérature ne fournit une description exhaustive de la vision. Elle est même souvent décriée comme étant une notion vague.

Ceci étant, on peut dire de manière générale que la vision :

- renvoie à une représentation mentale d’un état futur désiré (Bennis et Nanus, 1985 ; Bass, 1987 ; El-Namaki,1992 ; Kotter, 1990 ; Filion, 1991 ; Lipton 1996) ;

- exprime un désir et une ambition (Senge, 1990 ; Greffeuille, 1994 ; Hamel et Prahalad, 1995), néanmoins réaliste (Morris 1991, Snyder et Graves, 1994 ; Bayad 2004) ;

- est formée de compréhensions différentes (Mintzberg et Al, 1998 ; Bayad, 2002) ; - doit emboutir à des actes, autrement, elle ne sert à rien (Mintzberg et Al, 1998).

Au-delà de ces différentes caractéristiques de la vision, à l'instar de Nanus (1992) et de Mintzberg (1994), nous pouvons noter également que la vision stratégique naît d'un mixage d'information, d'intuition créative et d'action110.

1.3.2.2.2 La vision des dirigeants est une image « réaliste » du futur

La vision du dirigeant est une perception d’un état futur et désiré de l’organisation. Elle est aussi résolument stratégique car tournée vers son environnement interne et externe (Avenier, 1996 ; Bayad, 2002.) : « la vision du dirigeant est une représentation mentale actuelle du futur de son organisation, de ses activités et de son environnement » (Varraut, 1999).

Toutefois, la vision n’est pas le résultat d'un exercice de prédiction du futur, mais le fruit de la perspicacité du dirigeant (Amboise et Bouchard, 1990). En effet, la vision n’est pas un rêve, mais bien une perception réelle dans la mesure où il s'agit de se représenter un futur à partir du présent (Bayad, 2004) et qu’elle porte sur des buts précis à atteindre et sur des moyens à mettre en œuvre (Bayad, 1995). Le but pouvant être, tel que le note Revolon (1999), un positionnement souhaité du point de vue concurrentiel, dans un espace géographique précis, et les moyens consistant généralement en la mise en place d’une structure organisationnelle particulière.

Le dirigeant s’apparente ainsi à un déceleur d'espace à occuper et à un concepteur de contextes pour y parvenir (Filion, 1994). Aussi, pour élaborer sa vision, le dirigeant se sert de son expérience, de sa connaissance approfondie de son métier et de ses caractéristiques (Ederlé, 2001).

110 La créativité joue en effet un rôle incontestable dans la naissance d'une vision. Cependant, il faut qu’elle soit fortement enracinée dans la réalité.

1.3.2.2.3 La vision des dirigeants est formée de perceptions différentes

La vision est aussi une représentation multiple. Comme que le soulignent Mintzberg et al.

(1998), le dirigeant visionnaire est une personne utilisant différentes perceptions pour extraire sa vision de son environnement. Pour ce faire, il est important qu’il ait une bonne compréhension des événements passés et présents : « la vision demande un certain recul qui seul permet d’obtenir une vue d’ensemble […] Le tableau d’ensemble n’existe pas : chacun doit construire le sien. Le penseur stratégique doit trouver l’idée qui bouleversera son organisation. Ainsi la pensée stratégique se fait aussi par déduction […]. Cela suppose un long, difficile et désagréable travail d’extraction : il faut réfléchir en amont pour apercevoir ce qui se passe en aval […] » Mintzberg et al. (1998).

Il est intéressant de préciser à ce niveau-là que la perception de l’environnement est notamment liée à la capacité d’apprentissage du dirigeant : « le dirigeant perçoit, via sa vision parcellaire, des stimuli qui suscitent son intérêt dans son environnement interne et externe.

Déjà, sa façon de percevoir est influencée par son style d'apprentissage (ses stratégies cognitives) et ses attentes, résultat de son apprentissage passé. Certains appréhendent de façon active, d'autres de façon abstraite ; les mêmes stimuli sont perçus par certains, et non par d'autres ; et la façon de décoder les stimuli et de les transformer en informations utiles diffère selon les individus. Ces informations sont ensuite confrontées avec la vision générale de l'entrepreneur (assimilé au dirigeant). Par couplage ou juxtaposition de plusieurs des éléments perçus et reliés à son environnement interne et externe, l'entrepreneur retient les informations concordantes avec sa vision générale […] » Bayad (2002).

1.3.2.2.4 La vision conduit les actions à entreprendre

La vision constitue enfin un guide pour les actions à entreprendre (Cossette, 1996). Une sorte de « fil rouge qui guide la trajectoire stratégique de l’entreprise » (Ederlé, 2001). Elle indique en effet la direction que l’entreprise va suivre (Koenig, 1996). Une direction à long terme (Mintzberg et al. 1998) qui donne du sens et fournit une orientation à toute l’entreprise. « La vision est un panneau indiquant le chemin à suivre, pour tous ceux qui ont besoin de comprendre ce qu’est l’organisation et où elle tente d’aller » (Nanus, 1992).

De même, ainsi que le souligne Nanus (1992), la « bonne vision, c’est celle qui a le pouvoir de stimuler les troupes et de les pousser à l'action, c'est un savant dosage de rêve et de réalisme, ce qui la rend tout aussi réalisable que souhaitable. Comme la stratégie, la vision sert de pont entre le présent et l'avenir. Elle aide le dirigeant à éviter le piège de la gestion à court terme, elle permet de voir le présent sous l'éclairage du futur et fait ressortir les changements qui s'imposent. La bonne vision inspire l'enthousiasme et incite à l'engagement.

Bien articulée et facile à comprendre, elle clarifie les orientations ».

1.3.2.3 Les orientations stratégiques d’EDF: un processus politique vs visionnaire

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