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Le modèle évolutionniste et son implication en organisation

SECTION 4 O RIENTATION METHODOLOGIQUE

1.3.3 Le modèle évolutionniste et son implication en organisation

En observant les évolutions qu’a connue la structure d’EDF depuis l’ouverture du marché on constate, d’une part, que sa transformation s’est faite de manière graduelle et, d’autre part, qu’elle n’est pas entièrement coupée du passée.

Aussi, pour comprendre ses évolutions, nous nous sommes appuyés sur les nouvelles contributions en théorie évolutionniste, en particulier, les travaux portant sur les routines organisationnelles.

131 Quoiqu’il en soit, même si les choix stratégiques de Gadonneix sont fortement centrés sur les impératifs financiers, ils ne différent pas vraiment de son prédécesseur, François Roussely, puisqu’ils ont tous un seul et même objectif, continuer la transformation du groupe.

132 P. Gadonneix. Article paru le 23 juillet 2007 dans le Figaro.

133 EDF compte construire 1000 MW supplémentaires par an sur cinq ans, dont un tiers d'origine nucléaire.

134 D'ores et déjà, plusieurs pays cibles ont été identifiés, la Chine, la Grande-Bretagne, les États-Unis et l'Afrique du Sud.

1.3.3.1 La théorie évolutionniste moderne : les routines et la dépendance du sentier La théorie évolutionniste de la firme a véritablement émergé avec l’ouvrage de Nelson et Winter « An Evolutionary Theory of Economic Change » (1982) qui a donné naissance à une littérature pléthorique, en particulier, sur la dynamique économique et technologique de la firme.

La synthèse et les critiques des différents travaux que vont réaliser ces deux auteurs135 va en effet marquer un renouveau exceptionnel de la théorie évolutionniste.

Ainsi que le notent Coriat et Weinstein (1995), cette théorie va notamment s’enrichir et s’affirmer grâce aux diverses contributions de Nelson et Winter (1977, 1982), de Teece (1982, 1987, 1988), Dosi (1982, 1988, 1991), Dosi, Teece et Winter (1990), Dosi et Marengo (1993).

L’idée défendue ici est que l’entreprise ne peut changer du jour au lendemain de trajectoire.

Aussi, ces deux dernières décennies, les contributions évolutionnistes vont-elles principalement se focaliser sur l’analyse de l’innovation et de la connaissance. Plus exactement, sur la dimension cognitive de la firme et l’analyse du concept-clé de "routine"136. Selon Nelson et Winter (1982), les routines, c’est-à-dire un ensemble de qualifications individuelles regroupées sous la forme d’une pratique organisationnelle, sont en elles-mêmes le résultat d’une sélection parmi les pratiques alternatives disponibles. Les routines se déploient dans le temps selon une trajectoire qui leur sont propre, dépendantes en cela de leurs constituants physiques (les équipements et ressources utiles) et humains (les aptitudes mises effectivement en œuvre).

Dans cette acceptation théorique, l’entreprise est donc vue comme étant « un ensemble de routines dont les trajectoires conjuguées définissent le développement organisationnel. Les routines peuvent être combinées entre elles donnant lieu à des variations qui seront sélectionnées en fonction de leur potentiel concurrentiel » Durant (2002).

De même, pour les théoriciens évolutionnistes, si l’on veut comprendre certains évènements organisationnels, il est important de tenir compte de l’histoire de l’entreprise car elle met l'accent à la fois sur l'effet cumulatif des choix et interactions dynamiques et sur les phénomènes de dépendance de "sentier".

135 Parmi ces travaux en retrouve ceux de Simon sur le comportement basé sur les règles ; ceux d’Alchian sur la sélection naturelle ; ceux de Schumpeter sur l’invention et l’innovation ; ceux de Cyert et March sur l’apprentissage organisationnel ; et enfin ceux de Polanyi sur la connaissance tacite.

136 Les routines sont présentées comme étant le fruit d'un apprentissage induit par la répétition des taches et l’expérience accumulée. Un processus d’expérimentation qui, en l’occurrence, permet de réaliser les tâches de mieux en mieux et de plus en plus vite.

Nelson et Winter (1982) considèrent à cet effet que les capacités concurrentielles, les trajectoires et performances des entreprises sont conditionnées par l’accumulation du savoir-faire et des compétences, notamment organisationnelles. Ainsi, l’entreprise évoluerait selon un "sentier" particulier déterminé en fonction des capacités qu’elle a accumulé antérieurement. L’attention est alors portée sur le processus d’adaptation au milieu et donc des capacités d’apprentissage et l’autorégulation de l’entreprise.

Dès lors, le schéma d’évolution des entreprises est très largement prédéterminé par la nature de leurs actifs spécifiques. Ce qui fait l’essence de l’entreprise, sa substance organisationnelle, ce sont ses compétences foncières (Teece, 1988), c’est-à-dire « l’ensemble de compétences technologiques différenciées, d’actifs complémentaires et de routines qui constituent la base des capacités concurrentielles d’une entreprise dans une activité particulière. […] Typiquement, de telles compétences ont une dimension tacite qui rend l’imitation par d’autres difficile sinon impossible » Dosi et al. (1990).

La compétitivité de l’entreprise dépendra alors de sa faculté à maîtriser ses apprentissages et à mettre en place des procédures " routines" organisationnelles qui lui permettront de renforcer celle-ci.

1.3.3.2 La transformation structurelles d’EDF : un processus procédural déterminé en fonction des capacités organisationnelles accumulées dans le passé

Les nouvelles contributions de la théorie évolutionniste offrent une grille de lecture pertinente pour comprendre le processus d’évolution structurel d’EDF. Cette théorie définit en effet l’organisation comme une unité adaptative avec des compétences limitées en matière de prise de décision.

Dit autrement, les entreprises ne sont pas capables de faire constamment des choix optimaux.

Aussi, sont-elles amenées a apprendre de leurs expériences pour modifier leur comportements en fonction des rétroactions de l’environnement selon des routines précisément définies (Cyert et March, 1963).

C’est notamment le cas d’EDF, qui pour gagner en souplesse et améliorer sa capacité d'adaptation a dû adopter une structure transversale par branche qui n’est d’autre qu’une structure matricielle.

Celle-ci correspond en fait à une combinaison des deux formes structurelles : fonctionnelle (par direction) et divisionnelle (par pôles) déjà observées dans l'histoire de cette entreprise (cf. § 1.2.3.1) à laquelle on a toutefois ajouté une dimension « projet » et « marché », tel que représenté dans la figure 21 ci-après.

L’amélioration des processus structurels et la découverte de nouveaux modes organisationnels est donc de nature cumulative.

Par ailleurs, le changement structurel d’EDF apparait de façon paradoxal à la fois radical et incrémental.

- radical : car s’inscrit dans une approche macro du changement ;

- et incrémental : car il prend place à l'intérieur d'un système donné qui reste en quelque sorte inchangé.

Figure 21 : L’organisation matricielle mixte (orientée produit et projet)

L’incrémentalisme se justifie ici par le recours au changement par l’exploitation des compétences existantes, vu comme étant moins risqué, mieux maîtrisé et plus adapté au contexte environnemental mouvant dans lequel opère cette entreprise.

Un changement, largement marqué donc par la dépendance de sentier, c’est-à-dire, par la nature des compétences organisationnelles accumulées au sein de l’entreprise. Compétences qui sont étroitement reliées aux routines caractérisées par leur persistance et leur reproduction à travers le temps.

Ainsi, en nous basant sur la typologie des processus de changement proposée par Vas et Ingham (2002, 2004), nous pouvons néanmoins qualifier le changement de la superstructure d’EDF comme un processus procédural où les choix organisationnels sont routinisés. Un processus qui consiste en fait à choisir entre les routines organisationnelles existantes, stables a priori, puisque largement expérimentées par le passé.

Les performances antérieures de l’organisation semblent ainsi contenir des informations considérées comme pertinentes par les dirigeants pour prendre des décisions sur les orientations futures (Vas, 2005).

1.3.4 Le développement stratégique et organisationnel d’EDF : vers une

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