• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : La mobilité internationale des étudiants universitaires

3. Modes de compréhension de l’expérience estudiantine internationale Comprendre l’expérience de la mobilité nécessite de l’appréhender dans sa tota-

3.4. La théorie du capital de mobilité

Différents travaux confirment l’hypothèse que la mobilité constitue un capital lié à une culture de mobilité, au même titre que le revenu est considéré comme un capital économique. Désormais, le mot « capital » est devenu un concept utilitaire pour décrire la somme des avoirs acquis selon une perspective générale et globale.

Le capital de mobilité sert à définir à la fois la somme des savoirs et savoir-faire pré- existants, ainsi que l’apprentissage et les acquis accumulés à travers l’expérience migra- toire. En ce qui concerne les connaissances et les expériences préexistantes, le capital de mobilité au départ conçoit, selon Murphy-Lejeune, quatre éléments pris ensemble nour- rissant un imaginaire de mobilité formé à travers des représentations variées et des ex- périences passées liées au vécu.

Sur la base de différentes études sur les formes de mobilité, le rapport à l’espace et à la temporalité, et au potentiel du capital de mobilité, E. Murphy-Lejeune constate que l’étudiant est une nouvelle forme d’immigré étranger, qui possède déjà des qualités de voyageur et de ce fait, qu'il est doté d’un capital mobile distingué.

Le capital de mobilité sert à la fois de point de départ et de richesse accumulée. L’étudiant voyageur se distingue de l’étudiant sédentaire par son capital de mobilité. Il est considéré ici comme une élite qui gravite dans un espace intermédiaire situé «Entre la mobilité passagère du touriste et le déplacement à long terme du migrant » (Murphy- Lejeune 2003 : 200).

Murphy-Lejeune (2003) est l’une des premières à définir le concept de « capital de mo-

bilité » et à en délimiter ses contours. Selon son étude, l’étudiant voyageur apparaît

« prêt à bouger », il est ouvert aux changements de son environnement, de son entou- rage, de son mode de vie, en quête de découverte. Le capital de mobilité implique quatre éléments fondamentaux, à savoir : l’histoire familiale et personnelle, les expé- riences antérieures, les expériences d’adaptation, les qualités personnelles.

- L’histoire familiale et personnelle

L’étudiant en mobilité possède un patrimoine de mobilité extrait de l’histoire et des liens de sa famille, ce qui l’influence dans sa propre trajectoire.

Prenons le cas du Koweït, pays d’origine du public de notre étude. Sous sa forme mo- derne le Koweït en tant qu’Etat existe depuis 1961. Sa population actuelle a augmenté de plus de dix fois en un demi-siècle (321, 621 habitants en 1961 Jusqu’à 3, 870, 590 habitants en 2013). On observe que la majorité de la population koweïtienne est elle- même issue d’une immigration récente. Ce paramètre constitue une expérience de mobi- lité déjà inscrite dans l’histoire du pays. Les familles koweïtiennes partagent des liens ethniques multiples, et certaines d’entre elles maintiennent toujours des rapports étroits avec leurs familles, basées dans leur pays d’origine.

Ce cadre renvoie en partie au rôle de la famille dans le projet de la mobilité. Les fa- milles du public étudié, démontrent une ouverture à l’étranger et encouragent leurs en- fants à s’orienter vers l’international pour étudier.

Le désir de « vagabondage » s’inscrit également dans des pratiques régulières de tou- risme chez les familles koweïtiennes. De manière générale, pour des raisons climatolo- giques, l’été, les Koweïtiens voyagent dans des pays où la température est agréable, des pays touristiques connus pour un climat plus supportable. Pour ces familles, le voyage est une pratique annuelle et les étudiants sont accoutumés aux voyages dès l’enfance. Ces pratiques répétitives exposent les étudiants mobiles à un monde différent que le leur. Ils sont familiarisés à se mettre en contact avec l’altérité et possèdent certains élé- ments constitutifs du capital de mobilité.

- Les expériences antérieures

Les étudiants se serviront de leurs expériences antérieures de mobilité qui représentent le noyau construit en amont dans un cadre biographique.

Voyager en famille est considéré comme une étape intermédiaire de préparation avant de se lancer tout seul dans l’expérience du voyage, étape où l’étudiant koweïtien est amené à observer comment se comporter en tant qu’étranger dans un pays autre.

Il est important de signaler que l’histoire de famille relative au voyage n’induit pas a

fortiori la conséquence de mobilité internationale par tous ses membres. En effet, il

existe toujours d’autres facteurs qui peuvent intervenir dans le choix de partir à l’étranger.

Pour ceux n’ayant pas de liens avec l’étranger, ou ne disposant pas de l’expérience de mobilité internationale, un autre facteur peut intervenir dans le processus décisionnel de l’étudiant. La promotion du pays étranger à travers les médias peut influencer la volonté de quitter le pays d’origine pour s’aventurer à l’étranger. Par exemple, la télévision ou internet sont des formes de mobilité virtuelle qui diffusent une certaine image de l’étranger à laquelle les étudiants sont exposés quotidiennement.

Pour les étudiants koweïtiens la connaissance de l’anglais joue un rôle décisif dans le choix de mobilité. L’anglais représente pour eux un passeport pour l’accès aux mondes non arabophones. Pour ces étudiants, la mondialisation de l’anglais figure comme un passeport, grâce à sa présence utilitaire dans la communication internationale avec l’autre.

- Les expériences d’adaptation

Elle comprend toutes les expériences au cours desquelles l’étudiant a vécu une transi- tion entre deux espaces différents et a été contraint à s’adapter à un nouvel environne- ment. Tous les acquis issus de l’expérience de transition, correspondent à des situations de mobilité intra et interculturelle : sociale, familiale, scolaire, géographique écono- mique et professionnelle etc. Le point commun de ces expériences est le résultat de l’apprentissage provenant de la confrontation aux changements d’entourages et aux alté- rités. Ces expériences se distinguent par la discontinuité socioculturelle à laquelle s’ajoute dans certains cas une discontinuité linguistique.

Les expériences antérieures sont souvent transférables dans d’autres nombreux con- textes sociaux et professionnels.

- Des qualités personnelles

L’étudiant voyageur prédispose de qualités psychiques et personnelles. Il est en général ouvert à l’extérieur, curieux, flexible, apte à aborder une approche différente, fasciné par la nouveauté et la différence, possède certaines compétences langagières, aime l’aventure et cherche à avoir la liberté de décision et de choix. Ces différentes qualités personnelles jouent un rôle primordial dans son choix stratégique de quitter son milieu habituel pour étudier à l’étranger.

Dans une situation d’interculturalité, les individus s’appuient sur un ensemble d’éléments, que l’on qualifie de capital, pour enrichir leurs possibilités d’immersion dans d’autres cultures. L’ensemble des ressources ainsi mobilisées provient du modèle culturel dans son entièreté auquel l’individu se réfère pour s’orienter dans des espaces géographiques, sociaux et culturels différents.

Tous les éléments précités permettent d’avoir une vision globale de la situation de l’étudiant étranger dans un contexte de mobilité. Ce phénomène nous conduit à nous questionner sur les enjeux que cela représente.