• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Les représentations sociales

9. Des notions imprégnées par la représentation

Dans son ouvrage intitulé De l’autre côté du discours, recherches sur les repré-

sentations communautaires, Boyer (2003) recontextualise différentes notions liées à la

représentation. Il utilise le terme de « notions associées » pour évoquer les différents types au sein desquels on retrouve la manifestation et la dynamique des représentations auprès des groupes organisés en « communauté ». La notion de représentation regroupe plusieurs composantes qui sont en liens interdépendants et sont repérées sous diverses appellations usuelles (mentalités, croyances, valeurs, visions du monde, attitudes, préju- gés, mythes, idéologies, stéréotypes) qui se manifestent dans la communication sociale sous le mode de l’allusion mais aussi de manière spectaculaire durant des périodes d’effervescence communautaire comme les matchs de foot, les fêtes nationales. L’imaginaire englobe ainsi l’ensemble des représentations sociales qui se déclinent en images stéréotypées qui influencent les attitudes et les opinions des individus.

L’imaginaire communautaire est considéré comme une supra-structure qui est composée de l’ensemble des représentations d’une société (Boyer, 2003 : 16). Cette supra- structure qu’est l’imaginaire se décline en sous supra-structure formée par l’ensemble des représentations qui sont elles-mêmes composées en sous-groupes interconnectés.

9.1. Imaginaire

L'expression « imaginaire social », désigne l’ensemble des représentations imagi- naires propres à un groupe social. On suppose que cet ensemble, générateur de signifi- cations, participe aux pratiques sociales, à la vie commune : ce sont ces liens, ces impli- cations du symbolique dans les pratiques qui retiennent particulièrement l’attention des analystes du social.

La question à se poser est comment se fait-il qu'il y ait une telle cohérence entre, d'un côté, l'ordre social (les règles, les représentations sociales, les religions) et de l'autre, les motivations et conduites des individus ?

La réponse se trouve dans la force de l'imaginaire. La société s'érige par la création d'imaginaires sociaux, qui relient les hommes et donnent sens à leur action. Par exemple, la religion, les idéologies fournissent des croyances communes qui structurent le lien social.

Représenter quelque chose ne signifie pas simplement le conceptualiser. La représenta- tion c’est la façon par laquelle la pensée se manifeste, c’est la conséquence de la créa- tion imaginaire. Ce sont les figures, les formes et les images à partir desquelles il est possible de parler de quelque chose. L’imaginaire crée des images qui sont traduites sous forme de représentations, qui sont inscrites dans le social et ont un contenu histo- rique. Cela signifie que les représentations racontent l’histoire de l’individu de la façon dont il pense et construit le social.

Les représentations sont des conséquences de l’imaginaire créatif. Elles prennent forme à mesure que l’individu parle et fait le social. La représentation sociale peut être consi- dérée comme une relation de symbolisation, qui permet à la représentation d’apparaître, et d’interprétation qui lui confère sa signification. En raison de cet enchaînement de si- gnifiants et de signifiés, de connexions et de conséquences, la notion acquiert un statut de réalités concrètes, utilisées dans les actions sur le monde et sur les autres. Dans ce sens, la représentation est une construction et une expression du sujet qui est présente dans le rationnel. Le rationnel est la partie dominée de l’imaginaire dont les symboles sont articulés en fonction d’un système de significations qui vont configurer les institu- tions, la forme de pouvoir et de domination, les luttes et la violence.

L’imaginaire est la superstructure représentationnelle qui se compose en sous supers- tructures. Selon Boyer : « l’ensemble de ces représentations constituent un imaginaire communautaire (ou ethno-socioculturel). On peut du reste concevoir un pluriel car il n’est pas interdit de considérer que la superstructure représentationnelle baptisée ici imaginaire communautaire peut se décliner en sous superstructures : on parlera alors d’imaginaire de l’art, d’imaginaire de la justice, d’imaginaire de l’éducation, ou imagi- naire de l’activité linguistique » (Boyer, 2003 : 16).

L’imaginaire linguistique porte sur les langues. Cet imaginaire des langues est en rap- port avec des phénomènes linguistiques par appréciation, description, évaluation et ju- gement qui se font grâce à la possibilité de se mettre à distance. L’étude de l’imaginaire linguistique se fait par analyse des paroles des sujets qui nous permet d’en dégager les productions langagières des sujets parlants et leurs évaluations. C’est-à-dire les attitudes et les représentations en face de leurs parlers et ceux des autres afin de comprendre et de dégager les causalités internes et externes à la langue telles que socio-psychologiques et situationnelles ou communicationnelles qui interviennent dans l’imaginaire et ainsi de suite sur l’apprentissage d’une langue.

9.2. Idéologie

La notion de représentation est intimement associée à l’idéologie, parce que selon Mannoni nous pouvons « considérer la représentation et l’idéologie sous l’angle de la similitude de nature, les différences n’étant que de la partie au tout et de l’élément à la structure d’ensemble à laquelle il appartient. En effet (…) de quoi une idéologie peut être constituée sinon d’un système (réseau) de représentations en interconnexion » (Mannoni, 1998 : 54).

L’idéologie est une supra-structure d’un ensemble des représentations sociales. C’est-à- dire qu’un groupe avec une certaine idéologie sous l’influence de son poids, circule les mêmes représentations sociales grâce à un réseau de rapport symbolique commun avec l’objet en question.

L’idéologie linguistique est liée intimement à l’identité et aux attitudes et comporte- ments linguistiques des sujets parlants. Elle influence l’aménagement linguistique du pays. L’aménagement linguistique puriste peut exiger de l’autre de se conformer aux parlers des indigènes. Il se résume par la mise en place des politiques d’apprentissage d’assimilation/intégration des étrangers. L’insécurité linguistique est un des traits les plus apparents chez un non natif de la langue.

9.3. Attitudes

La notion de représentation et celle d’attitude sont toutes deux empruntées à la psy- chologie sociale. Elles présentent de nombreux points communs et sont parfois utilisées

l’une à la place de l’autre. Les deux se complètent et se rencontrent, toutefois, elles se distinguent aussi sans pour autant se contredire.

L’attitude est définie comme une disposition à réagir de manière favorable ou non à une classe d’objet : comme le dit Kolde (1981) « une prédisposition psychique latente, ac- quise, à réagir d’une certaine manière à un objet » (Lüdi et Py, 1986 : 97). Les informa- tions dont dispose un individu sur un objet particulier constituent ainsi son stock de croyances et de connaissances sur l’objet. Ces croyances sont motivées par des informa- tions objectives, comme elles peuvent être basées sur des préjugés ou des stéréotypes. D’après Kolde « Les attitudes organisent des conduites et des comportements plus ou moins stables, mais ne peuvent pas être directement observées. Elles sont généralement associées et évaluées par rapport aux comportements qu’elles génèrent » (Lüdi et Py, 1986 : 97).

Boyer précise que si nous voulons situer la notion d’attitude au sein du paradigme re- présentationnel, nous pouvons la considérer comme « une forme spécifique d’occurrence d’une représentation sociale ou d’une combinaison de représentations » (Rouquette et Rateau, 1998 : 22).

9.4. Stéréotypes

D’après Tajfel « le stéréotype constitue une forme spécifique de verbalisation d’attitudes, caractérisé par l’accord des membres d’un même groupe autour de certains traits, qui sont adoptés comme valides et discriminants pour décrire un autre (étranger) dans sa différence ». (Tajfel, 1981 : 115). Le stéréotype notifie ainsi les perceptions identitaires et la cohésion des groupes. L’importance n’est pas de savoir si le stéréotype est vrai ou faux mais de savoir reconnaître le stéréotype tel qu’il est, et de reconnaître sa validité pour un groupe donné et dans la manière dont il affecte les relations entre groupes.

Le stéréotype à la différence d’une représentation, si l’on fait référence à la théorie du noyau central et des éléments périphériques, est une forme de représentation figée déri- vée d’une fusion entre les deux composantes d’une représentation. À partir de laquelle un processus de figement inhérent à la nature de la représentation, dont la pertinente pratique en discours est tributaire de son fonctionnement simplificateur et à une stabilité de contenus rassurantes pour les membres du groupe concerné. (Boyer, 2003). Selon

Boyer « il s’agit d’une représentation ayant une structure sociocognitive particulière, is- sue d’une accentuation du processus de simplification, de schématisation et donc de ré- duction propre à toute représentation collective, conduisant au figement » (Boyer, 2003 : 43).

Les stéréotypes se manifestent sous forme de clichés langagiers, de formules toutes faites. Ils sont selon la plus part des auteurs (Lippmann, 1994, Bardin, 1980), la simpli- fication exagérée (Perrefort, 1996).

L’emploi des stéréotypes est fortement normé. Ils font partie de notre savoir socio- culturel inconscient qui structure nos échanges. Donc une connaissance des stéréotypes de l’autre est indispensable pour l’intercompréhension et pour saisir la cohésion des énoncés.

Dans le contact d’individus de culture différente, le savoir socioculturel propre à un groupe perd son utilité. Les stéréotypes perdent leur efficacité parce qu'il est difficile de les faire passer, de les décoder par l’autre. En effet, L’autre ne possède pas le répertoire culturel qui permet d’établir des relations référentielles. L’étudiant dans une situation de communication exolingue partielle perd l’orientation.

Les stéréotypes sont des marqueurs d’identité pour Soi et altérité. Ils aident à mettre de l’ordre dans les données de l’altérité. L’insécurité linguistique et sociale dans une com- munication exolingue est idéalisée par la reprise à son compte, des stéréotypes circulant dans sa culture d’origine au sujet de l’Altérité.

Perrefort définit le stéréotype en précisant que « l’activité langagière contribue de ma- nière décisive à la construction de la réalité et à la constitution identitaire, (Berger et Luckmann, 1996). Dans ce sens, le stéréotype est une construction discursive, un objet de discours qui remplit certaines fonctions dans les interactions. Il est actualisé et géré interactivement et contribue à définir le contexte » (1996 : 143).

Dans des rencontres interculturelles le stéréotype participe comme élément opératoire dans les opérations interprétatives et les catégorisations identitaires. Il fait une figure de symbole à valeur identitaire. À partir duquel on identifie et s’identifie.

Si nous reprenons en compte les quatre niveaux classiques établis et proposés par Doise (1982) dans le chapitre III de ce document :

- Le deuxième niveau "inter-individuel" s’intéresse davantage aux processus indi- viduels qui prennent en compte le contexte

- Le troisième niveau : "positionnel", met en évidence l’importance de la position sociale. (préalable à l’interaction) qui influence les rapports individuels.

- Le quatrième niveau est constitué par des « idéologies, des systèmes de valeurs et de croyances et de représentations, d’évaluations et de normes qui doivent jus- tifier et maintenir un ordre établi de rapports sociaux » (1982 :33)

Les différentes notions telles que imaginaire, idéologie, attitude et stéréotype peuvent être introduites dans ce modèle qui lie le collectif et l’individuel, le subjectif et l’objectif et englobe la culture, l’individu par les représentations sociales.

Chapitre 5 : Méthodologie et synthèse