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Chapitre 2 : La mobilité internationale des étudiants universitaires

3. Modes de compréhension de l’expérience estudiantine internationale Comprendre l’expérience de la mobilité nécessite de l’appréhender dans sa tota-

3.1. Le modèle conventionnel de l’étranger

Le modèle conventionnel que nous allons présenter en premier lieu, décrit les diffé- rentes phases par lesquelles un étudiant voyageur traverse lors de son immersion socio- culturelle et linguistique dans le pays d’accueil. Il est généralement admis que le pre- mier contact avec l’altérité, ainsi que le processus d’adaptation consécutif à la nouvelle culture, implique habituellement une expérience de choc culturel pour l’étranger.

Quitter son pays d’origine, résider dans un autre pays, apprendre une langue étrangère, entreprendre des études universitaires, sont des expériences exceptionnelles pour l’étudiant immigré. En effet, l’étudiant quitte un milieu familier et connu pour se plonger dans un nouvel univers dépourvu de tout repère. Cette expérience extraordi- naire, porte en elle des facteurs évolutifs liés à des opportunités mais aussi à certains

obstacles. L’excitation de découvrir un autre monde, le plaisir de s’investir et de se dé- velopper ainsi que la joie de rencontrer l’autre, sont des sentiments qui entrent en con- tradiction avec l’anxiété, le stress ou encore la tension. Il s’agit là, des deux faces d’une aventure qui porte en elle un défi éprouvant, et que l’étudiant immigré doit relever du- rant son voyage pour parvenir à la réussite de son expérience. Ce n’est pas simple pour lui, car l’étudiant devra tenter de s’adapter à un tout nouvel environnement qui implique de s’ajuster à des codes socioculturels encore inconnus pour lui.

Oberg (1954) représente l’expérience de l’immigration par le modèle du « choc culturel ». Cette notion se réfère au sentiment d’anxiété provoqué par le fait de se re- trouver plongé dans une société à la fois étrangère et étrange et aux différentes phases de ce processus. Ainsi, Oberg explique que « le choc culturel survient à cause de l’anxiété provoquée par la perte de toutes nos références et de tous nos symboles fami- liers dans l’interaction sociale. Ceux-ci incluent les mille et une façons que nous avons de nous situer face aux circonstances de la vie ; quand donner la main et quoi dire lors- qu’on rencontre des gens, quand et comment donner des pourboires, comment faire des achats, quand accepter ou refuser les invitations, quand prendre ce que disent les gens au sérieux ou non. Ces références et symboles qui peuvent être des mots, des gestes, des expressions faciales, des coutumes ou des normes, sont acquis au cours de notre éduca- tion et font partie de notre culture autant que notre langue ou les croyances auxquelles nous souscrivons. Nous dépendons tous pour notre paix intérieure et notre efficacité des ces centaines de signaux, dont nous ne sommes pas conscients pour la plupart ».

Ainsi, le choc survient au moment du changement d’un milieu connu vers un autre inconnu. À partir de là, une perte de nombreux repères se manifeste influençant l’action quotidienne de l’étranger. Lorsqu’il se trouve confronté à une nouvelle culture, tous les codes sur lesquels il se référait dans son quotidien pour agir et réagir spontané- ment ne fonctionnent plus. De simples activités journalières doivent êtres réapprises. Les valeurs et les croyances de la nouvelle société d’accueil peuvent aussi différer, voire même entrer en contradiction avec celles de son pays d’origine. Changer de milieu pour une longue période signifie donc reconstruire entièrement sa vie, à différentes échelles : sociale, culturelle, linguistique. Par conséquent, cela implique de créer un nouveau réseau social, de se plier à de nouvelles règles et d'apprendre une nouvelle langue.

Les phases du modèle du choc culturel

Tel que le montre le graphique ci-dessous, le choc culturel se présente en une courbe formant un « U » et conceptuellement divisée en trois étapes : la lune de miel, la crise et l’adaptation. Pratiquement, ces étapes se mélangent, s’entrecroisent et se dérou- lent sur des périodes plus ou moins étendues en fonction des personnes.

Fig. 12 : Les phases du modèle du choc culturel

Source : www.bve.ulaval.ca

- Lune de miel

Phase d’enthousiasme, de plaisir, d’excitation, ou d’euphorie. Cette phase de découverte dure de deux à trois mois. Cette étape correspond aux premiers moments de l’arrivée de l’étudiant, moments où il se prive de tout sens critique et où il se met en position d’admiration devant les nouveautés quotidiennes. La personne découvre un nouveau pays, des rapports humains différents, de nouvelles habitudes. Il expérimente une vie nouvelle, cherche à tout voir, à tout goûter et à vivre de nouvelles aventures.

- La crise

Pour l’étranger étudiant, cette phase coïncide avec le commencement des cours, où la routine prend place. D’un statut de touriste à celui d’étranger, c’est là que les diffé-

rences commencent à se creuser entre ici et là-bas, entre chez eux et chez Soi. L’étranger se sent d’abord désorienté en raison de la perte de ses repères habituels, et éprouve de la difficulté à agir convenablement aux situations affrontées dans la société d’accueil. Plusieurs symptômes commencent alors à apparaître : frustration ; impuis- sance, fatigue, isolement, mal du pays et nostalgie, ennui, stress, etc.

- Confrontation et adaptation

Le processus de confrontation et d’adaptation à cette nouvelle situation se fait par oscil- lation entre repères des deux cultures. Ce travail de réflexion qui se fait par comparaison interculturelle, permet à l’étranger de se forger une identité compatible avec sa société d’accueil. Le temps et la patience sont les vertus nécessaires pour une adaptation pro- gressive et pouvant pallier le choc culturel. Effectivement, il faut un certain temps pour que la personne réalise et retrouve son équilibre personnel entre les valeurs acquises dans son pays d’origine et celles du pays d’accueil. De ce fait, l’étranger met naturelle- ment en place des stratégies qui l’aideront à se positionner dans son nouvel environne- ment, ce qui lui permettra d’apprendre à accepter l’autre dans son entièreté, mais éga- lement ce qui le poussera à faire l’effort de se débarrasser de son ethnocentrisme. Il tente ainsi, de trouver un équilibre en relativisant deux visions du monde.

- Le choc culturel renversé

Le retour au pays d’origine est également considéré comme un choc culturel, mais cette fois-ci renversé. Certaines personnes, qui retournent chez elles après avoir vécu un temps considérable à l’étranger, prouvent un syndrome du retour qui résulte de stress émotionnel ressenti au moment de la réadaptation à leur culture d’origine. Après avoir passé une période d’euphorie initiale lors de leur retour, un travail de rééquilibre, d’ajustement et de réajustement sera nécessaire. Le fait de vivre un temps considérable à l’étranger, modifie la perception des choses, les opinions, les valeurs adaptées, et le mode de la vie quotidienne. Ainsi, un affrontement avec l’autre et le moi (la famille, les amis, la société), sera inévitable pour la personne qui est retournée au pays. Ici, naît une sorte de confrontation entre le Moi en tant qu’individu, et la société en tant qu’entité contraignante, et un repositionnement vis-à-vis des autres est indéniable.