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Chapitre 2 : La mobilité internationale des étudiants universitaires

3. Modes de compréhension de l’expérience estudiantine internationale Comprendre l’expérience de la mobilité nécessite de l’appréhender dans sa tota-

3.3. Le raisonnement de l’étranger

L’immigré ou le « nouveau venu » se perçoit comme un étranger qui ne partage pas le même système de pertinence et de sens commun avec la société d’accueil. C’est ainsi que Schütz a développé une théorie de phénoménologie sociale autour de la figure de l’étranger. Aucune étude sociologique ne peut rendre compte de la mobilité de l’individu sans intégrer les diverses expériences, les faits marquants et les diverses ex- périences vécues par l’individu. Confronté personnellement à la problématique sociale de l’étranger, Schütz étudie la question de l’étranger avec tout ce que cela comporte, à savoir, les relations sociales, les conflits et les représentations. Schütz explique ainsi l’univers des représentations sociales que l’étranger doit intégrer dans ses schèmes de pensée et son mode de fonctionnement pour s’adapter au groupe qui l’accueil et qui a ses propres principes et son sens commun. Sans compréhension et intégration de ce sens commun, l’étranger se retrouve confronté à un univers qu’il ne parvient pas à pénétrer en se conformant aux valeurs véhiculées. Il ressort de cette approche que les rapports entretenus à l’égard de l’étranger ne sont pas de nature à faciliter son intégration. L’étranger développe à son niveau des stratégies pour contourner les pièges sous-jacents et réussir son adaptation à ce nouveau contexte.

Dans le cadre d’une théorie générale de l’interprétation, la situation typique dans la- quelle se trouve un étranger immigré lorsqu’il tente d’interpréter le modèle culturel d’un groupe avec lequel il partage un même espace relève de sa capacité à cerner l’entourage, à comprendre son mode de fonctionnement et à pouvoir se faire accepter.

Le « sens commun » pour Schütz est le modèle culturel implicite de ceux qui parta- gent les mêmes connaissances banales de la vie quotidienne. Le modèle culturel d’un

groupe désigne « toutes les valeurs spécifiques, les institutions et les systèmes d’orientation et de conduite… qui… caractérise voire constitue- tout groupe social à un moment donné de son histoire» (1987, p : 218, 219). Cette définition désigne autrement, l’ensemble des manières de penser, de sentir et d’agir qui ont été apprises au cours du processus progressif de la socialisation et partagées par le groupe d’appartenance.

Ce modèle culturel produit aussi une connaissance utile à une fin pratique. Cette connaissance est pertinente pour l’action, afin d’atteindre les objectifs de l’action de l’individu.

Le modèle culturel en tant que sens commun contient alors deux axes de significa- tions :

- Système de signification partagé par les membres d’un groupe.

- Type de connaissance servant à l’action, à orienter l’individu et le groupe dans ses pratiques quotidiennes.

Arriver sans vivre l’expérience de la socialisation primaire signifie être né à nouveau mais comme adulte.

L’étranger en tant qu’adulte procède par raisonnement scientifique. Pour ce faire, il se place comme un chercheur qui observe, récolte les données, les décrit, les classe de manière cohérente, et procède à leur analyse. Cependant son problème réside dans sa méthode d’analyse qui ne correspond pas à la réalité de l’endroit dans lequel il vit.

L’étranger immigré constitue l’exemple typique de la personne qui vit ce type de si- tuation. Les schèmes culturels préfabriqués et allant de soi, qui apparaissent comme na- turels pour les membres du groupe, ne le sont pas pour l’étranger. Sa manière de pensée habituelle, ne coïncide pas avec celle des autres, puisque le modèle culturel d’origine a déjà forgé ces schèmes.

Les recettes prises comme évidentes, et déjà expérimentées, fonctionnent à chaque fois avec les membres du groupe dans la vie quotidienne et apparaissent à l’étranger peu claires, voire incohérentes, car elles ne font pas partie de son histoire, de ses habitudes, de ses savoirs et savoir-faire.

L’étranger interprète le nouveau monde à partir de ses propres habitudes de pensée, ce qui s’avère rapidement inadapté et incohérent. Ce décalage entre son mode de pensée et celui du groupe avec lequel il vit, et le besoin de participer à la vie de groupe le rende

curieux. Il a donc besoin d’appendre les règles de la nouvelle société, apprendre le nou- veau modèle culturel pour que son action dans le nouveau contexte soit pertinente.

Les a priori qu’il s’est fait du groupe, de leur mode de vie, de leur manière de pen- ser, de sentir et d’agir, sont erronés et stéréotypés, puisqu’ils ont été élaborés pour fonc- tionner avec les membres de son propre groupe et non pas avec ceux du nouveau groupe.

L’étranger est celui qui ne comprend pas les sous-entendus. C’est cette raison qu’il doit prendre en considération pour entreprendre sa phase de découverte. Ce processus correspond au même cheminement que celui du chercheur qui veut comprendre une so- ciété, un fait ou un problème. Il doit objectiver la réalité pour déchiffrer les éléments constitutifs du problème social auquel il fait face. L’étranger est ainsi présenté comme un scientifique profane. Il a besoin de comprendre le pourquoi du comportement des membres du groupe. En effet, ces derniers n’ont pas besoin d’expliciter ce qu’ils font, puisque leurs actions ont une marque d’habitude, et sont devenues des automatismes. « Le modèle culturel porte son évidence en lui même » (Schütz), et leur offre des solu- tions typiques, clés en main, pour résoudre des problèmes typiques.

En revanche, l’étranger ne se contente pas d’un savoir vague. Il a besoin d’un savoir qui explicite le pourquoi des choses. Schütz dit qu’ « il devient essentiellement l’homme qui doit mettre en question presque tout ce qui semble aller de soi pour les membres du nouveau groupe » sinon, il ne saura jamais s’il s’agit des manières d’être ou de faire qui marquent la vie du groupe.

L’adaptation au nouveau groupe est un processus continu de recherche, d’investigation et d’apprentissage, jusqu’au moment où l’étranger éprouve certaines sa- tisfactions dans l’incorporation de ce nouveau modèle culturel, ce qui est souvent rare pour un adulte.

La conséquence de l’intégration du nouveau modèle l’amène, dans un premier lieu, à remettre en question son modèle culturel d’origine, et le rend, par la suite, extérieur au deux modèles culturels (de son groupe et du nouveau groupe). Il devient alors l’Homme « marginal », dans le sens où il vit entre deux cultures.

Il ressort alors de cette approche, la nécessité de distinguer les traits caractéristiques de la figure de l’étranger dans l’entre-deux social.