• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 — Premier article : « Perspectives et défis de la mise en œuvre d’une

4.3 Résultats

4.3.1 Thèmes liés à la participation à la cointervention

Dans un premier temps, plusieurs des thèmes émergents réfèrent à la mise en œuvre de la cointervention et influencent, positivement ou négativement, l’appréciation et la participation des éducatrices aux rencontres avec l’orthophoniste.

Aisance durant les rencontres de cointervention. Un premier thème qui ressort dans le discours des quatre éducatrices est l’évolution de leur aisance durant les rencontres, au fur et à mesure que leur relation avec l’orthophoniste s’est construite. Elles apprenaient peu à peu à trouver leur place dans la dynamique de la cointervention, comme l’affirme P2 : « Bien, c’est sûr que plus on avançait, plus on se connaissait, plus j’étais à l’aise » (P2, 3e entretien). Elles lient leur inconfort initial en partie au regard que l’orthophoniste, perçue comme experte, portait sur leurs pratiques. P3 et P2 expliquent qu’elles n’avaient pas l’impression de jouer leur rôle d’éducatrice tout à fait comme à l’habitude, dans leurs échanges avec les enfants et dans leur gestion du groupe. Elles semblaient parfois incertaines quant aux attentes de l’orthophoniste sur la place qu’elles devaient et pouvaient prendre durant les rencontres de cointervention : « Est-ce que je devais être silencieuse? Est-ce que je devais me joindre? » (P1, 2e entretien).

Les appréciations devenaient cependant nettement positives après les deux premières rencontres. Comme le soulignent P2 et P3, il convient de laisser le temps à la relation et la dynamique de se construire.

Charge cognitive durant la cointervention. Les différents objectifs à poursuivre durant la cointervention — observer l’orthophoniste, les enfants, leurs propres pratiques et mettre simultanément à l’essai de nouvelles pratiques — s’ajoutent aux tâches régulières de gestion du groupe. Cela amène sans contredit une charge cognitive supplémentaire pour les éducatrices. Ce constat est particulièrement présent dans le discours de P4. Elle remarque que certains moments de la cointervention sont plus chaotiques que d’autres, en fonction de l’humeur des enfants ou de la nature de l’activité en cours. Ces moments sont donc moins propices à se concentrer sur le soutien du développement langagier des enfants. P4 constate que durant ces moments, ses priorités étaient ailleurs : sécurité, bien-être des enfants et gestion de l’horaire. Elle demeure donc avec un sentiment de ne pas avoir pu s’impliquer autant qu’elle l’aurait souhaité.

P3 et P1 nomment également la difficulté de se rappeler tout ce qui s’est déroulé durant la rencontre. Les entretiens qui suivent les rencontres, de même que les rétroactions sur le vif de l’orthophoniste

sont, en ce sens, essentielles dans la démarche. Selon P2 et P4, choisir des activités simples peut contribuer à réduire cette charge cognitive durant les périodes de cointervention.

Recherche d’équilibre entre flexibilité et structure. Une tension est perçue par les éducatrices entre la flexibilité nécessaire pour suivre les initiatives des enfants et s’y ajuster et la structure requise pour mettre à l’essai de nouvelles pratiques. Force est de constater que le contexte de jeu libre (p. ex., un jeu de faire-semblant dans le coin cuisinette) ne semble pas toujours facilitant à cet égard, du point de vue des éducatrices :

« Si on est en jeu libre comme ce matin, c’est sûr que je vais avoir des amis éparpillés. Si je veux mettre en application une petite astuce que tu nous proposes, il faut qu’il y ait quand même un cadre. […] Si je les laisse aller un peu n’importe où, je ne suis capable de rien. » (P1, 4e session de rétroactions)

Cela peut être, comme le supposent P3 et P4, parce que les enfants de leur groupe sont moins habitués à un contexte de jeu moins structuré et s’y désorganisent davantage. Il se peut également, comme le mentionne P1, que les éducatrices soient elles-mêmes moins à l’aise dans un rôle d’accompagnement dans le jeu libre. Lors du dernier entretien, P3 amène ce questionnement : faudrait-il se doter, durant la cointervention, d’un contexte facilitant? ou vaut-il mieux déjà expérimenter les pratiques sur le vif, dans les routines, malgré les défis?

Perception de la pertinence de la démarche de développement professionnel. Pour P3, la pertinence de la démarche de développement professionnel est intimement liée à l’importance qu’elle-même accorde au développement du langage. En contrepartie, elle mentionne qu’en raison de cette importance, elle ressent une certaine pression :

« Le langage, c’est quelque chose de très, très, très, très important. […] Est-ce que c’est important au point qu’il faut que l’on comprenne vraiment le développement langagier, et qu’on soit capable d’aller chercher toutes ces stratégies-là, en tout temps? […] C’est comme si on sent que la barre est haute. Pas de la part de l’orthophoniste, mais parce que le développement langagier, il est assez important. » (P3, 2e entretien)

Pour P1, P2 et P4, la pertinence de la démarche se traduit surtout dans l’adaptation des conseils, explications et suggestions de l’orthophoniste à leur réalité. En ce sens, P4 ajoute avoir aimé cibler elle-même les objectifs qu’elle juge les plus pertinents par rapport à son parcours et à ce qu’elle perçoit comme besoins chez les enfants.

Spécificité par rapport aux besoins perçus chez les enfants. P1 souligne que l’approche proposée, qui permet de s’ajuster à chacun des enfants, est très adaptée à la réalité d’un groupe multiâges. Pour P1 et P4, apprendre à s’ajuster aux besoins des enfants serait particulièrement important pour ceux qui ont des difficultés langagières, surtout s’ils sont encore en attente de services en orthophonie. Tout au long des rencontres, ces deux éducatrices s’interrogent sur leur compréhension des besoins de ces enfants, cherchent à valider leurs pratiques actuelles auprès d’eux et sont sensibles à leurs réactions.