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Chapitre 7 — Discussion générale

7.1 Synthèse des résultats en fonction des objectifs

7.1.1 Premier objectif : concevoir et mettre en œuvre un dispositif de développement

En amont de la cueillette et de l’analyse des données dans la présente thèse, il y a eu une première étape de réflexion, de conception et de planification de la mise en œuvre du dispositif de développement professionnel proposé aux quatre éducatrices participantes. En soi, cela a permis

d’atteindre en grande partie le premier objectif, soit de concevoir et de mettre en œuvre un dispositif de développement professionnel dans des CPE.

Deux CPE desservant des enfants issus des milieux vulnérables sur le plan socioéconomique ont été ciblés pour participer au dispositif de développement professionnel, en raison d’une prévalence plus élevée d’enfants ayant des besoins sur le plan du développement langagier, par rapport aux milieux socioéconomiques moyens et élevés (Hoff, 2003). Pour diminuer les écarts constatés dans la réussite éducative entre les enfants en fonction de leur milieu socioéconomique, il est essentiel de s’assurer que les éducatrices travaillant auprès de ces enfants aient les outils nécessaires pour leur offrir un soutien optimal quant au développement de leur langage (Burchinal, 2018). Cependant, le dispositif proposé dans le cadre de cette étude s’adresse à toutes les éducatrices en service de garde éducatif, peu importe le milieu dans lequel elles travaillent. De plus, il a été constaté que les groupes de CPE participants comprenaient des clientèles plutôt mixtes au niveau socioéconomique. Ainsi, cette caractéristique des CPE ciblés n’a donc finalement que peu de répercussions dans les analyses et réflexions réalisées au cours de cette thèse. Cependant, s’assurer de rejoindre les enfants provenant de milieux vulnérables sur le plan socioéconomique renforce la pertinence sociale du présent dispositif de développement professionnel.

Rappelons que le dispositif de développement professionnel se décline en quatre volets : (1) introduire le contenu, sur les pratiques de soutien du développement langagier; (2) mettre les pratiques à l’essai, durant les rencontres de cointervention avec l’orthophoniste; (3) y réfléchir, en discuter et coplanifier la rencontre suivante, au cours de séances de rétroactions et (4) réinvestir les pratiques abordées dans le quotidien. Ces quatre volets s’articulent autour de l’engagement actif de l’éducatrice. Les objectifs poursuivis par chacune des éducatrices participantes, P1, P2, P3 et P4, ont été déterminés de façon individualisée par chacune d’elle, et ajustés au fil du temps. Les premier et troisième articles ont permis de documenter les différentes modalités déployées au cours du dispositif de développement professionnel.

Le premier article, à travers l’expérience des éducatrices au fil de leur participation au dispositif de cointervention, souligne d’abord l’importance de s’intéresser non seulement à la mise en œuvre des pratiques de soutien du développement langagier, mais également à leur familiarisation avec les modalités de cointervention et de rétroaction. Les éducatrices doivent, conjointement avec l’orthophoniste, construire une dynamique d’alternance des rôles durant les rencontres dans les groupes, c’est-à-dire juger à quel moment elles doivent observer davantage l’orthophoniste, à quel

moment elles doivent interagir elles-mêmes avec les enfants, etc. Elles doivent aussi apprendre à cibler les moments clés sur lesquels revenir ensuite durant les sessions de rétroactions.

Or, si les éducatrices mentionnent fréquemment l’apport des modèles de pratiques de soutien du développement langagier proposées par l’orthophoniste durant ces rencontres de cointervention, de même que les rétroactions offertes par celle-ci sur leurs interactions auprès des enfants, il s’avère tout autant essentiel qu’elles apprennent elles-mêmes à poser un regard réflexif sur leurs propres pratiques. Il est avancé dans le premier article que le développement d’une pratique réflexive, qui n’est pas nécessairement naturelle et intégrée chez les éducatrices, mériterait de recevoir une attention accrue dans le dispositif.

Également, les témoignages des éducatrices confirment l’importance de l’individualisation des objectifs de développement professionnel en fonction de leurs forces, des défis qu’elles trouvent pertinent de relever, de même que des besoins des enfants de leur groupe. Cela a renforcé leur impression que le dispositif était pertinent et a permis de consolider leur engagement dans la démarche.

Enfin, l’intégration du soutien du langage au sein des autres tâches inhérentes au travail d’éducatrice en CPE est au cœur de nombreuses discussions entre les éducatrices et l’orthophoniste. Or, le dispositif ne comportait pas de modalité spécifique pour accompagner ces réflexions. Cela aurait pu se faire en intégrant, par exemple, des discussions entre collègues ou avec la direction. Ces discussions auraient permis de réfléchir au rôle de l’éducatrice dans le développement langagier des enfants, et à l’intégration des pratiques au sein du quotidien, comme le recommandent Zaslow et al. (2010).

Les analyses du troisième article confirment ce qui est avancé dans le premier article, en faisant notamment ressortir l’importance d’individualiser les objectifs pour chaque éducatrice. Ce troisième article émet de plus un questionnement sur la pertinence d’augmenter la durée du dispositif afin de réellement parvenir à intégrer des transformations dans les pratiques quotidiennes des éducatrices. Cet article interroge aussi la place prépondérante accordée à la modalité de cointervention dans le dispositif par rapport aux autres modalités — formation et sessions de rétroactions. En fonction de ce qui a été mentionné précédemment, ce questionnement ouvre la porte à l’ajout de nouvelles modalités au moment de la conception du dispositif. La pratique réflexive pourrait y être plus prépondérante. Enfin, la discussion du troisième article mentionne l’intérêt de mieux comprendre comment l’orthophoniste joue son rôle d’accompagnatrice auprès de l’éducatrice, quelles stratégies sont les

plus efficaces à mettre en place (à l’instar de l’étude de Neuman et Wright (2010) et comment se développe la relation de collaboration avec chaque éducatrice (Spino et al., 2013). Une relation symétrique entre l’orthophoniste et les éducatrices était visée dans le contexte de la cointervention, notamment par une alternance des rôles dans les rencontres et des espaces de discussions où chacune pouvait exprimer son expertise et la complémentarité de ses pratiques. Cependant, selon les commentaires des éducatrices, cette relation de partenariat n’apparait pas si évidente à actualiser, l’orthophoniste serait encore trop cantonnée dans un rôle d’experte. Ces pistes de réflexion demeurent à explorer.

Ainsi, si l’objectif de concevoir et mettre en œuvre un dispositif de développement professionnel auprès de quatre éducatrices en CPE est effectivement atteint, les résultats ciblent aussi des éléments à ajuster dans la conception éventuelle d’un prochain cycle de mise à l’essai du dispositif (McKenney et Reeves, 2014).