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Chapitre 2 — Le cadre conceptuel

2.2 Une perspective sociointeractionniste du développement langagier

2.2.2 Les pratiques de soutien du développement langagier

Il existe une abondance de recherches qui décrivent et documentent des pratiques de soutien du développement langagier utilisées par les éducatrices dans leurs interactions verbales avec les enfants (p. ex. : Dickinson et al., 2014; Dockrell et al., 2012; Dockrell et al., 2015; Girolametto et Weitzman, 2002; Justice et al., 2008; Justice et al., 2018). La terminologie et la classification des pratiques diffèrent légèrement d’un chercheur à l’autre, mais les principes sous-jacents, évoqués précédemment, demeurent sensiblement les mêmes (pour une liste des pratiques les plus documentées, voir les travaux de Dockrell et al. (2012), qui ont réalisé une recension des écrits sur les pratiques pour soutenir le développement langagier).

Dans la présente étude, les travaux de Girolametto et Weitzman (2002), fréquemment cités dans différentes études au Canada et à l’international, ont servi de base pour proposer une classification des pratiques de soutien du développement langagier (p. ex. : Eadie et al., 2019; McDonald et al., 2015; Piasta et al., 2012). Dans leur programme LLLI (Girolametto et al., 2006), ces chercheurs proposent de classifier les pratiques utilisées par les éducatrices en service de garde éducatif en trois domaines : (a) les pratiques pour se centrer sur les enfants (en anglais, child-centered practices); (b) les pratiques pour promouvoir les interactions verbales (en anglais, interaction-promoting practices); et (c) les pratiques pour enrichir le langage (en anglais, language-development practices). Dans le cadre de la thèse, leurs travaux ont été révisés à la lumière d’autres études, notamment Dockrell et al. (2015), Friel et al. (2007), Justice et al. (2008), Barnes et al. (2017) et Wasik et Hindman (2012), afin de proposer un cadre d’analyse des pratiques de soutien du développement langagier. Ce cadre a permis à la fois de soutenir le contenu proposé aux éducatrices dans le dispositif de développement professionnel et de contribuer à l’adaptation d’une grille d’observations des pratiques de soutien du développement langagier, qui sera décrite à la section sur la méthodologie, au chapitre 3. Le Tableau

1 présente les pratiques du soutien du développement langagier décrites par ces différents chercheurs, ici sous-divisées en 4 catégories, la première catégorie étant issue des travaux de Friel et al., 2007 et les trois autres catégories de la proposition de Girolametto et Weitzman (2002).

Tableau 1

Pratiques de soutien du développement langagier répertoriées dans les écrits

Articles répertoriés Pratiques pour créer un environnement propice à la communication

L’éducatrice se positionne activement pour être à la hauteur des enfants.

(Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002)

L’éducatrice participe activement à l’activité en cours. (Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002)

L’éducatrice ajuste la complexité de son langage au niveau de développement langagier des enfants.a

(Friel et al., 2007)

L’éducatrice suscite la participation verbale et non verbale des enfants, spécialement celle des enfants peu engagés.

(Dockrell et al., 2012; Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002; Justice et al., 2008)

L’éducatrice entretient des échanges de plus de 4 tours de parole (2 aller-retours) avec les enfants.

(Cabell et al., 2015; Dockrell et al., 2012; Girolametto et Weitzman; 2002; Justice et al., 2008)

Pratiques pour se centrer sur les enfants

L’éducatrice observe et écoute de façon attentive et réceptive.

(Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002)

L’éducatrice évite de dominer la conversation. (Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002)

L’éducatrice répond aux initiatives verbales et non verbales des enfants.

(Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002)

L’éducatrice n’ignore pas (ou ne répond pas vaguement) aux tentatives de communication des enfants.

(Dockrell et al., 2012; Friel et al., 2007)

L’éducatrice utilise un rythme lent et/ou adapté qui permet aux enfants de participer aux échanges.

(Dockrell et al., 2012; Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002; Wasik et Hindman, 2018)

Pratiques pour promouvoir les interactions verbales

L’éducatrice facilite les échanges entre les pairs. (Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002)

L’éducatrice fait un commentaire en réponse à l’enfant. (Barnes et al., 2007; Friel et al., 2007; Levickis et al., 2018)

L’éducatrice initie un commentaire. (Barnes et al., 2007; Dockrell et al., 2012; Friel et al., 2007; Justice et al., 2008)

L’éducatrice pose une question à réponse ouverte. (Dockrell et al., 2012; Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002; Justice et al., 2008)

L’éducatrice pose une question à réponse fermée. (de Rivera et al., 2005; Dockrell et al., 2012, Friel et al., 2007)

Tableau 1 (suite)

Pratiques de soutien du développement langagier répertoriées dans les écrits (suite)

Pratiques pour enrichir le langage

L’éducatrice met l’accent sur certains mots ou les répète pour les rendre saillants.

(Barnes et al., 2017; Dwyer et Schachter, 2020; Dockrell et al., 2012; Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002; Levickis et al., 2018)

L’éducatrice répète intégralement ce qu’a dit un enfant. (Dockrell et al., 2012; Justice et al., 2008; Levickis et al., 2018; Wasik et Hindman, 2012)

L’éducatrice reformule l’énoncé d’un enfant en précisant la prononciation, la syntaxe ou le contenu.

(Dockrell et al., 2012; Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002; Justice et al., 2008; Levickis et al., 2018)

L’éducatrice fournit ou amène les enfants à formuler une explication à propos d’un objet, d’une action, d’un évènement, d’un mot, etc.

(Barnes et Dickinson, 2017b; Dwyer et Schachter, 2020; Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002)

L’éducatrice utilise ou amène les enfants à recourir à du langage décontextualisé (inférer, prédire, réfléchir, parler des sentiments, d’une situation imaginaire, du passé ou du futur).

(Barnes et Dickinson, 2017b; Friel et al., 2007; Girolametto et Weitzman, 2002)

Notes. a Selon Friel et al. (2007), l’ajustement de l’adulte au niveau langagier des enfants devrait être

concomitant à chaque autre pratique utilisée. b Les questions à réponses fermées incluent toutes les questions

dont la réponse est déjà connue de l’éducatrice, les questions dont la réponse se limite à un seul mot, les questions à choix et les questions de type oui/non. Dans les travaux de Friel et al. (2007), ces questions sont considérées comme des pratiques qui peuvent limiter les possibilités des enfants de participer aux conversations. Cependant, selon d’autres chercheurs, elles permettent aussi à l’éducatrice de s’adapter à certains enfants moins loquaces et de relancer efficacement l’échange (Barnes et Dickinson, 2017a; Barnes et al., 2017; de Rivera et al., 2005; Lee et al., 2012; Levickis et al., 2018; Massey et al., 2008; Meacham et al., 2014; Wasik et Hindman, 2013). Elles sont donc incluses dans cette sélection.

Ces pratiques sont généralement décrites en termes de fréquence d’utilisation par les éducatrices. Toutefois, la fréquence ne serait pas le seul déterminant du soutien du développement langagier offert aux enfants. Leur ajustement en fonction du niveau langagier de l’enfant serait également essentiel pour que les modèles langagiers offerts par l’adulte se situent dans la zone proximale de développement des enfants (Barnes et al., 2017; Dickinson et McCabe, 1991). L’utilisation d’une diversité de ces pratiques, dans des moments opportuns, auprès de l’ensemble des enfants du groupe serait également à considérer (Cabell et al., 2015; Pentimonti et Justice, 2010). De plus, les pratiques auraient davantage de répercussions sur le développement langagier des enfants, notamment sur leur vocabulaire, lorsqu’elles sont enchâssées dans une conversation, ce qui permettrait notamment à l’adulte d’être davantage synchrone aux énoncés des enfants (Cabell et al., 2015).