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Du territoire aux territoires, une nouvelle politique d’aménagement depuis les années

et met en œuvre des critères précis de validation » ; d’autre part, « elle élabore des méthodes qui lu

POSITIVISME CONSTRUCTIVISME Finalité

I.4. Aménager les territoires

I.4.3. Du territoire aux territoires, une nouvelle politique d’aménagement depuis les années

Les processus de mondialisation et de métropolisation engendrent des effets sociaux, économiques, environnementaux, politiques qui génèrent une certaine inquiétude parmi la population. Le concept de développement durable tend à se préciser dans le discours des institutions et ne se restreint plus à la gestion de ressources naturelles et économiques. Il comprend également une perspective sociale, ce qui incite les différents acteurs à se positionner dans ce nouveau contexte.

En 1991, la commission européenne publie un Livre Vert2 sur l’environnement qui fait figure de manifeste. Dès 1993, l’U.E. définit sa position dans ce domaine et l’intègre à sa politique :

« le terme durable définit une politique et une stratégie qui favorisent un développement économique et social3 continu sans porter atteinte à

1

V. ROCHE, « Impacts de l’incertitude et de l’ambiguïté dans la pratique des SIRS : exploration à l’aide d’études de cas en assainissement industriel », Thèse de Doctorat, ENSM-SE et UdM, 2000, 355 pages, p. 87.

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« L’objectif est double : réfléchir sur l’amélioration des conditions de vie en milieu urbain et sur les

mesures locales susceptibles de contribuer à la résolution des problèmes globaux d’environnement ». D.

COURET, A. OUALET, B. TAMRU, « L’introuvable ville durable », dans N. MATHIEU, Y. GUERMOND, « La ville durable, du politique au scientifique », Editeurs scientifiques (CEMAGREF, Cirad, Ifremer, INRA), Paris, 2005, 285 pages, pp.47/56, p. 48.

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l’environnement et aux ressources naturelles, bases de l’activité humaine et des développements futurs1. »

En 1994, la charte d’Alborg2, charte des villes européennes pour un développement

durable, pose le cadre de cette démarche en Europe. La campagne des villes

européennes pour un développement durable qui lui fait suite vise à encourager les initiatives de collectivités locales souhaitant se lancer dans un processus de

développement durable. La politique régionale européenne (qui prend véritablement

son essor pendant cette période) repose sur les mêmes valeurs s’articulant autour de grands principes3.

L’Etat français entre lui aussi dans une nouvelle phase et intègre ces nouvelles conceptions à ses propres pratiques. Les efforts ne portent plus seulement sur la protection de l’environnement, comme dans la période précédente4. A partir des années 80, il s’agit de concilier développement économique et préservation des espaces5. L’approfondissement de la décentralisation, lancée en 1982, a entraîné l’apparition d’une pluralité d’acteurs publics et privés dont les stratégies et les rôles sont plus ou moins bien délimités. Dès lors, la démarche ne peut plus être entièrement pilotée depuis Paris. Ainsi, en 1993/1994, un large débat national sur l’aménagement

du territoire est engagé, revêtant plusieurs objectifs. Il s’agit de sensibiliser la

population aux enjeux territoriaux, de mobiliser l’opinion publique et les acteurs locaux. L’aboutissement en sera la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du Territoire (L.O.A.D.T.) du 04/02/1995. Ce dispositif sera complété par une importante législation. En 1999/2000, l’Etat intègre le développement durable dans l’intitulé d’une nouvelle loi6. Avec l’étalement des espaces urbanisés, les acteurs publics sont incités à changer leurs comportements et développer des synergies au niveau local et renforcer la solidarité entre les territoires : des établissements publics

1

A. BAILLY, P. BRUN, R. J. LAWRENCE, M.-Cl. REY, « Développement social durable des villes : principes et pratiques », Anthropos, Paris, 2000, 170 pages, p. 5.

2

Cette charte rédigée pendant la conférence d’Alborg (Danemark), réunie sous l’égide de la commission européenne, engage les collectivités locales signataires à réaliser un Agenda 21. Cette démarche fait suite à la Conférence de Rio (1992).

3

Les fonds versés s’additionnent aux subventions nationales, ils sont concentrés sur des territoires et publics en difficultés, la programmation est pluriannuelle et un partenariat entre les différents échelons du territoire est nécessaire.

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Création de parcs nationaux (La Vanoise fut le premier en 1969), du ministère de l’environnement (1971), du conservatoire du littoral (1975), de l’obligation de réaliser une étude d’impact environnemental avant tout aménagement (1976).

5

Les lois Montagne (1985) et Littoral (1986) sont conçues dans cette démarche.

6

Il s’agit de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (25/06/1999). L’aménagement des espaces ruraux est aussi revu avec la loi d’orientation agricole (/07/1999).

de coopération intercommunale (E.P.C.I.) sont créés et dotés d’un certain nombre de compétences1. Pour renforcer la solidarité et la cohérence de ces nouveaux territoires2, de nouveaux documents d’urbanisme sont créés afin de construire des projets globaux et assurer un équilibre entre développement urbain, qualité de vie et mixité sociale de l’habitat : dans les communes, les Plans Locaux d’Urbanisme (P.L.U.) remplacent les P.O.S. ; les agglomérations doivent réfléchir sur leur projet de développement en réalisant un Schéma de Cohérence Territoriale (S.C.O.T.). En 2003, ce dispositif est encore renforcé3 pour inciter les collectivités locales à réagir face à la ségrégation socio spatiale touchant les espaces urbains. Les nouvelles lois de décentralisation votées en 2004 renforcent les prérogatives des collectivités territoriales en les incitant à prendre des initiatives et signer des contrats avec l’Etat, mais aussi entre elles. Des schémas sur les services collectifs sont élaborés par les régions avec une approche qualitative : ce n’est plus l’offre d’équipement qui prime mais ce sont les services rendus et les usages qui peuvent en être faits. Cela devient difficilement réalisable sans la mise en place d’une démarche participative.

En parallèle, l’Etat continue sa démarche pour positionner le territoire français dans la concurrence internationale4. L’adéquation des réseaux de communication est posée et se traduit par les schémas nationaux pour les liaisons ferroviaires à grande vitesse et le réseau routier. Surtout, une attention importante est donnée au positionnement dans la recherche et l’innovation : dès 1992, le plan Université 2000 est rédigé, suivi de livres blancs sur la recherche et la technologie. Un effort est fait sur les Technologies de l’Information et de la Communication (T.I.C.). L’essor de l’Internet grand public à partir de 1995/1996 nécessite de développer des réseaux numériques à haut débit. Leur présence a un effet structurant sur les territoires et se traduit en termes économiques et organisationnels, mais aussi sociaux et culturels. C’est une période d’euphorie devant le potentiel estimé de ces technologies et de nombreux projets naissent, comme le projet Vercors connect à partir de 1994, proposant de

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Loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (12/07/1999) promouvant 2 types de structures intercommunales : la communauté d’agglomération (regroupant les communes volontaires d’une unité urbaine comptant plus de 50 000 habitants) et la communauté urbaine (pour les unités urbaines supérieures à 500 000 habitants). Les communes choisissent d’appartenir ou non à la structure intercommunale qui doit cependant conserver une continuité spatiale. Des syndicats mixtes, avec des compétences plus restreintes, permettant la gestion de services collectifs (distribution de l’eau, traitement des eaux usées, collecte des déchets…) se trouvent renforcés, leurs champs de compétences et leur espace d’intervention élargis.

2

Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (13/12/2000).

3

Loi Urbanisme et Habitat du 2/07/2003.

4

La transformation de la D.A.T.A.R. en Délégation à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires (D.I.A.C.T.) à partir du 01/01/2006 en est un exemple.

nouvelles formes de travail en réseau, dans des territoires considérés encore comme enclavés.

Les initiatives récentes (2006) concernant la désignation de pôles de compétitivité illustrent ces nouvelles démarches de l’aménagement des territoires avec une articulation forte entre les potentialités d’un espace local dynamique et la volonté de positionner le territoire français vis-à-vis d’une concurrence mondiale.

I.4.4. Conclusion

En cinq décennies, la politique d’aménagement du territoire s’est considérablement modifiée, passant d’un système de planification étatique avec son organisation hiérarchique descendante à une démarche laissant une autonomie au niveau local pour construire des projets de développements articulés avec ceux des autres mailles territoriales. L’introduction du développement durable dans les discours et la législation modifie les représentations et le jeu des acteurs. Face à ce changement de valeurs et de méthode, les attentes ne sont évidemment plus les mêmes. De nombreux acteurs sont incités à participer et doivent prendre des décisions engageant leur territoire pour l’avenir. Dans ce nouveau contexte, les capacités d’analyse et de compréhension des phénomènes sont très importantes, d’autant plus que les négociations se font sous le mode de la gouvernance, terme qui recouvre des réalités très différentes. Pour faire en sorte que l’implication de tous les acteurs soit possible, il est nécessaire de changer des comportements. La simple information au public, caractérisée par l’énonciation et l’explication des orientations choisies par d’autres acteurs ne répond plus aux attentes. Construire une négociation, c'est-à-dire rechercher pacifiquement un accord entre intervenants concernés, dont les intérêts sont potentiellement opposés, ne pourra se faire qu’en élevant le niveau de connaissances de tous les acteurs, ce qui nécessite une démarche éducative cohérente. Trop souvent encore

« les services techniques urbains continuent malgré tout, le plus souvent, de confondre la « participation démocratique aux décisions » avec la « politique de communication » : des réunions et expositions sont organisées pour que la population comprenne bien les projets qu’ils ont l’intention de réaliser »1.

1

La participation peut être définie comme

« l’ensemble des possibilités démocratiques, offertes à la population, de collaborer à la prise de décision. Une participation authentique est alors un engagement actif des citoyens dans la résolution des problèmes qu’ils jugent essentiels et pertinents et dont ils peuvent effectivement concourir à élaborer et contrôler les solutions1 ».

Construire une solution en commun dans un contexte démocratique nécessite de partager le pouvoir. La participation devrait être conçue comme un échange entre des décideurs qui accordent un certain pouvoir aux administrés et ces mêmes administrés qui acceptent en contrepartie de se mobiliser en faveur d’un projet d’aménagement. Ce n’est pas le pouvoir de décision qui est ici en cause (il ne s’agit pas de revenir sur le mandat donné à des élus par le suffrage universel), mais bien celui de proposer, de discuter, de négocier. Lorsque les acteurs sont nombreux, la confrontation est plus importante car les avis sont plus nombreux et la négociation plus longue. Intégrer ces nouveaux paramètres ne se fait pas simplement, la formation reçue par chacun dans ce domaine étant alors très importante.

« Si en effet l’aménagement du territoire se définit comme l’art, à la fois, de

disposer justement un territoire et d’en disposer efficacement – retrouvant en cela la dialectique efficacité-équité qui fonde toute politique économique – cela ne saurait se faire sans un minimum de représentation conceptuelle de ce territoire » 2

C’est bien ici que se situe l’enjeu démocratique pour assurer une cohésion socio spatiale aux différents (et entre les) territoires : au-delà d’informer, former tous les

acteurs, des élus aux citoyens pour qu’ils puissent jouer leur rôle pleinement.

1

J. RUEGG, N. METTAN, L. VODOZ, ibidem, p. 81.

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