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aussi peut être normative ; l’observation et la recherche intensifiées par le recours à un média donné ; la

I.5.3. Quelles formations géographiques en France ?

I.5.3.2. Quelle géographie dans l’enseignement supérieur ?

Après l’obtention du baccalauréat, les futurs étudiants choisissent des cursus qui pour beaucoup d’entre eux ne contiennent plus de géographie. Pour autant, il en est certains qui poursuivent leur formation dans ce domaine, avec des objectifs différents.

L’approfondissement des connaissances géographiques passe par un cursus universitaire dispensé dans les différents départements de géographie1 et structuré dans un parcours Licence / Master / Doctorat (L.M.D.). Il n’existe pas, comme pour l’enseignement primaire et secondaire, de programme défini au niveau national. Chaque département de géographie construit ses contenus en fonction d’orientations qu’il se donne et du profil de son université de rattachement2. Toutefois, une démarche commune se retrouve partout : la géographie est une science sociale et les étudiants reçoivent une formation qui diffère très fortement de ce qu’ils ont pu connaître dans le secondaire. Quelle que soit l’université, les contenus intègrent la complexité, la démarche systémique et les concepts, abordés dès la Licence (la plupart du temps lors des semestres 1 ou 2 de la première année). De même, l’utilisation des T.I.C. est généralisée, que ce soit d’une façon globale (recherche documentaire, consultation de documents multimédia) ou spécifique (cartographie assistée par ordinateur [C.A.O.] et S.I.G.). Le territoire prend ainsi une consistance importante pour les étudiants et le rôle du géographe dans la société est posé.

En revanche, en regardant plus en détail les formations dispensées, des différences apparaissent entre les universités. En comparant les cursus de Licence de quatre universités (Université de Provence Aix-Marseille 1, Université de Bordeaux III, Université J. FOURIER Grenoble I, Université du Havre), nous pouvons constater que les étudiants n’accèderont pas aux mêmes contenus (ANNEXE III).

En lisant l’intitulé des différentes unités d’enseignement sur les trois années de la Licence, certains concepts géographiques apparaissent : des nouveaux comme

territoire et espace sont cités dans trois centres (Bordeaux, Aix et Grenoble) sur quatre

(Le Havre ne les mentionne pas) ; un ancien concept comme milieu est présent à Bordeaux (milieux et sociétés) et au Havre (avec l’adjectif naturel qui lui est accolé).

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70 sites sont recensés, répartis dans les différentes régions françaises et rattachés à des universités de Sciences humaines et sociales (le plus fréquemment), ainsi qu’à des universités de Sciences de la Terre ou des Ecoles Normales Supérieures, des Instituts Polytechniques, des Instituts d’Urbanisme ou des Maisons de Sciences de l’Homme. Source : http://cnfg.univ-paris1.fr/babylone/univfr.htm.

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Des liens forts existent entre les départements de géographie et de sociologie (comme au Havre). Les relations avec les départements d’histoire sont importantes, notamment pour la préparation des concours de l’enseignement. Ainsi, selon les universités, des parcours différents sont introduits, dès la Licence.

Seul le centre du Havre utilise le terme d’environnement (milieu naturel et environnement en Licence 1). Ces intitulés, ainsi que les horaires qui sont affectés à chaque unité d’enseignement, induisent des choix qui ne sont pas neutres : selon leur lieu d’études, les étudiants ne pratiqueront pas la même géographie. Ces différences traduisent l’appartenance à des courants divers de la géographie et sont à resituer par rapport à l’évolution du paradigme de la discipline. Les départements de géographie des universités d’Aix- Marseille, Grenoble et le Havre font très nettement le choix de l’analyse spatiale : outre les unités d’enseignement communes à tous leurs étudiants, elles proposent parmi leurs parcours, deux options spécifiques (dès la Licence 2 pour Grenoble), l’une portant sur l’aménagement (et la gestion des territoires à Aix- Marseille), l’autre sur la modélisation (traitement de l’information géographique à Aix- Marseille, géomatique à Grenoble). L’université du Havre propose, elle, un parcours en aménagement à partir de la Licence 3. Les enseignants chercheurs de Bordeaux se positionnent, eux, beaucoup plus, en géographie culturelle, insistant sur les relations milieux / sociétés : les parcours proposés sont plutôt centrés sur le développement et l’environnement (Bordeaux)1.

A partir des informations contenues sur les sites Internet des universités, il est impossible de se rendre compte des méthodologies utilisées par les enseignants : seules des indications nous sont données sur la répartition horaire entre les cours magistraux et les travaux dirigés. Les différences, là aussi, sont importantes, tant au niveau des quantités horaires que de la répartition : en Licence 1, un étudiant de Grenoble suivra 173 heures de cours magistraux (contre 90 heures au Havre) et 136 heures de Travaux Dirigés (contre 151 heures au Havre)2. A partir de la Licence 3, selon les parcours choisis, les blocs horaires ne dissocient plus cours magistraux et travaux dirigés (comme à Grenoble, avec des intitulés 20 heures de cours – T.D.).

Dans toutes les universités, les parcours de formation proposés aux étudiants intègrent des aspects épistémologiques et méthodologiques. Il est patent que selon l’université dans laquelle ils ont poursuivi leurs études, ils n’auront pas la même approche de la discipline et ne donneront pas la même signification à ses concepts fondamentaux. Cependant, ces géographes ont tous reçu une formation à l’analyse spatiale et au maniement de concepts. Cette démarche doit leur permettre de passer

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En Aquitaine, le courant de la géographie dominant est la géographie sociale (démarche développée par G. DI MEO).

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Ces échantillons horaires ne concernent que les unités d’enseignement correspondant à la géographie. Au Havre, un étudiant suivra en plus 48 heures de cours et 30 heures de T.D. (parcours géographie et histoire). A Grenoble, un étudiant suivra en plus 44 heures de cours et 44 heures de T.D. en histoire, ainsi qu’une unité transversale ou d’ouverture à choisir dans une liste (horaires non communiqués).

de la situation de destinataires de discours géographiques à celui d’émetteur de ce discours, non seulement pour ceux qui se destinent aux concours de l’enseignement (environ 4 sur 10), mais aussi pour ceux qui s’impliqueront dans les problématiques d’aménagement du territoire (en tant que professionnel soit 6 sur 10).

I.5.4. Conclusion

Pour être véritablement acteur de son territoire, il est nécessaire de s’en construire une conception plurielle, c'est-à-dire qui dépasse les représentations élaborées à partir des seules perceptions. Pour obtenir ce résultat, la nécessité d’une formation est posée. Celle-ci ne peut se réaliser que par la conjonction d’efforts individuels (se former en tant qu’individu nécessite des efforts intellectuels importants) et collectifs. Le système de formation mis en place en géographie est conséquent, toutes les personnes ayant connu un enseignement de cette discipline scolaire au minimum pendant la scolarité obligatoire. Tous les citoyens possèdent alors ces savoirs de base dispensés à l’école. Pour autant, malgré les changements et améliorations des programmes, sont-ils suffisants pour que chacun puisse s’impliquer activement dans les processus d’aménagement des territoires ?

Un manque de cohérence apparaît dans ce système de formation : géographies scolaire et universitaire ne fonctionnent pas sur les mêmes bases. Les méthodes et les savoirs (concepts fondamentaux) se construisent à partir des travaux de recherche conduits à l’université. En étant clarifiés, diffusés, discutés, ils pourraient modifier les contenus de la géographie scolaire. Ces formations devraient ensuite se poursuivre tout au long de la vie, comme le préconisent les directives européennes. Les professionnels de la géographie (comme les enseignants) sont bien sûr concernés, ainsi que les élus, qui à travers leur mandat prennent des décisions engageant l’avenir de leur territoire. L’ensemble des citoyens, en définitive, devrait bénéficier de ces nouvelles approches pour être à même de s’impliquer dans les problématiques d’aménagement du territoire et permettre, comme l’indiquent les principes du développement durable, de jouer le jeu de la gouvernance politique et sociale.

Avec l’utilisation des T.I.C., de plus en plus accessibles, de nouveaux parcours de formation sont à envisager, en présentiel comme à distance, potentiellement accessibles à un public large : des scolaires de l’enseignement primaire jusqu’aux personnes souhaitant reprendre des études, ou plus simplement se mettre à jour pour

pouvoir comprendre les tenants et aboutissants des projets d’aménagement, du citoyen à l’élu, quel que soit leur âge. Des expérimentations menées avec des élèves et des étudiants pourraient-elles être adaptées et étendues à tous les publics ?