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aussi peut être normative ; l’observation et la recherche intensifiées par le recours à un média donné ; la

I.5.3. Quelles formations géographiques en France ?

I.5.3.1. De l’école élémentaire au lycée, la lente émergence du territoire

« Va-t-on continuer longtemps à imposer des contenus incohérents, par réductions successives à partir de ce qui est demandé dans les classes préparatoires aux grandes écoles, ceci déterminant le travail des classes de terminales, ce qui induit par nécessité, les programmes antérieurs jusqu’au début du secondaire et même avant2 ? »

La question posée par ces deux auteurs révèle un problème important, lié à la construction des programmes pour définir les contenus à enseigner. Ceux-ci sont

1

Relevons par exemple la place de la France sous la moyenne des pays de l’O.C.D.E. pour le niveau d’éducation de sa population active. J. C. LEWANDOWSKI, « Les nouvelles façons de former. Le e- learning, enjeux et outils », Editions d’Organisation, Paris, 2003, 373 pages, pp. 9/10.

2

A. GIORDAN, G. DE VECCHI, « Les origines du savoir, des conceptions des apprenants aux concepts scientifiques », Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 2ème édition, 1994, 212 pages, p. 4.

conçus par l’institution en référence avec les besoins de la société. Sont-ils pour autant cohérents ? L’objectif clairement affiché du projet éducatif concernant la géographie (et l’histoire puisque les deux disciplines sont accolées dans notre système éducatif) repose d’une part sur un enjeu scientifique. Il correspond à

« une étude précise des contenus scientifiques (…), vocabulaire et notions essentielles, nouveaux problèmes et nouvelles approches, langages spécifiques. Il se nourrit des problématiques et des avancées de la recherche universitaire1 ».

D’un autre côté, il doit permettre un développement de la citoyenneté à travers une meilleure compréhension du monde contemporain, dont

« les lycéens doivent identifier les acteurs, les enjeux, les lignes de force2 ».

Pour atteindre ces objectifs, des programmes d’enseignement sont construits et répondent à une logique pensée par l’institution. Le projet repose sur l’acquisition d’apprentissages fondamentaux, ce qui se décline en une appropriation de

connaissances (dans un objectif de compréhension et non plus encyclopédique), le

développement d’une capacité de réflexion et d’autonomie, ainsi que la maîtrise des

méthodes d’analyse et de modes d’expression. Cette construction de programmes

repose sur des compromis entre différents courants de la géographie et ne donne pas vraiment une vision claire de la science géographique. Du côté des contenus, l’ensemble apparaît encore comme un catalogue de nomenclatures et de descriptions, sans logique précise a priori. A partir des années 80 pourtant, des géographes didacticiens se sont emparés du problème, partant du fait que l’élève est

« confronté à des connaissances qui lui parviennent de toutes parts, éclatées, ponctuelles, le problème est de lui faire acquérir des structures (notions et concepts) qui lui permettront de les ordonner. Pour cela, un certain nombre de clés de compréhension, de décryptage, d’organisation sont nécessaires. Ce sont les notions et concepts3 ».

Il faudra attendre le début du XXIème siècle pour qu’un programme de lycée mentionne explicitement les notions fondamentales à acquérir, et établisse les rudiments d’un réseau conceptuel4.

1

. Accompagnement des programmes de lycée, C.N.D.P. Paris, 2003, p. 5.

2

Accompagnement des programmes de lycée, C.N.D.P., Paris, 2003, p. 5.

3

M. CLARY, R. FERRAS, « Géographie à l’école et au-delà », L’Espace Géographique, Belin-Reclus, Paris, 1989, n°2, p. 120.

4

Une trame conceptuelle est proposée pour les programmes de lycée. Accompagnement des programmes de lycée, C.N.D.P., Paris, 2003, p. 19.

Par une lecture conceptuelle des programmes, le paradigme d’une science sociale ayant le territoire comme concept majeur transparaît, même si des discordances sont encore visibles, avec la présence de concepts anciens comme milieu et genre de vie1. Les notions mobilisées s’enrichissent avec l’âge, passant d’aspects seulement topologiques (liés à l’organisation de l’espace aux cycles 1 et 2 du primaire) à l’ensemble des démarches de l’analyse spatiale à partir du cycle 3 et jusqu’en terminale (tableau 2). D’après M. MASSON-VINCENT2 Espace support Notions générales / concepts organisateurs Processus Ecole maternelle et cycle 2 de l’école élémentaire • Classe • Cour • Quartier • Ville • Village • Moi • Mes proches • Les habitants du quartier • Ville • Village • Structuration de l’espace • Localisation • Notions topologiques Ecole élémentaire cycle 3 • Du local au mondial (paysages) • Acteurs • Densité • Enjeux spatiaux • Espace social • Paysage • Solidarité • Territoire • Différenciation Distribution des hommes • Intégration spatiale • Organisation spatiale Collège • Du local au mondial • Acteurs • Aménagement • Densité • Identité • Paysage • Système productif • Différenciation (humaine, économique, culturelle) • Distribution des hommes • Intégration socio- spatiale • Organisation spatiale Lycée • Du local au mondial • Acteurs • Aménagement • Environnement • Milieu • Puissance • Réseaux • Territoire • Organisation spatiale • Différenciation • Intégration socio- spatiale

Tableau 2 : organisation conceptuelle des enseignements de géographie

1

Des concepts anciens comme milieu et genre de vie sont encore présents dans les programmes du cycle 3. Le milieu géographique réapparaît aussi en terminale !! Dans les programmes de lycée, le concept central est organisation de l’espace.

2

Pour l’appropriation du concept d’espace, les programmes préconisent une approche centrée sur le concept de paysage, l’objectif étant de

« faire comprendre aux élèves l’interaction qui s’opère entre un milieu

physique, son exploitation biologique et l’action de l’homme qui se manifeste

[aussi bien] par les traces historiques laissées par les sociétés du passé que

par les préoccupations économiques et les valeurs sociales du présent1 ».

Les acteurs, quel que soit l’âge des élèves, sont présentés de la même façon,

« de moi aux acteurs qui agissent au niveau mondial2 ».

Du côté des méthodes, la situation paraît aussi confuse. Bien que la volonté affichée soit d’aborder les nouvelles approches de la recherche scientifique, les méthodes préconisées restent plutôt traditionnelles. Elles reposent sur l’étude de documents qui sont analysés en partant de la description jusqu’à l’explication. L’espace est alors appréhendé et non pas construit par les élèves. A partir du collège, les programmes induisent une démarche multiscalaire, appuyée sur les outils de la géographie, dont la carte et le croquis sont les éléments majeurs. La photographie est aussi mise en avant, notamment en sixième avec l’étude obligatoire de douze paysages différents, et approfondie à partir du lycée en insistant sur l’utilisation d’images plus complexes comme les images satellitales ou celles réalisées avec les Systèmes d’Information Géographique (S.I.G.). Cette approche trouve son aboutissement dans les études de cas en seconde, présentées comme les moyens idéaux pour mettre en place

« les problématiques nécessaires à l'appropriation des savoirs et [elles] constituent l'apprentissage du raisonnement géographique3 ».

Cette posture privilégie nettement une démarche inductive, le cas étudié devant ensuite être contextualisé et aboutir à des généralisations. Nous pouvons ici relever une contradiction par rapport à la démarche scientifique qui est hypothético-déductive dans son fondement et abductive dans sa démarche4. Une ambiguïté forte apparaît

1

Etudié à partir du cycle 3 du primaire, ce concept est central dans le programme de sixième des collèges, et reste présent ensuite jusqu’en Terminale Accompagnement des programmes de sixième, C.N.D.P., 2002, p. 34. Nous pouvons relever dans cet intitulé l’ordre des éléments cités : le milieu physique précède l’action de l’homme et les traces historiques celles des aspects présents.

2

M. MASSON-VINCENT (dir), (2005), ibidem, p. 23.

3

Programmes de géographie de seconde. B.O.E.N. hors-série n° 6 du 29 août 2002. Les recommandations sont claires et imposent de commencer chaque thème (en seconde) par l’étude de cas, avant toute autre réflexion.

4

Parmi les quatre hypothèses de Descartes, la troisième est méthodologique et se traduit par un réductionnisme de méthode afin de décomposer la réalité en parties, elles mêmes réelles et donc connaissables ; la quatrième est aussi méthodologique en ce qu’elle affirme le principe de la raison

lorsqu’il est demandé de problématiser les approches : comment le faire à partir d’un ensemble de documents sans référence à des concepts ? La question n’est pas élucidée par les recommandations officielles1.

Pour ce qui est des T.I.C.E., l’usage en est fortement encouragé. Les programmes reconnaissent que leur intégration raisonnée peut servir une plus grande efficacité de l’enseignement et contribuer à l’implication de chaque élève. En 2003, l’Etat, en relation avec les collectivités territoriales et ses services décentralisés a mis en place le Schéma Directeur des Environnements Numériques de Travail (S.D.E.T.). Cela s’est traduit dans les écoles, collèges et lycées par le développement d’un équipement plus conséquent et la constitution de réseaux. Les aptitudes des élèves sont évaluées avec le B.2.I., validant la maîtrise des outils. De même, les étudiants souhaitant s’inscrire dans les I.U.F.M. doivent justifier leurs compétences en informatique avec le C.2.I. Cette démarche va dans le sens d’une démocratisation de

l’accès au savoir, l’Etat mettant en place les infrastructures, développant des outils de

F.O.A.D. (chaque enseignant dispose d’un email) et informant (site Internet Eduscol, réseau du SCEREN, publications comme les dossiers de l’ingénierie éducative). Cela ne doit pas être confondu avec la démocratisation du savoir qui est liée, elle, aux pratiques des enseignants.

L’ensemble de ces programmes fait assez figure de catalogue, aussi bien au niveau des contenus que des méthodes, et les recettes préconisées ne sont pas novatrices2. Difficile pour les élèves de construire, dans ces conditions, une véritable démarche d’analyse de l’espace.

suffisante, point de départ de la réflexion scientifique, d’où découle la logique déductive permettant d’ordonner les énoncés décrivant la réalité. Les recherches contemporaines sur les mécanismes de la cognition reconnaissent dans l’édification du savoir scientifique des aspects logiques, néanmoins différents d’un raisonnement déductif, appelés abduction. Si « la déduction cherche à parvenir à un fait par l’intermédiaire d’une règle, l’abduction est à la recherche d’une règle pour expliquer un fait ». J. M. BESSE, « Problèmes épistémologiques de l’explication », colloque Géopoint 2000, Avignon, « L’explication en géographie », p. 16

1

M. MASSON-VINCENT a développé cette contradiction entre l’étude de cas qui sous entend une

démarche déductive et le contenu des programmes de lycée, ceux-ci restant très flous sur la différence

entre étude de cas et exemple. ce qui se traduit par des pratiques inductives menant à des généralisations. M. MASSON-VINCENT (dir), (2005), ibidem, pp. 43/44.

2

Le baccalauréat, évaluant la fin des études du cycle secondaire, représente le sésame pour accéder à l’enseignement supérieur. Les consignes envoyées aux enseignants, restent sibyllines quant aux réelles motivations de l’institution. Pour inciter les candidats à choisir l’exercice de composition, il est rappelé que si on retient des formulations de sujets identiques ou proches des intitulés du programme officiel, le

nombre de sujets possibles est limité, en réalité une douzaine environ (…). Ce constat devrait rassurer élèves et professeurs sur les attentes réelles de cette épreuve. Note d’information des Inspecteurs