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et met en œuvre des critères précis de validation » ; d’autre part, « elle élabore des méthodes qui lu

POSITIVISME CONSTRUCTIVISME Finalité

I.3. Du milieu au territoire : un changement de paradigme

I.3.3. Le concept de territoire

Le territoire doit être aujourd’hui abordé de manière globale, tant la recherche de consensus est nécessaire à toutes les étapes de son aménagement et de son utilisation1

Le territoire, concept fondamental de la géographie actuelle, représente l’entrée principale de beaucoup de travaux. Pour autant, la question de la définition de ce terme peut se poser tant les dérives sont nombreuses, ce qui amène certains géographes à s’interroger sur son sens2. Les relations entre les diverses composantes de ce terme polysémique ne sont pas toujours clairement explicitées. Travaillant aussi bien sur un espace métrique que sur un espace sensible avec lesquels des acteurs aux représentations très variées interagissent, il nous parait nécessaire de rechercher une plus grande clarté dans les discours, ceci afin de donner du sens à notre texte.

La géographie pose la question de la relation entre l’acteur usager et l’espace sur lequel il projette et/ou réalise ses désirs. Cette préoccupation n’est pas nouvelle, R. BRUNET ayant déjà proposé une définition du terme territoire, considéré comme

« l’espace approprié, avec conscience ou sentiment de son appropriation »3.

Le territoire englobe l’espace, puisqu’il comprend une partie liée aux acteurs et leurs conceptions. En repérant des signes sur l’espace, les individus se représentent les lieux dans lesquels ils vivent et sur lesquels ils construisent leurs conceptions spatiales. Cette démarche n’est pas nouvelle, de nombreux travaux comme ceux de M. LE BERRE ayant déjà approfondi cet aspect4. Néanmoins, la prise en compte de la complexité de l’objet d’étude qu’est le territoire représente le coeur du problème géographique : il est nécessaire de rechercher et de mettre en évidence ses composantes fondamentales.

1

A. MOINE, « Le territoire comme système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », L’espace géographique, Belin – Reclus, Paris, 2006-2, pp 115/132, p. 120.

2

« Territoire est-il un concept géographique opératoire unificateur ou un terme géographique aux sens

multiples ? », cité par J.-P. FERRIER, J.-P. HUBERT, G. NICOLAS, « Alter-géographies. Fiches

disputables de géographie », Publications de l’Université de Provence, Aix en Provence, 2005, 283 pages, p. 249.

3

R. BRUNET, R. FERRAS, H. THERY (1993), ibidem, article « Territoire ».

4

« Le moins qu’on pusse dire, c’est qu’il ne s’agit pas d’un terme propre au vocabulaire de la géographie ; pourtant, en quelques années, il en est devenu un des mots clefs », M. LE BERRE, « Territoires », dans A. BAILLY, R. FERRAS, D. PUMAIN (dir.), ibidem, p. 601.

La référence au paradigme systémique est ici nécessaire1. Le territoire, comme tout système, est une construction intellectuelle mouvante, évolutive dans l’espace et le temps. Il doit être pensé à travers ce paradigme. Les travaux de M. LE BERRE, J.- P. MARCHAND et F. DURAND-DASTES l’évoquaient déjà. R. PRELAZ-DROUX parle lui d’un système organisé complexe, l’ensemble constituant un emboîtement de systèmes et de sous-systèmes, plus ou moins interdépendants2. A. MOINE renforce encore cette approche et parle d’

« un système complexe évolutif qui associe un ensemble d’acteurs d’une part, l’espace géographique que ces acteurs utilisent, aménagent et gèrent d’autre part3 ».

Ce système peut être divisé en un certain nombre de sous-systèmes (figure 5).

J.-Y. PIOT

Figure 5 : le concept de territoire

1

Voir par exemple Ch.-P. PEGUY, « Espace, temps, complexité : vers une métagéographie », Belin - Reclus, Paris, 2001, 277 pages et A. DAUPHINE, « Les théories de la complexité chez les géographes », Anthropos, Paris, 2003, 248 pages.

2

R. PRELAZ-DROUX, « Système d’information et gestion du territoire : approche systémique et procédure de réalisation », Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1995, 156 pages, p. 45.

3

L’un est lié aux aspects humains, les acteurs qui font le territoire. Ce sont tous des individus vivant en société, possédant des capacités intellectuelles et perceptuelles, chacun se construisant sa propre conception du territoire. Ces individus appartiennent à diverses catégories1 en fonction de leurs positions sociales et spatiales. Celles-ci entretiennent des relations entre elles et forment ce que nous appellerons un sous- système politique. Elles construisent aussi un discours sur l’espace, lié à un certain nombre de valeurs, à l’histoire du territoire, aux fondements ontologiques, ce que nous appellerons sous-système culturel. Un troisième sous-système, économique celui là, peut être mis en avant correspondant aux choix de production et de distribution des biens et services nécessaires à une société. Ces différents sous-systèmes sont tous interreliés.

Un second grand sous-système met au jour les processus d’organisation territoriale sur deux plans (formant chacun un sous-système) complètement interreliés : d’un côté l’espace physique (ce que nous appelons espace métrique) réceptacle des actions conduites, de l’autre le système de représentation propre à chaque individu2 (ce que nous appelons espace sensible). L’espace métrique, reste une abstraction, correspondant à une connaissance géographique savante, alors que l’espace sensible représente l’expérience que chacun s’en fait. Entre les deux, un filtre perceptif existe, dépendant des autres sous-systèmes de la société.

Le territoire, comme tout système, est en équilibre dynamique car soumis à de multiples tensions liées aux interrelations et interactions qui ne cessent de se modifier avec le temps3. Certaines sont liées à des systèmes englobants (aussi bien les systèmes écologiques que les systèmes sociaux et idéologiques à l’échelle mondiale), d’autres dépendent de facteurs politiques (évolution du cadre législatif et renouvellement des édiles), les dernières reposant sur le jeu des acteurs et les modifications de l’espace géographique.

1

A. MOINE distingue l’Etat, les collectivités territoriales, la société civile et ses multiples groupes, les intercommunalités, les entreprises. Contrairement à R. BRUNET, les individus ne sont pas placés sur le même plan, n’ayant pas la même convergence d’intérêts. Voir A. MOINE, ibidem, pp 115/132.

2

R. BRUNET a insisté sur leur rôle, chacun d’entre eux étant créateur et usager de l’espace. Pour autant, ils ne disposent pas des mêmes pouvoirs. Voir R. BRUNET, « Le déchiffrement du monde : théorie et pratique de la géographie », Belin, Paris, collection Mappemonde, 2001, 401 pages, pp. 33/60.

3

« Elles sont en effet fondées sur des contraintes qui ne sont jamais complètement prévisibles, compte

tenu de l’infinité de phénomènes qui se déroulent simultanément, en obéissant à des temporalités différentes, et modifient sans cesse le contexte décisionnel des acteurs ». A. MOINE, ibidem, p. 125.

I.3.4. Conclusion

« Il est grave de penser encore que la géographie est une science carrefour, ou

pourquoi pas discipline de synthèse (…). Quant au déterminisme mécaniste de la nature, ou l’esprit de finesse de l’observateur, ils traduisent tous deux un manque de concepts de base capables de fonder la géographie comme science. Une impuissance donc dans la compréhension (…) et un retrait derrière une attitude « neutre » prétendument scientifique, dans un empirisme enfermé dans des présupposés idéalistes »1.

Les géographes ont beaucoup débattu du contenu de leur science dans le dernier quart du XXème siècle. L’évolution du paradigme géographique, tant dans ses valeurs que dans ses méthodes, a entraîné une diversification et parfois un foisonnement de courants. A. BAILLY et R. FERRAS, s’appuyant sur L’Encyclopédie

de géographie, tentent une synthèse en proposant un paradigme :

« la définition désormais complexe de l’espace et des territoires, intègre les modélisations, les valeurs et les représentations des hommes à leur sujet. Les activités humaines sont examinées dans un cadre systémique, utilisant entre autres les notions de réseaux, d’interaction, de processus, de diffusion. Modélisante et conceptualisante, cette géographie ne décrit plus systématiquement les régions et pays du monde, mais se dote de problématiques capables de traiter de questions essentielles pour l’ensemble de nos sociétés »2.

Les débats restent toujours ouverts. Le paradigme de ce que l’on appelé la Nouvelle

Géographie s’est considérablement enrichi depuis 1969 renversant celui de la géographie classique en plaçant l’individu spatial vivant en société au centre de ses

recherches.

Cette présentation du concept de territoire nous permet maintenant d’aborder l’aménagement du territoire en tant que tel. Si les acteurs ne sont pas les seuls à modifier l’agencement des éléments qui le composant, ils possèdent un pouvoir important pour influer sur la dynamique de ce système.

1

A. BAILLY, R. FERRAS, ibidem, pp. 174/175.

2