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et met en œuvre des critères précis de validation » ; d’autre part, « elle élabore des méthodes qui lu

POSITIVISME CONSTRUCTIVISME Finalité

I.2.3. La complexité au cœur de la démarche constructiviste

« Les systèmes ne sont pas dans la nature, mais dans l’esprit des hommes1 ».

Avec le développement de l’informatique et des capacités de calcul des ordinateurs, une nouvelle approche des problèmes scientifiques est possible. A partir des travaux pionniers de N. WIENER sur la cybernétique, de C. SHANNON et W. WEAVER sur la transmission et le traitement du signal de l’information, de H. A. SIMON sur les processus de décision opérationnelle, les recherches s’orientent vers des domaines dans lesquels les phénomènes ne sont pas observables, dans le sens que les positivistes donnent à ce terme. J. L. LEMOIGNE, reprenant des propos de W. WEAVER souligne alors

« l’absolue nécessité de ne pas se confiner dans les perfectionnismes des mécaniques rationnelles et statistiques, mais pénétrer dans l’immense entre- deux, qu’il appelait la complexité organisée2 ».

Cette notion de complexité organisée sera renforcée par les travaux réalisés dans le domaine de l’intelligence artificielle. Avec le développement du paradigme de la

rationalité limitée3, les sciences classiques sont entraînées dans un profond renouvellement. La biologie moléculaire, la physique quantique posent des questions nouvelles que les épistémologies classiques ne peuvent traiter. La célèbre formule de K. POPPER, pour qui

« le critère de scientificité d’une théorie réside dans la possibilité de l’invalider, de la réfuter ou encore de la tester4 »,

est ainsi mise en cause. Le critère qui prévaut alors est celui de produire des énoncés non pas falsifiables, mais enseignables5.

A partir du milieu des années 1970, cette nouvelle approche sera théorisée sous le nom de systémique1, ou science des systèmes : celle-ci rompt avec le

1

Cl. BERNARD, « Introduction à la médecine expérimentale », 1865, réédition Flammarion, Paris, 1984, 318 pages, p. 297.

2

J.-L. LE MOIGNE (2001), ibidem, p. 62.

3

Cette expression (bounded rationality) est utilisée par H. A. SIMON pour caractériser son œuvre ouverte au champ des raisonnements intentionnels, plausibles, reproductibles, programmables. Cité dans J.-L. LE MOIGNE (2001), ibidem, p. 70.

4

K.R. POPPER, « Conjectures et réfutations : la croissance du savoir scientifique », Payot, Paris, 1985, 610 pages, p. 65.

5

dualisme cartésien, privilégiant les interactions entre sujet observant et objet observé. Cependant, pour être abordable, c'est-à-dire apporter de la compréhension, la

complexité doit être envisagée par rapport à un modèle qui est une représentation de

l’objet d’étude. L’objectif n’est pas de proposer une simplification de cet objet qui est complexe par nature et doit être pensé comme un tout (le système), mais de tenter de le reproduire le mieux possible. Deux démarches sont alors envisageables.

La première est une forme de réductionnisme consistant à décomposer le système en parties (ou sous systèmes) progressivement plus simples, étroitement imbriquées les unes dans les autres, ce qui se traduit par des relations multiples, changeantes dans le temps. Il est possible de concevoir un assemblage constitué de plusieurs niveaux, un

sous-système pouvant être alors lui-même pensé comme un ensemble de sous- systèmes. Lorsque les relations sont étudiées à un niveau donné, nous parlerons

d’interrelations entre les éléments, alors que les relations entre les niveaux correspondent à des interactions. Cette démarche peut être formalisée par un graphe. La seconde, plus récente2, procède par agrégation des éléments composants le système : le changement de niveau est alors déterminé par les interactions entre les éléments et leurs sous systèmes correspondants. Cette démarche, moins descriptive, met en évidence des processus d’auto-organisation qui se déploient dans le temps. Une caractéristique propre aux systèmes est liée aux boucles de rétroaction : plus la

complexité du système sera importante, ce qui lui assure une grande robustesse, plus

ces phénomènes de rétroaction seront nombreux. Ceux-ci peuvent être positifs (phénomène de néguentropie), ce qui entraîne alors un renforcement pouvant aller jusqu’à des phénomènes d’émergence, correspondant à l’apparition d’un nouveau

système comportant des propriétés nouvelles, ce qui traduit aussi une complexité de

niveau supérieur. Lorsque des rétroactions négatives s’enchaînent (entropie), la survie du système peut être posée selon la capacité de résilience3 de l’ensemble.

1

Théorie développée dans J. L .LE MOIGNE, « La théorie du système général. Théorie de la modélisation », P.U.F., Paris, 1977, 4ème édition, 1994, 338 pages.

2

Cette démarche correspond à la théorie constructale. Voir P. LANGLOIS, « Complexité et systèmes spatiaux », dans Y. GUERMOND, « Modélisations en géographie : déterminismes et complexités », Lavoisier, Paris, 2005, 389 pages, pp.299/320, p. 303.

3

La définition qui est communément admise aujourd’hui est formulée par HOLLING (1973), qui définit la résilience comme la capacité d’un système à pouvoir intégrer dans son fonctionnement une perturbation, sans pour autant changer de structure qualitative.

I.2.4. Conclusion

Au cours de cette thèse, nous développerons une démarche reprenant nos positions scientifiques. Ce travail mené sur la formation des acteurs dans le domaine de la géogouvernance territoriale a nécessité une démarche constructiviste organisée autour de trois pôles (figure 2). Le premier concerne notre objet d’étude, le système territorial, aussi bien dans ses dimensions matérielles, les objets spatiaux, qu’idéelles, les représentations que chaque acteur en a. Le second traite du système cognitif propre à chaque individu, notre sujet d’étude, lui aussi composé de deux entités : d’un côté les organes sensoriels permettant de percevoir des éléments dans le territoire, de l’autre le système nerveux supérieur analysant les informations apportées par les organes sensoriels en les mettant en relation avec des connaissances antérieures (représentations, conceptions). Le dernier pôle se rapporte au système de formation mis en place, dans ses aspects matériels, lieux et périodes de formation, et idéels, conceptions didactiques et choix pédagogiques des formateurs (méthodologie, modélisation).

Chacun de ces trois pôles représente un élément d’un système complexe centré sur la formation et ne prend tout son sens que par les interrelations qu’il entretient avec les autres.

J.-Y. PIOT