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L’ENQUETE SUR LE TERRAIN

3.1. TERRAIN D’EXPLORATION : LA VILLE DE BORDEAU

La mise en place d’une enquête sur le terrain est une étape qui repose sur des données préalablement recueillies définissant l’objet de la recherche ainsi que les moyens pour l’explorer. Ces données sont saisies par l’enquêteur à travers l’observation directe de son terrain d’investigation. En ce qui concerne cette étude, après avoir observé un certain nombre de faits linguistiques et sociolinguistiques chez notre population cible et nous être

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assurée de la validité de la méthodologie retenue, nous avons procédé à la délimitation de notre terrain d’enquête. Il s’agit de la ville de Bordeaux dont nous présentons les différentes caractéristiques.

3.1.1. DONNEES GEOGRAPHIQUES ET DEMOGRAPHIQUES

Bordeaux, une ville du Sud-ouest de la France, est chef-lieu de la région d’Aquitaine et préfecture du département de la Gironde. La communauté urbaine de Bordeaux (ou CUB) est une structure qui regroupe 27 communes séparées par les seules limites administratives. Divisé par La Garonne20 en deux parties (la rive gauche et la rive droite), Bordeaux est entouré par les communes de Cenon et Lormont à l’est, Talence et Pessac à l’ouest, Mérignac, le Bouscat et Blanquefort au nord et Bègles au sud. D’un point de vue démographique21, si l’agglomération bordelaise compte 719 489 habitants, la ville de Bordeaux, elle-même, n’en compte que 239 643 habitants en 2008. Cela s’explique par sa petite superficie (44 55 hectares), comparée à celle d’autres communes telles que Mérignac et Pessac qui comptent chacune 60 000 habitants. Bordeaux, neuvième commune de France, par sa population, est la sixième métropole la plus peuplée de France après Paris, Lyon, Lille et Marseille et Toulouse.

3.1.2. DONNEES SOCIO-ECONOMIQUES

La ville de Bordeaux met en place une politique de promotion de son territoire pour favoriser son rayonnement national et international. Celui-ci se renforce par une stratégie de développement économique basée essentiellement sur sa viticulture, son industrie, son activité portuaire, son tourisme, ses services…En effet, ses importants vignobles, dont certains parmi les plus prestigieux du monde, lui permettent d’être considéré par beaucoup comme la capitale mondiale du vin. Par ailleurs, Bordeaux est aussi une ville industrielle employant 28 000 salariés répartis dans le secteur de l’automobile (Ford Aquitaine Industrie), de la fabrication de pneumatiques (Michelin)… Malgré les difficultés que connaît ce domaine depuis les dernières décennies, l’agglomération de Bordeaux a pu se repositionner dans les secteurs de pointe tels que celui de l’aéronautique, le secteur spatial et de défense avec ses 20 000 emplois directs et 8000 emplois en sous-traitance. L’activité industrielle de cette ville se manifeste aussi par son industrie pharmaceutique (Sanofi-Aventis), son agroalimentaire,

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La Garonne (Garona en occitan, en catalan et en espagnol) est un fleuve principalement français prenant sa source en Espagne et qui coule sur 647 km avant de se jeter dans l’océan Atlantique. Elle a donné son nom aux départements français de Haute-Garonne, de Lot-et-Garonne et de Tarn-et-Garonne.

21 Les données apportées viennent du site :

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par la construction de ses chantiers navals (Construction Navale de Bordeaux), des ateliers métallurgiques, des raffineries…Du fait de la concentration de ses services liés aux entreprises et aux commerces, Bordeaux se caractérise aussi par son secteur tertiaire productif. De plus, grâce à son patrimoine historique et sa culture locale, le tourisme y connaissant un bel essor lui permet d’accueillir chaque année 2,5 millions de personnes venues du monde entier.

3.1.3. DONNEES HISTORIQUES

La naissance de la ville de Bordeaux, de son nom antique Burdigala, est liée au commerce. On fait remonter sa fondation au III e siècle av. J.-C. par un peuple gaulois venu du nord de la France (les Bituriges Vivisques) qui avait le contrôle du trafic de l’étain amené d’Armorique et de Bretagne (Grande - Bretagne, Cornouailles). Le premier emplacement d’habitat est situé à l’embouchure de la Devèze, un affluent de la Garonne, proche de la Gironde. Avec la conquête de la région par Crassus, lieutenant de Jules César, l’an 56 av. J.- C., ce fut le début d’une période de prospérité économique et d’un urbanisme rationnel. Jusqu’à la fin du Ier siècle, Burdigala, qui n’est qu’une petite ville modeste, se caractérise par son cardo et son decumanus (actuelle rue Sainte Catherine et Cours de l’Intendance et rues Porte Dijeaux et Saint Rémy). En continuant à se développer, la ville finit par devenir une des cités les plus opulentes de la Gaule. Cependant, la paix y sera interrompue par des invasions diverses : les Vandales en 409, les Wisigoths en 414, les Francs en 498 et les Normands au Xe siècle. Nous soulignons que l’histoire de Bordeaux a croisé celle du peuple arabe parce qu’en 732, l’Emir Abd Al-Rahman remporte sa bataille avant qu’elle ne soit conquise par Charles Martel en 735. Après 1154, la ville connut à nouveau la prospérité grâce à son union avec l’Angleterre (Ascension au trône d’Angleterre d’Henry II Plantagenêt, époux d’Aliénor d’Aquitaine). Elle atteindra son apogée sous le règne du Prince Noir, Edouard de Woodstock, dont le père Edouard III d’Angleterre lui donne la Guyenne en propre. En 1453, après la conquête française, Bordeaux dont la bourgeoisie appréciait peu le retour à la France connut des moments difficiles de rebellions contre les entraves apportées au commerce et la lourdeur des impôts. Pour anéantir toute velléité de révolte contre la monarchie, en 1495, Charles VIII décide d’en faire une ville royale. Mais ce n’est qu’en 1653, quand le jeune Louis XIV y fait son entrée par les armes qu’elle accepte enfin d’être partie du royaume de France.

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L’histoire de Bordeaux est aujourd’hui aisément lisible sur son plan urbain. Suivant une succession dans le temps, on peut la diviser schématiquement en trois parties : la première, délimitée à l’est par la Garonne, est ce qu’on désigne par la vieille ville qui se situe à l’intérieur des anciens murs édifiés à l’Antiquité. Protégée par le Plan de sauvegarde et de

mise en valeur adopté en 1988, cette ville historique est classée patrimoine de l’Humanité par

l’UNESCO depuis Juin 2007. La deuxième partie comporte les anciens faubourgs qui l’entouraient et qui constituent de nos jours les quartiers compris entre les Cours et les Boulevards. Arrivent enfin les quartiers extérieurs, différenciés au niveau social. A l'ouest, se situe Caudéran, ancienne commune de l'agglomération. Celle-ci, fusionnée avec Bordeaux en 1965, est aujourd’hui l'un des quartiers « chics » de la ville. Au nord, se situe le quartier de Bordeaux-Lac qui accueille des tours de logements, quelques bureaux et des centres commerciaux. Le quartier de Bacalan se trouvant à proximité de l'ancienne zone portuaire de Bordeaux abrite aujourd'hui encore une population modeste, composée majoritairement d’immigrés. A l’est de l’autre côté de la Garonne, sur la rive droite, se sont développés les quartiers de la Bastide et de la Benauge, accueillant des cités et de nombreuses friches industrielles dégradant fortement leur image. Cependant, depuis une dizaine d'années, des projets concernant la rénovation de ces quartiers sont en train d’être réalisés au rythme des chantiers de renouvellement du centre ville, profondément transformé depuis le retour du tramway en 2003.

3.1.4. DONNEES SOCIOLINGUISTIQUES

Depuis longtemps, plaque tournante de différents groupes de population, la ville de Bordeaux est le lieu d’un mélange linguistique qui témoigne de son histoire passée et récente. En effet, la Gironde et particulièrement l’agglomération bordelaise a été un lieu de brassage humain pour des milliers de personnes venues depuis très longtemps du nord et du sud de l’Europe, du bassin méditerranéen et d’Afrique. Attirant ces populations du fait de son port, de ses activités industrielles et commerciales et de ses universités, Bordeaux est considéré comme l’une des villes les plus métissées de France. D’abord, depuis le XVIe siècle, elle est une terre d’immigration pour beaucoup de familles italiennes qui y marquent leur présence notamment dans le domaine du négoce et de la finance. Ensuite, les Hollandais, représentant la colonie la plus importante, s’y installent au XVIIe siècle, en dominant principalement l’activité du cabotage. Au XVIII e siècle, de nouveaux venus, essentiellement des négociants, arrivent des villes portuaires du nord de l’Allemagne. Mais au début du XIX e siècle, la ville connaît une immigration plus récente. Il s’agit en premier lieu de celle des Espagnols, vaincus des guerres carlistes et puis fuyant la guerre civile des années 1930. Après la seconde guerre

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mondiale, Bordeaux connaît de nouvelles vagues migratoires en provenance du Portugal, du Maghreb, d’Afrique noire et d’Asie. Il en résulte un mélange linguistique qui se manifeste dans les lieux de concentration de ces différentes populations.

A notre connaissance, il n’y a pas d’étude académique décrivant la situation sociolinguistique globale de la ville de Bordeaux. Cependant, il existe des travaux traitant séparément de certaines langues parlées en région aquitaine. Notons, à titre d’exemple, l’enquête sociolinguistique qui a été élaborée en avril 2009 par le Conseil Régional d’Aquitaine22 sur un échantillon de 60 000 personnes pour déterminer la présence, les pratiques et les représentations de la langue occitane en Aquitaine. Par ailleurs, une autre enquête effectuée par l’INSEE (septembre 2002)23 concernant 612 917 personnes dans la même région aquitaine nous donne un aperçu sur la transmission des langues régionales et étrangères. Concernant cette étude, il en ressort, entre autres, que ces dernières sont parlées par 25% de la population adulte de 18 ans ou plus, ce qui représente 600 000 personnes. Parmi elles 4 personnes sur 10 disent pouvoir s’exprimer dans une langue régionale et 6 sur 10 dans une langue étrangère. L’occitan, parlé par 160 600 locuteurs domine en tant que première langue régionale avant le basque à 73 800. L’espagnol avec ses 121 000 usagers tient la première position en tant que langue étrangère. Les autres parlers régionaux sont utilisés par 17 200 locuteurs, occupant ainsi la troisième importance au niveau numérique. L’arabe et les langues du Maghreb à 42 400 locuteurs se positionnent au cinquième rang après l’anglais à 111 2000 locuteurs. Le portugais est parlé par 31 100 usagers, l’allemand et l’italien comptent à peu près respectivement le même nombre de locuteurs à 16 300. Tandis que d’autres langues étrangères ne sont parlées que par 27 700 locuteurs. Par ailleurs, la ville se caractérise par son parler le bordeluche, un mélange franco- gascon-languedocien- saintongeais, influencé par l’exode rural24. Enfin, si le français est la seule langue officielle

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L’enquête, lancée dans le cadre de l’Amassada-Conseil de développement de la langue occitane en Aquitaine- a été réalisée sous maîtrise d’ouvrage du Conseil régional d’Aquitaine, avec le partenariat financier et technique des cinq départements aquitains (Dordogne, Gironde, Landes, Lot- et- Garonne, Pyrénées- Atlantiques) et de l’Etat (DRAC-Ministère de la culture). Les résultats de cette enquête sont à consulter sur :

http://aquitaine.fr/IMG/pdf/Enquete_linguistique.pdf

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Il s’agit d’un travail réalisé à partir du recensement de 1999, par Eric Amrane et Colette Deguillaume, publié du titre : Langues parlée en Aquitaine : la pratique héritée, N° 110, septembre 2002, à voir sur :

http://www.youscribe.com/catalogue/etudes-et-statistiques/savoirs/sciences-humaines-et-sociales

24 Il s’agit de parlers utilisés dans la partie septentrionale de la Gironde. Le petit village de Puynormand situé

dans le canton de Lussac, près de Libourne se trouve à la croisée des aires linguistiques du poitevin-

saintongeais, du gascon, du limousin et du languedocien utilisés en Aquitaine. Le rapport CESR d’Aquitaine, « Les langues d’Aquitaine, langues et cultures régionales », Première partie, N° 110, pp 55-75 ( à consulter sur l’adresse électronique ci-dessous) considère que l’ensemble des langues ici concernées sont toutes à la base des formes de parlers gallo-romans méridionaux, anciens ou modernes qui appartiennent à la même famille désignée sous le nom de langue d’Oc ou d’occitan.

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utilisée à Bordeaux, comme partout ailleurs en France, la ville connait un pluralisme linguistique important qui se manifeste partout et au quotidien là où il ya mélange de populations sur un même endroit.