• Aucun résultat trouvé

LES PRATIQUES LANGAGIERES DES PARENTS ET MEMBRES COMMUNAUTAIRES

4.1 ANALYSE LINGUISTIQUE DU FRANÇAIS

4.1.1.1.2. L’accent en arabe

Si on se rapporte aux conclusions de Fleisch (1968 : 26) on voit bien que considéré comme secondaire, le phénomène de l’accent en arabe a depuis longtemps très peu intéressé les spécialistes de la langue :

121

« L’accent de mot est une notion qui a été totalement ignorée des grammairiens arabes ; aussi n’a-t-il pas de nom dans toute leur terminologie, cependant si luxuriante. L’accent de mot ne joue aucun rôle dans la métrique arabe, basée sur une succession déterminée de syllabes longues et de syllabes brèves, donc quantitative. Les théoriciens arabes de cette métrique ont gardé, à son sujet, le même silence que les grammairiens…»

Cantineau (1960 :120) qui a consacré beaucoup de travaux à l’étude de l’arabe explique ce manque d’intérêt concernant son accent : « En arabe, on ne voit pas qu’un accent de mot ait joué un rôle distinctif quelconque ». Aujourd’hui encore, cette insuffisante concernant les études consacrées à ce trait est loin d’être comblée, même s’il apparaît que des recherches sur l’accent du mot de la langue standard et dialectale commencent à se développer au niveau de son traitement automatique37. Au niveau des études qui lui sont consacrées actuellement, la situation de l’arabe parlé différemment par une diversité de dialectes (et sous dialectes) ne permet pas une étude uniformisée qui soit admise pour tous.

L’arabe est considéré comme une langue à accent variable, lequel est en étroite relation avec la structure syllabique du mot où il apparaît. Si sa place semble être liée à la subjectivité du locuteur et à la variabilité de son dialecte, elle est toujours prédictible en fonction des règles qui le régissent. Dans la même perspective accordant une place primordiale au nombre de syllabes utilisées pour le placement de l’accent en arabe standard, Kouloughli, (1994 : 43) souligne que la place de celui-ci qui ne dépasse jamais l’antépénultième est toujours prévisible mais variable selon la nature des syllabes qui le portent. Il propose trois règles qui, selon lui, doivent toujours être appliquées dans l’ordre qui suit :

1. Si la dernière syllabe du mot est une sur-lourde en (CVC, CVGC ou CVCV), elle porte l’accent38

, ex : [: « sourire » ;] « j’ai pleuré » ;] «je me suis étonné » ;

2. Si cette première règle ne s’applique pas (autrement dit si l’accent n’est pas sur la dernière syllabe) et si la pénultième est lourde, c’est elle qui porte l’accent lexical, ex : : « un animal » ; «ingénieur » ;

37 Lire, à titre d’exemple, l’article de R. Bouziri, H. Nejmi, et M. Taki, 1991, « l’accent de l’arabe parlé à

Casablanca et à Tunis : étude phonétique et phonologique » in ICPHS, pages 134-137, Aix- en – Province,

38

Cette règle a été vérifiée et validée (au niveau d’un traitement automatique sur le placement de l’accent en arabe) par Baloul (2003) dans son travail de thèse : Développement d’un système automatique de synthèse de la

122

3. Si ni la première ni la deuxième règle ne s’appliquent alors l’accent est porté par l’antépénultième quelle que soit sa nature, ex :  « une école » ; « il a compris » ; : « mes livres ».

Si l’auteur ajoute qu’un mot monosyllabique est accentué quelle que soit la nature de la syllabe qui le constitue, ces règles indiquent clairement qu’en arabe, l’accent, sensible à la quantité syllabique est attiré essentiellement par les syllabes lourdes (contenant plus d’une consonne et d’une voyelle). En ce qui concerne l’analyse de l’accent dans un énoncé plus long, d’après le même auteur (p : 45)

« La règle générale est que, lorsque deux ou plusieurs mots entrent dans la composition d’un syntagme, il se produit une hiérarchisation des accents de ces mots : l’accent du mot-tête devient l’accent principal et il est prononcé sur le ton le plus haut. L’accent des mots satellites devient secondaire et il est prononcé sur un ton légèrement plus bas ».

Il est à souligner que ces considérations qui s’appliquent aux formes écrites de l’arabe sont basées sur les intuitions de l’auteur et non sur des études empiriques où les paroles du locuteur ont été analysées telles qu’elles se réalisent concrètement dans la vie quotidienne et par les moyens adéquats.

Cependant, pour ce qui est de l’arabe maghrébin, il existe aujourd’hui des études acoustiques qui s’intéressent aux paramètres physiques régissant le phénomène de l’accent, notamment en ce qui concerne les parlers marocains. En observant le fonctionnement de l’accent sur un énoncé étendu, Benkirane (2000 : 300) souligne que « les fluctuations prosodiques observées indiquent clairement que c’est le paramètre temporel qui permet, à lui seul, de distinguer entre les syllabes accentuées et les syllabes inaccentuées. Dans cette perspective, le parler marocain possède un accent horizontal qui repose sur le paramètre de la durée ».

D’autres recherches élaborées sur l’accentuation en arabe marocain ont mis en évidence l’usage de trois types d’accent au niveau d’un même énoncé : un accent primaire, un accent de deuxième degré (secondaire) et un accent de troisième degré (faible) (Zaki12, Rajouani2 et Najim1 (2003)39. Selon ce modèle, la nature et la position des syllabes régissent l’usage de

39

Ces considérations sont tirées d’un article représentant un ensemble de ces travaux dont le titre est : « Synthèse des variations de la fréquence fondamentale de la parole arabe à partir du texte. », à lire sur : http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/13585/A207.pdf

123 l’accent suivant des règles précises40

. Dans son travail de thèse sur la variation dans les

dialectes arabes, Rym Hamdi (2007 : 96) trouve que les recherches récentes dans ce domaine

« ont consolidé l’hypothèse selon laquelle l’accent lexical existe dans cette langue mais présentent des divergences concernant la nature de cet accent. ». En synthétisant leurs résultats, elle en conclut que « l’étude des corrélas acoustiques de l’accent arabe a permis de constater que la proéminence accentuelle est due non pas à un seul paramètre mais généralement à une combinaison de paramètres » qui intègrent le phénomène de durée et d’intensité. (p : 101)

De part sa nature universelle, la syllabe est impliquée dans la description rythmique des langues, en l’occurrence pour le fonctionnement de l’accent. Comme il a été souligné plus haut, le rôle de la structure syllabique sur l’organisation de la parole et sur la réalisation de l’accent en arabe est d’une importance capitale. Pour tenter de comprendre comment la syllabe est réalisée chez les Maghrébins, nous nous basons sur les conclusions du même auteur qui a établi une comparaison entre les dialectes maghrébins (marocain, algérien, tunisien) et le dialecte libanais. En effet, il en ressort que « le parler marocain se caractérise par la plus haute fréquence de types complexes, le tunisien par des fréquences plus basses pour les syllabes à trois consonnes, tandis que le parler libanais présente une fréquence plus élevé en syllabes simples. » (p : 289)

Par ailleurs, concernant ces groupements consonantiques dans une seule syllabe, selon la même étude, « la plupart d’entre eux se trouvent à l’initiale, plus fréquemment en position d’attaque qu’en coda ». L’auteur rappelle que « cette caractéristique des parlers maghrébins est le résultat du processus d’effacement des voyelles brèves en syllabes ouvertes (Cantineau, 1960 ; Marcais, 1977) ». Par conséquent, ce phénomène qui parfois écrase les informations, pour les non habitués, en particulier pour les Orientaux, constitue un obstacle à la compréhension du message.

Pour cette analyse, si nous prenons en compte tous ces éléments, nous appréhendons l’arabe en tant qu’une langue à accent libre qui se déplace dans le mot en fonction de la syllabe susceptible de le porter. Celle-ci, généralement lourde ou sur-lourde, est favorisée en particulier

40

Selon la même source, les règles d’accentuation adoptées dans cette étude sont les suivantes : 1) Quand il s’agit d’un mot composé d’une chaine syllabique de type CV, c’est la première qui reçoit l’accent primaire et le reste des syllabes reçoit l’accent faible, dit de 3ème degré ; 2) Quand il s’agit d’un mot qui contient uniquement

une syllabe longue, celle-ci reçoit l’accent primaire et le reste des syllabes reçoit un accent de 3ème degré. 2) quand il s'agit d'un mot qui contient uniquement une syllabe longue, celle-ci reçoit l'accent primaire et le reste des syllabes reçoit un accent de 3ème degré. Il faut noter dans ce cas qu’une syllabe longue à la fin du mot n’est pas considérée ; 3) Quand il s’agit d’un mot qui contient deux syllabes longues ou plus de deux syllabes, la syllabe longue la plus proche de la fin du mot (la dernière n’est pas considérée) reçoit l’accent primaire et dans la majorité des cas, la syllabe longue la plus proche du début (et non celle du début) reçoit l’accent secondaire. Ces règles qui concernent le mot dans un contexte isolé peuvent être étendues avec une légère modification aux mots qui forment une phrase. Elles sont à trouver sur le même lien.

124

dans les parlers marocains. Cela implique que les locuteurs qui constituent la majorité de nos informateurs pratiquent une langue très accentuée, de manière plus marquée en début de mots, contrairement à ce qui se pratique en français. De même que, comme nous l’avons noté, l’arabe peut avoir plus d’un seul accent sur un même énoncé. S’impose, alors, à nous la question de savoir si cette différence imprègne ou non leurs pratiques françaises. Si cela est bien le cas, comment et jusqu’à quel niveau ces derniers adaptent-ils les acquisitions accentuelles de la langue d’accueil à celles de la langue d’origine ?