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Pour les auteurs qui ont étudié les règles des déplacements des syllabes générant le verlan, la règle de base consiste à inverser les syllabes d’une unité linguistique de deux syllabes Le

modèle idéal est celui qui se pratique sur une suite de (consonne-voyelle / consonne voyelle) représentée ici par (C1V1C2V2). Le codage du mot est opéré en partant de la syllabe S2 (composée de C2 suivie de sa voyelle V2), les deux précédant la première syllabe de la base S1, (composée de C1 suivie elle-même de sa voyelle V1). Cela permet d’avoir une inversion de syllabes suivant la structure : (C1V1C2V2) qui se transforme en (C2V2C1V1). Ce modèle, considéré comme le plus simple, est celui qui a donné des formes très utilisées par les jeunes de France comme : Bidon ] ; Pourri   ; Choper  ; Cité   ; Dealer  , etc.

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D’autres règles s’appliquent pour réussir le codage des dissyllabes. Si la structure (C1V1C2V2) comporte une liquide [ r] ou [ l] entre la première voyelle V1 et la deuxième consonne C2, cette liquide reste solidaire de la première voyelle, exemples: Quartier   ; Mortel   ; Calmer  . Cependant, dans le cas où cette liquide occuperait la même position que la deuxième consonne, à savoir C2, elle est analysée en tant qu’obstruante et prise comme point de départ pour former l’unité verlanisée ; exemples : Parents   ; Coller  .

Quand le mot de base comporte une semi voyelle située entre la deuxième consonne C2 et la deuxième voyelle V2, elle se comporte comme une diphtongue dans la mesure où elle reste toujours solidaire de la voyelle. Nous pouvons le constater comme le montrent les deux exemples : Gardien   ; Chinois   .

En verlan, comme l’avons noté, la forme idéale pour coder une unité linguistique est celle qui se présente en (C1V1C2V2). Cependant, si chacune des consonnes se trouve augmentée par une autre consonne, cela ne gêne en aucun cas le codage qui s’effectue selon la structure (CC1V1CC2V2) transformée en (CC2V2CC1V1) ; exemples : Clochard   ;

Basket  ; etc. De même que quelle que soit la structure de la deuxième syllabe

(fermée ou ouverte), tous les dissyllabes se laissent facilement coder selon le modèle de l’unité idéale (C1V1C2V2), exemples : Fauché   ; Toubab  

Le verlan n’apparait jamais dans une phrase entière. Cependant, il peut toucher des locutions composées de deux mots qui sont traités et codés comme des dissyllabes. En voici quelques rares exemples relevés dans notre corpus tout comme dans le langage de beaucoup de jeunes qui n’appartiennent pas au même groupe ethnique : Comme ça   ; vas-y  [ ; Beau gosse  …

Si le codage des mots à deux syllabes ne présente aucune difficulté pour les verlanisants, celui des mots trissyllabiques ou monosyllabiques paraît relativement complexe. Pour contourner la difficulté rencontrée au niveau des renversements des syllabes (hors mots dissyllabiques), Méla (1991) voit comme solution d’appliquer la règle de resyllabation qui consiste à faire rentrer tous les mots dans cette catégorie. Ainsi, les mots trisyllabiques, prononcés avec un  muet quand ils le contiennent et les mots monosyllabiques auxquels on

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ajoute un chwa seront produits comme des dissyllabiques

5. 3.2. 1. 2. Le codage des trisyllabes

Les trisyllabiques ayant une structure en (C1V1C2V2C3V3) ne se prêtent pas à une inversion automatique comme cela est le cas pour les dissyllabiques. C’est probablement pour cette raison qu’ils ne comptent que quelques emplois dans notre corpus. Les jeunes leur préfèrent des unités linguistiques plus courtes en nombre de syllabes. Selon l’analyse de Méla (1991) Les trisyllabes se répartissent en deux catégories : les réductibles et les non réductibles.

- Les trisyllabes réductibles

Pour produire le maximum de mots en verlan, les usagers de cette forme d’usage font de sorte de les faire entrer dans la catégorie des dissyllabiques. Ils s’appuient sur leur prononciation pour les analyser en tant que dissyllabiques. En effet, dans le cas où la deuxième syllabe se composerait d’un e-muet, se trouvant entre deux consonnes (C2et C3), celui-ci peut être omis en permettant de ne prononcer que deux syllabes dont l’ordre sera par la suite inversé ; exemples :Travelo ] [ ; Batterie    ; Vicelard   .

De même, quand un mot trisyllabique se termine par une consonne suivie par un e-muet non perceptible à l’oral, il est considéré comme dissyllabique et sa verlanisation se fait selon le modèle le plus simple en (C2V2C1C2) comme Bagnole [  ; Tranquille   ; Boulette  . Mais ce traitement réductible en dissyllabiques n’a pas lieu de manière automatique du fait que ces trisyllabiques peuvent avoir une variation correspondant à leur nombre exact de syllabes dans un mot. C’est le cas des exemples comme

Problème   , (variante dissyllabique) et Problème

 , (variante trisyllabique) ; Pétasse    (variante dissyllabique) et Pétasse   (variante trisyllabique)

Dans cette série de mots trissyllabiques réductibles, on rencontre des formes qui ne respectent pas le simple modèle d’inversion ci-expliqué. Ainsi, dans le cas des trisyllabiques commençant par une voyelle et se terminant par une autre voyelle prononcée, la verlanisation du mot provoque un hiatus dans le sens où l’élément de départ devient la troisième syllabe. Pour éviter ce hiatus, les verlanisants procèdent à la suppression de la voyelle initiale de l’unité

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linguistique de base ; exemples : Arabe    (après suppression du hiatus)  (par troncation) ; Arracher   (après suppression du hiatus)  ;

Enervé   (après suppression du hiatus) 

- Les trisyllabes non réductibles

Comme tous les jeunes de France, les adolescents que nous avons enregistrés ont tendance à utiliser moins de mots trisyllabiques que dissyllabiques ou monosyllabiques. Selon Méla (1991) cela viendrait du fait que le vocabulaire de base, argotique, est souvent présenté dans des formes courtes ou raccourcies. Trois possibilités s’offrent à ces jeunes pour coder leurs mots trisyllabiques :

La première consiste à couper le mot en deux parties et suit ce qui est utilisé comme règle générale. Elle permet d’articuler le mot à partir de la deuxième syllabe en continuant à droite, puis en revenant à gauche pour le présenter selon la structure suivante : C1V1 C2V2 C3V3 C2V2C3V3C1V1 ; exemples : Rigolo [ [ ; Lacoste   ;

Problème  

La deuxième possibilité consiste à découper l’unité linguistique en trois syllabes et commencer l’expression verlanisée à partir de la troisième syllabe (S3), formée en C3V3 tout en respectant leur ordre inverse. Ainsi, en partant de la structure de base : C1V1C2V2C3V3 on aboutit, après verlanisation du mot à C3V3C2V2C1V1. Dans cet ordre, on trouve des exemples tels que : Possible   ; Dépêcher  

La troisième possibilité est celle qui permet de prononcer les formes verlanisées en commençant par la troisième syllabe (C3 V3) représentant le premier bloc et en continuant par C1V1 et C2V2 qui constituent le deuxième bloc : C1V1C2V2C3V3 C3V3 C1V1C2V2 ; exemples : Vérité   ; Karaté  [, etc.

En ce qui concerne la verlanisation des mots trisyllabiques, d’après ces exemples nous constatons que la règle générale telle qu’elle est proposée par Méla (1991) suit relativement ce qui se produit pour les dissyllabiques, sauf que la consonne d’attaque pour le mot verlanisé peut être la deuxième ou la troisième consonne. Cependant, à la suite de l’auteur on peut noter qu’il existe des formes verlanisées qui ne reflètent pas le nombre de syllabes de départ. En effet,

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certains mots verlanisés restent sujets aux préférences des usagers de sorte qu’ils peuvent avoir plusieurs équivalents à la fois. Cela complique la possibilité de dégager des règles précises de constructions verlaniques en fonction de la structure syllabique rencontrée. De même qu’il assure pleinement le but de mystification recherchée en déroutant davantage les locuteurs non initiés ; exemples : Déchiré   ; Carotté   ; Défoncé   ; Galéré  .