• Aucun résultat trouvé

Une terminologie étrangère aussi ambiguë

l’appellation « centre commercial »

Z. A.C 169 , de zones commerciales, de zones d’activités marchandes, de complexes commerciaux 170 ou comme nous l’avons mentionné précédemment de lotissements commerciaux 171 Selon cette

2.1.1.4 Une terminologie étrangère aussi ambiguë

A priori, puisque l’expression française centre commercial et ses dérivés semblent si déli-

cats à manier, et puisqu’il n’existe que rarement des correspondances exactes entre langues, peut- être aurions-nous plus de chance de trouver une expression qui fasse l’unanimité sur son sens en langue anglaise par exemple. Dans le cas même où cette entreprise serait vouée à l’échec, au moins nous permettra-t-elle de compléter notre arsenal terminologique et d’entrevoir des formes commer- ciales pas forcément mises en avant lors de notre examen « français ».

Pour ce qui est de l’urbanisme commercial, même si nous comptons nous limiter au cas français, riche en spécificités, les apports étrangers et notamment américains devraient être répan- dus. En effet, il est incontestable qu’une influence américaine s’est fait sentir dans l’évolution des formes et espaces commerciaux. Le continent nord-américain a ainsi pu faire figure de précurseur, notamment dans les domaines de la grande distribution. Or, il est vraisemblable que ces apports concrets se sont accompagnés d’emprunts terminologiques. Ce petit détour linguistique, nous allons le voir, semble d’autant plus justifié que la grande majorité des termes anglo-saxons que nous répertorions ici sont de plus en plus largement usités en France. Néanmoins, nous les rencontrons pour la plupart encadrés de guillemets propres à tout emprunt étranger non véritablement assimilé.

Peut-être, trouverons-nous à l’examen de termes étrangers, une certaine justesse non per- mise par une terminologie francophone trop approximative à force de se vouloir trop riche.

La formule centre commercial correspondrait ainsi au « shopping centre » de la termino- logie britannique et au « shopping center » de la terminologie américaine. Mais, malheureusement, il semblerait que ces formulations recèlent les mêmes défauts que ceux dénoncés pour l’expression centre commercial. La même ambiguïté zone commerciale / centre commercial intégré y est ainsi sous-jacente : ils désignent, dans leur sens large, un espace où des magasins ont été bâtis ensemble, (une même origine semblant être le seul distinguo opéré), mais dans la pratique désignent souvent des centres commerciaux intégrés174.

Mais, de surcroît, les Anglo-saxons parlent encore de « malls », terme qui n’aurait pas de véritable équivalent en langue française. Selon le Cobuild Learner’s Dictionary, dictionnaire anglais non spécialisé, un mall (ou mail) est un espace commerçant où les véhicules automobiles ne sont pas autorisés175. Derrière une telle définition, nous pouvons bien sûr inclure les espaces commerciaux de type centre commercial intégré, mais la faiblesse d’une telle définition réside aussi dans le fait que nous pourrions y inclure tout espace piétonnier couvert ou non, où la fonction commerciale est développée.

Le critère discriminant serait alors l’accès aux automobiles, plus que la forme commer- ciale elle-même, zones commerciales ou rues marchandes à circulation motorisée autorisée étant exclues.

174

# Cobuild English Learner’s Dictionary, Londres et Glasgow, Larousse et Collins, 1989, p. 906 : « A shopping

centre is an area in a town where a lot o shops have been built close together »

Un autre équivalent serait le « latinisme » « plaza », dérivé du terme place, très employé en Amérique du Nord. Plaza est notamment employé pour désigner les « places » commerçantes des réseaux souterrains piétonniers, à Montréal par exemple.

L’équivalent anglais de centre commercial intégré serait alors plus « precinct »176 ou « shopping precinct », mais ce terme est exclusivement britannique, et donc non usité en anglais

américain, et, en outre, il est exclusivement utilisé pour des structures marchandes de centre-ville. Les centres commerciaux intégrés européens seraient dérivés de l’exemple américain, selon Jean- Luc Koehl :

« Ils seraient inspirés des shopping centers américains appelés EMAC (Enclosed Mail

Air Conditioned), c’est-à-dire des centres composés d’un mail fermé, à air conditionné, reliant

deux magasins d’attraction (magnet177). »178

Néanmoins, la formule « shopping center » ne désigne parfois que les centres commer- ciaux intégrés. C’est notamment cette acception de l’appellation « shopping center » que retient dès 1970, la géographe Bernadette Mérenne-Schoumaker. Elle reprend en cela une définition de l’Urban Land Institutes de Washington :

« Par shopping center, on entend un groupe d’établissements commerciaux qui sont conçus, construits, possédés et exploités comme une entité, qui disposent de parkings propres hors rue et dont la localisation, la surface de vente et le choix de magasins sont en relation avec la zone commerciale179 qu’il dessert et qui est située généralement dans une zone extérieure ou suburbaine. »180

Cette définition, somme toute applicable à tout aire commerciale concertée et gérée comme un ensemble, est en effet aussitôt quelque peu précisée par Bernadette Mérenne- Schoumaker :

« Le shopping center a donc une unité architecturale et appartient souvent à une per- sonne ou à une firme. »181

Mais, il est à noter que, pour cet auteur, l’expression « shopping center », plus qu’une tra- duction mot à mot, est une alternative à l’expression « centre commercial » comme elle le précise dans un article ultérieur :

« Un « shopping center » est, rappelons-le, un centre commercial conçu, réalisé et ex- ploité en tant qu’une unité.

Il correspond donc à une concentration commerciale particulière qui se distingue des

176

id. p. 758 : « In Britain, a shopping precinct is a specially built shopping area in the centre of a town, in which cars

are not allowed. »

177

Nous dirions en français « locomotive ».

178

# KOEHL Jean-Luc. Les centres commerciaux, Paris, PUF, coll. Que Sais-Je ?, 1990, p. 10

179

Attention ! L’expression « zone commerciale » est ici employé dans un sens guère usité aujourd’hui. Nous parlons plus volontiers d’aire de chalandise ou d’aire d’influence commerciale.

180

Cité in " MÉRENNE-SCHOUMAKER Bernadette. « Evolution récente de la distribution et shoppings centers. En exemple, le shopping center de Genk » in Bulletin de la Société de géographie de Liège, Université de Liège, n°6 de décembre 1970, p. 94

autres concentrations, en particulier d’un centre commercial classique ou d’une rue bordée de magasins, par les traits suivants :

- le « shopping center » est conçu, planifié et réalisé par une même personne juridique (grand magasin, société immobilière, promoteur, etc.) ;

- les magasins sont presque toujours loués ;

- le centre constitue un ensemble architectural ;

- il est situé à un endroit d’accès facile, le plus souvent à proximité de grandes artères ;

- il est doté d’une vaste aire de parcage gratuit ;

- il comprend divers types de magasins, voire de services, selon une structure préétablie as- surant l’équilibre entre les diverses unités tout en ne supprimant pas la concurrence ;

- les commerçants sont groupés pour assurer la promotion du centre. »182

Pour le sociologue Ricardo Freitas, auteur d’une thèse sur les centres commerciaux183, un

mall est un shopping center, mais où les fonctions extra-commerciales et sociales sont plus affir-

mées qu’à l’accoutumée. Dès lors, rentrent cette fois en considération, non plus les seuls critères de position ou de structure mais aussi ceux du rapport aux autres formes de centralités.