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Offre et demande : indépendance ou interdépendance

$ Les conditions de la lisibilité

1.2. Structure des centralités : la place de la fonction

1.2.1 Cause ou conséquence, offre et demande : la dérive fonction naliste

1.2.1.1 Offre et demande : indépendance ou interdépendance

Ne faire reposer les centralités que sur l’appréhension d’une offre a des implications. Cela suppose en effet, de réfléchir aux liens que nous devons voir entre l’offre et ce qui semble être son évident complément, la demande. La traditionnelle confrontation offre-demande n’est en rien dé- passée. Simplement, il serait maladroit de vouloir lier l’une et l’autre sans précautions.

L’ambiguïté du binôme offre-demande repose sur le problème de l’antériorité de l’offre et de la demande, trop souvent mésestimé. A trop vouloir lier offre et demande, on en oublier que deux situations bien distinctes sont rencontrées :

- Il y a une demande estimée Destimée. Cette demande peut susciter une offre O censée être adaptée à la demande D.

- Il y a une offre O’. Cette offre trouve preneurs. C’est donc qu’il y a une de- mande Dsatisfaite pour cette offre.

Or, on a tendance à vouloir lier hâtivement ces deux cas. Ainsi, on part du principe que l’offre ne sera idéale que si la demande qui trouve preneur (Dsatisfaite) et la demande à l’origine de l’offre (Destimée) sont égales. O’ et O se confondent donc si et seulement si D’ et D sont identiques. C’est-à-dire que l’offre ne serait viable que s’il y a complète adéquation offre-demande. La de- mande insatisfaite Dinsatisfaite doit alors être nulle.

Donc l’offre idéale serait celle qui répond aux deux formules suivantes : Dsatisfaite = Destimée et Dinsatisafaite est nulle

C’est oublier que la réussite de l’offre n’est pas conditionnée à la demande Destimée pour deux raisons :

- Destimée peut être erronée. Le reliquat sera qualifié de demande imprévue Dimprévue. Par conséquent, l’offre peut répondre à une demande différente de Destimée, celle qu’on appellera Dimprévue, qui peut être mésestimée voire non visée mais néanmoins

réelle. Est-ce pour autant que l’offre proposée est inadaptée ? Bien évidemment

non, car si elle ne répond pas à Destimée, la demande perçue, elle répond à Dimprévue, la demande qui s’approprie l’offre, et par conséquent l’offrant peut éventuelle- ment y trouver son compte. Ce n’est alors pas l’offre qui est inadaptée, ce peut être tout simplement l’estimation de la demande qui est erronée, la demande réelle étant égale à Destimée + Dimprévue.

- L’offre O’ peut créer une demande Dnouvelle jusqu’alors inexistante. C’est alors une volonté délibérée d’élargir les perspectives de la demande estimée Destimée.

Par conséquent, l’offre idéale sera plutôt celle qui satisfait aux deux formules suivantes : Dsatisfaite = Destimée + Dnouvelle + Dimprévue et Dinsatisafaite est nulle

Nous nous rendons compte que la relation entre offre-demande s’en trouve assurément complexifiée. Or, si la demande imprévue a tout comme la demande estimée une origine extérieure à l’offre, la demande nouvelle trouve son essence même dans la nature et la valorisation de l’offre. Et ainsi, on en arriverait à justifier l’offre par l’offre elle-même, à trop vouloir la regarder à la lueur de la demande…A vouloir trop lier ces deux phénomènes, en soulignant leur indépendance et en refusant de prôner l’antériorité de l’une sur l’autre, on arrive à une situation de blocage pour le moins stérile.

Or, nous avons précédemment défini le fait qu’une étude de la centralité passe inévitable- ment par l’appréhension d’un contenu, et donc d’une offre existante. Il en résulte, si nous nous tenons à cette définition41, que seule la seconde situation offre-demande (qu’advient-il de l’offre ?) nous intéresse. En effet, peu nous importe la demande supposée qui a éventuellement suscité l’offre, ce qui compte c’est quel est l’impact de cette offre. Il ne s’agit pas de nier l’existence de la demande comme génératrice d’offre, il s’agit de faire un choix visant à nous éviter tout positionnement ambigu. L’offre doit toujours être au départ de notre raisonnement.

Bien sûr, des essais et autres simulations auront permis a priori de jauger cet impact avant même que l’offre existe. Et pourtant, la réalité est très souvent différente a posteriori. Ce sont tous ces travers négligés par les études d’impact qui vont justifier l’écart entre la centralité efficace du lieu et la centralité prévue.

C’est pourquoi l’analyse d’un lieu de centralité ne saurait se faire à travers un aperçu de la demande, mais doit nécessairement se faire sans préjugés de causes ou anticipations de résultats. Il est plus facile a priori d’embrasser avec exhaustivité une offre, ses qualités et défauts, que de connaître pleinement les rouages de la demande. L’individu qui fréquente ou ignore un espace public connaît-il les statistiques de fréquentation du dit lieu (c’est-à-dire les résultats de l’offre) ou les pronostics des promoteurs ou aménageurs ? Au mieux en a-t-il de vagues idées. Et pourtant, il apprécie, il fréquente ou à l’inverse se désintéresse du lieu en question, voire ne le connaît pas. Donc, il s’approprie ou ne s’approprie pas une offre, un contenu ou du moins ce qu’il en perçoit. Alors c’est uniquement dans cette offre qu’il nous faut chercher la clé de l’analyse de la centralité, puisque les autres éléments ne sont que supputations.

Il serait évidemment facile d’expliquer l’échec de telle ou telle offre en disant qu’elle ne correspond pas à la toute puissante Demande. Bien sûr, il serait facile de dire que si le potentiel d’un lieu ne s’est pas converti en potentiel exploité, c’est parce qu’il ne répond pas à une demande. S’il y a une offre mais qu’il n’y a personne qui achète, on va dire que c’est parce qu’il n’y a pas de demande pour l’offre en question, et donc qu’il n’y a pas adéquation offre-demande. Mais ce n’est pas nécessairement le cas. Il faudra sûrement plus chercher l’explication dans la lisibilité de l’offre.

L’offre pourrait ainsi ne pas être directement « appropriable » par les individus susceptibles d’en vouloir : présence d’un autre lieu de centralité à l’offre similaire ou supérieure plus lisible, absence des conditions d’une bonne lisibilité en dépit de l’absence de concurrence… Encore faut-il connaî-

tre, puis se sentir concerné par l’offre pour se l’approprier. La réussite est donc peut-être avant tout

un problème interne à l’offre.

Expliquer la vie, et donc la centralité, d’un lieu par une analyse de sa seule fréquentation (c’est-à-dire par un résultat) cela serait oublier que c’est avant tout parce que ce lieu « a quelque chose », de plus ou moins cernable, de plus ou moins définissable, mais indiscutablement présent (une offre).