• Aucun résultat trouvé

Logique binaire, logique d’approximation

Chapitre Premier Lieux marchands et centralités urbaines : de trop faciles lectures C

1.2. Tenue en respect ou paix des braves

1.2.2 Logique binaire, logique d’approximation

Le travers qui consiste à faire de la ville émergente une force conflictuelle vis-à-vis du centre-ville traditionnel semble avoir d’autres implications qui vont au-delà de la simple assimila- tion centre-ville / petit commerce et périphérie / grande distribution.

Nous avons précédemment développé deux discours qui s’appuient sur deux types d’opposition centres-périphérie :

1. un premier qui faisait de la périphérie tant par les formes commerciales que par les contenus un opposé strict du centre-ville : le centre-ville serait plus cossu, plus cher, et aurait une of- fre anomale et haut de gamme proposée essentiellement par des petits commerces…

2. un second qui faisait des centres-villes l’exact pendant des entrées de ville, à savoir une concentration marchande à gérer en globalité, à l’offre riche et variée, même si les concepts de vente demeurent assujettis aux contraintes du site.

La première proposition reviendrait à un rejet de la mixité commerciale (certains types de commerces dans des zones spécifiques de périphéries, d’autres en centre-ville) et à l’établissement d’une hiérarchisation des lieux marchands en fonction du contenu de l’offre et de la forme commer- ciale.

Dès lors, il y aurait une spécialisation de facto des centres au moins en fonction du niveau de gamme. Cela laisserait supposer l’établissement d’un différentiel commercial, et l’établissement d’un gradient d’anomalité des lieux de centralité en fonction de leur proximité au centre-ville de l’agglomération. Ce phénomène de gradient a des implications :

- Une périphérie ne serait pas plus un lieu de centralité complet que ne le serait un centre-ville, puisqu’ils abriteraient l’un comme l’autre des offres incomplètes. - L’entre-deux serait tributaire de son accessibilité qui en ferait l’espace tantôt le

mieux loti (s’il est bien relié au centre et aux entrées de ville), tantôt le moins bien loti si l’accessibilité aux pôles commerciaux y est médiocre. Et de ce fait les lieux renfermant le plus de centralité liée au commerce ne seraient pas nécessairement là où on les y attend.

Cette distribution sectorielle et qualitative au sein d’une agglomération aurait un corollaire qu’il serait là encore hasardeux de franchir. Il supposerait d’une part que chaque consommateur fasse ses achats courants en périphérie et ses achats rares en centre-ville. Certes, c’est souvent le

328

!LEBRUN Nicolas. « Quelle commune mesure entre la centralité classique et la centralité commerciale d'entrée de ville ? » in Les dimensions économiques de la centralité : mutations économique, villes et agglomérations, Tours, Journée praticiens-chercheurs du Pôle d'Initiative Régional en région Centre, 23 novembre 2000

cas, dans la mesure où l’offre généraliste est beaucoup plus présente en périphérie, et où certains services et commerces rares ne sont présents qu’en centre-ville. Mais, il faut néanmoins reconnaître certains types de comportements, tels qu’un attachement fort des populations des centres-villes à leurs commerces.

Le problème de la centralité des espaces intermédiaires entre pôles complémentaires nous renvoie aux schémas développés par William Alonso dès les années soixante329. Le critère d’évaluation de la situation retenu par W. Alonso était le coût du sol, qui peut effectivement dans des approches générales être un excellent indicateur330.

F Fiigguurree1188::MMooddèèlleeddAAlloonnssooeettcceennttrreessccoommpplléémmeennttaaiirreess E Exxttrraaiittddee##AALLOONNSSOOWWiilllliiaamm..LLooccaattiioonnaannddllaanndduussee..TToowwaarrddaaggeenneerraalltthheeoorryyooffllaannddrreenntt,,CCaamm-- b brriiddggee((UUSSAA)),,HHaarrvvaarrdd UUnniivveerrssiittyyPPrreessss,,11996644,,pp..113399.. L Leesséélléémmeennttssddeellaaffiigguurreeccii--ddeessssoouussssoonnttpprréésseennttééssccoommmmeessuuiittppaarrWW..AAlloonnssoo::««AAttppooiinntt AAiissaannooffffiiccee a annddsshhooppppiinnggcceenntteerr,,aannddaattBBaammaannuuffaaccttuurriinnggcceenntteerr..SSoommeeoofftthheeppooppuullaattiioonnbbootthhsshhooppssaannddwwoorrkkssaatt A A,,aannddhhaassaabbiiddpprriicceeffuunnccttiioonnssuucchhaassPPiiiinntthheelloowweerr ppaarrtt ooff tthheeffiigguurreess..TThhee rreesstt oofftthheeppooppuullaattiioonn w woorrkkssaatt BBbbuutt sshhooppssaatt AA,,aannddhhaassaattwwiinn--ppeeaakkeeddbbiiddpprriicceessuurrffaacceessuucchh aass ppjj ,, ffooccuusseeddaarroouunnddbbootthh c ceenntteerrss.. TThhee mmaapp ddiissttrriibbuuttiioonn ooff tthhee ppooppuullaattiioonn iiss sshhoowwnn ddiiaaggrraammmmaattiiccaallllyy iinn tthhee uuppppeerr ppaarrtt ooff tthhee f fiigguurreess..TThheesshhaaddeeddaarreeaassaarreeooccccuuppiieeddbbyytthhoosseewwhhoobbootthhwwoorrkkaannddsshhooppaatt AA..IIffffaaccttoorrssssuucchhaassssttaattuuss s syymmbboollssaarreeccoonnssiiddeerreedd,,tthhiissttyyppeeooffaannaallyyssiissccaannggeenneerraatteeaa““sseeccttoorrtthheeoorryy””ssiimmiillaarrttootthhaattHH..HHooyytt.. »»

Néanmoins, si sur la figure reprise ci-dessus la nature des pôles A et B renvoie à une com- plémentarité entre fonction commerciale et emplois, il ne serait pas fantaisiste d’envisager un même type d’approche entre complémentarités au sein de la fonction marchande. C’est ce que nous vous proposons par la figure suivante.

329

# ALONSO William. Location and land use. Toward a general theory of land rent, Cambridge (USA), Harvard University Press, 1964, 206 pages.

330

Mais dont l’usage peut s’avérer délicat lorsqu’il s’agit de s’intéresser à la centralité induite par une seule fonction : le prix du sol dépend d’un nombre de facteurs importants.

F Fiigguurree1199::CCeennttrraalliittéémmaarrcchhaannddeeeettccoonncceennttrraattiioonnssddeeccoommmmeerrcceessccoommpplléémmeennttaaiirreess F FiigguurreeNN..LLeebbrruunn22000022dd’’aapprrèèssWW..AAlloonnssoo11996644 A A eettBB ssoonnttddeeuuxxccoonncceennttrraattiioonnssddeeccoommmmeerrcceess,,AA ééttaannttuunneeccoonncceennttrraattiioonnddeeccoommmmeerrcceesspplluuttôôttggéénnéérraa-- l liissttee,,BB uunneeccoonncceennttrraattiioonnddeeccoommmmeerrcceesspplluuttôôttssppéécciiaalliissééee P PiirreennvvooiieeààllaappooppuullaattiioonnffrrééqquueennttaannttuunniiqquueemmeennttllaaccoonncceennttrraattiioonnddeeccoommmmeerrcceessAA P PjjrreennvvooiieeààllaappooppuullaattiioonnffrrééqquueennttaannttlleessccoonncceennttrraattiioonnssddeeccoommmmeerrcceessAAeettBB R Reemmaarrqquuee::SSiillaappooppuullaattiioonnffrrééqquueennttaannttllaaccoonncceennttrraattiioonnddeeccoommmmeerrcceessAAeessttééggaalleeààPPii++PPjj,,nnoouussnnee d deevvoonnss eenn aauuccuunn ccaass pprrooccééddeerràà uunn mmêêmmee ccuummuull ppoouurr éévvaalluueerrllaa cceennttrraalliittéé mmaarrcchhaannddee..EEnneeffffeett,, llaa f frrééqquueennttaattiioonneessttuunneeccoonnssééqquueenncceeddeellaacceennttrraalliittéémmaarrcchhaannddeeeettnnoonnll’’iinnvveerrssee::lleeccoonntteennuuddeeAA rreesstteellee m mêêmmeeeettaauuppooiinnttCCééqquuiiddiissttaanntteennttrreeAA eettB,B,lleesscceennttrreessrrééfféérreennttssA AeettB Brreesstteennttddeeppooiiddssccoommppaarraabbllee..

Bien entendu l’axe des ordonnées ne renverrait plus à un élément aussi quantifiable que le prix du sol, mais à une évaluation de la centralité marchande des points d’un axe AB reportés sur l’axe des abscisses. Pour l’instant, nous ne savons pas encore quels éléments définissent cette me- sure de la centralité marchande ; nous en reconnaissons simplement le principe.

La prise en compte dans le modèle d’Alonso d’attitudes différenciées nous fait prendre conscience, lors de l’adaptation que nous en faisons aux logiques marchandes de l’absolue nécessité de ne pas tomber dans des travers manichéens :

- D’une part, cette mobilité sélective impliquée par un partage n’est pas aussi automatique qu’il n’y paraît, puisqu’on arrive à –et on doit– distinguer plu- sieurs types de comportement.

- D’autre part, cela serait mal regarder le contenu réel des pôles périphériques331 et des centres-villes.

Nous nous doutons bien que cette identification de deux mondes marchands présente comme risque principal d’instaurer une logique binaire caricaturale là où les choix ne sont pas au demeurant aussi simples. Mais, pour le moment, il faut nous contenter de dresser un état des lieux avant de chercher à montrer les failles de ces raisonnements récurrents. L’heure est au constat, la remise en cause d’apparentes évidences ne doit intervenir que dans le point 3 du présent chapitre, alors, que nous aurons bien embrassé ses schémas récurrents, mais aussi leurs tenants et aboutis- sants.