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Mais en aucun cas cela ne saurait nous dispenser de réfléchir sur les centralités urbaines. En effet, on ne cherche pas sans cesse à redéfinir la ville, à saisir son urbanité ; ainsi nous essayons seulement pour notre part de voir en quoi une fonction par la centralité qu’elle génère participe à la logique urbaine. La quête de la centralité induite par une fonction urbaine ne sert pas seulement à voir en quoi la ville est centrale vis-à-vis des espaces environnants : elle participe plus à un effort d’introspection sur le fonctionnement interne à la ville.

Il est à noter que cette opération de prise en compte des relations entre la fonction urbaine considérée et les autres fonctions urbaines est une des conditions d’une bonne lisibilité fonction- nelle. La mise en situation (nous parlons de centralité intégrée (!)) est un aspect du passage de l’approche de la centralité de la fonction étudiée à sa centralité efficace. Replacer les fonctions les unes par rapport aux autres, en dépit du fait que nous soyons toujours dans l’approche de fonctions, participe donc déjà à un effort de remise en situation réelle. De ce fait, par cet exercice, on fait déjà bien plus que d’appréhender la seule centralité fonctionnelle75.

2.2.

La ville, ensemble de lieux de centralité

A considérer la ville comme un lieu de centralité, nous avons été amené à la considérer comme un espace homogène où s’articulent des fonctions qui lui sont spécifiques.

Pour autant l’appréhension des relations entre fonctions ne saurait nous dispenser de considérer la ville comme un espace hétérogène, où certains lieux détiennent plus de centralité que d’autres. Notre volonté de mener une étude à l’échelon intra-urbain nous impose de ne plus considé- rer la ville uniquement comme un espace central, mais comme un ensemble de lieux de centralité.

2.2.1

Les centres dans la ville : de la ville centrée à la ville émer-

gente

2.2.1.1

Centre-ville :

$ Une expression à la définition ambiguë, prétexte à l’analyse intra-urbaine

Ainsi, à l’intérieur de l’espace urbain, on a coutume d’extraire un centre-ville. Cette ex- pression de centre-ville, par son ambiguïté, doit susciter toute notre attention. En effet, si la ville comme nous venons de l’affirmer « concentre », c’est-à-dire rassemble en elle-même des réalités

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D’où la dissociation dans la figure 1, entre les cas 3 et 5 d’une part, qui participent à l’appréhension de centralités fonctionnelles, et les cas 2 et 4 d’autre part, qui prennent en compte les aspects relationnels entre fonctions.

diverses, parler de centre-ville pose des problèmes d’appréhension à l’échelle urbaine. At- tribuer un centre à un lieu central, c’est cautionner une « escalade » dans la centralité qui ne se justifie peut-être pas.

Si la ville n’a de raison d’être que par sa centralité - nous y reviendrons -, y chercher un centre revient par là même à lui trouver une périphérie unique, c’est-à-dire un « hors-centre » pour reprendre la terminologie deRoger Caenen dans sa thèse76.Ou plutôt cela reviendrait à reconnaître l’existence d’une périphérie intra-urbaine d’une part, supra-urbaine d’autre part, et à réduire la ville à son centre. Cette dichotomie aurait pour conséquence de rendre quelque peu manichéenne et simpliste toute quête des centralités urbaines77, la centralité se focalisant en un lieu plus que dans tout autre. Se poserait alors le problème de la ségrégation intra-urbaine, après celui de la définition de la ville, auquel nous avons jugé bon de nous attacher afin de montrer ses implications avec la notion de centralité et de montrer que fonctions urbaines et fonctions centrales étaient deux notions connexes.

Certes, la ville prise dans son entier est un centre. Elle renferme des espaces centraux, a ses activités, ses symboles, ses fonctions. Mais ceux-ci sont plus difficiles à cerner qu’il n’y paraît de prime abord. Affirmer l’existence quasi-automatique d’un centre-ville, c’est biaiser toute appro- che intra-urbaine : c’est marquer la prégnance d’un centre alors que nous devons chercher des lieux de centralité.

Réduire un espace urbain à son centre présente un risque identitaire pour la ville prise dans son entier. C’est pourquoi il nous faut reconnaître l’urbanité et les fonctions urbaines comme caractéristiques de la ville prise dans son entier. Certes un ou des lieux dans la ville possèdent vraisemblablement plus d’attributs de centralité que d’autres ; mais de même que l’urbanité naît de l’interaction entre fonctions urbaines et non de la simple accumulation de ces dernières, elle naît de l’interaction entre espaces intra-urbains et non de la simple juxtaposition de lieux de centralité. Cela nous oblige, certes, à des concessions ; certains lieux étant dépourvus de fonctions urbaines, on qualifie volontiers de fonction l’accumulation résidentielle, « ce qui est proprement un non-sens »78 mais demeure somme toute pratique.

Bien entendu, le terme centre-ville pris dans sa dimension la plus courante, c’est-à-dire dans le cadre d’une analyse intra-urbaine ne présente pas de telles ambiguïtés. Tout au plus n’arrive-t-on pas à en saisir le poids et les contours exacts. C’est du balancement entre échelle intra- urbain et supra-urbaine que naissent toutes les ambiguïtés. Pour autant considérer la ville comme un lieu de centralité, puis comme un ensemble de lieux de centralité était pour nous deux étapes indis- pensables : la première à laquelle nous nous sommes précédemment attachés a permis de rappeler les attributs urbains ; la seconde, celle qui nous occupe maintenant, nous permet d’appréhender la diversité interne à la ville. C’est pourquoi, l’examen de cette formule « centre-ville » doit pour nous

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# CAENEN Roger. Le commerce à Lille – Contribution à l’étude géographique du commerce de détail séden- taire des années 1960 aux années 1980, Université Paris I, thèse de Doctorat d’Etat, 1992

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Nous reviendrons sur cette vision manichéenne de l’espace intra-urbain dans la seconde partie de cette thèse.

être l’occasion « d’entrer dans la ville » et donc de recentrer le débat à l’échelle de notre recherche, c’est-à-dire au niveau intra-urbain. L’approche supra-urbaine ne doit donc n’être qu’une nécessaire parenthèse qui nous permet désormais de mieux nous affranchir de cette échelle et d’entrer « définitivement » dans la ville.