• Aucun résultat trouvé

Centre commercial et centre commercial intégré : approche large, approche restrictive

l’appellation « centre commercial »

2.1.1.3 Centre commercial et centre commercial intégré : approche large, approche restrictive

L’une des ambiguïtés les plus récurrentes de l’expression « centre commercial » réside dans les limites qui lui sont données. Deux définitions coexistent, l’une large, celle que nous avons déjà évoquée, l’autre beaucoup plus restrictive.

Ainsi certains n’appellent centre commercial que les regroupements de commerces dans un même bâtiment. Une grande surface qui accueille des boutiques dans une galerie marchande peut être à ce titre qualifiée de centre commercial. Une telle homogénéité structurelle est le reflet, inévi- tablement, d’une homogénéité de conception, un centre commercial étant alors nécessairement un élément pensé comme un tout.

Sur cette définition de centre commercial au sens restrictif, s’est greffé tout un arsenal terminologique. Ainsi, quand il atteint un certain seuil, on parle parfois de centre commercial

régional ou C.C.R., comme si le simple examen de la surface de vente incluse dans un même bâti-

ment était directement proportionnel à l’influence de l’ensemble sur une aire régionale. D’ailleurs, cet ajout du facteur « région » ne fait que compliquer inutilement le contenu de l’expression : nous comprenons bien que ce terme région semble devoir désigner une aire d’influence qui outrepasse en

165

Jacqueline Beaujeu-Garnier insistait sur ce critère de différenciation : « Ne pas confondre « centre commerçant » et

« centre commercial ». Ce dernier est le résultat d’une action concertée ; le premier celui d’un développement spon- tané » ( " « Le vocabulaire de la géographie du commerce par la Commission « Activités commerciales » » in

Analyse de l’Espace, Paris, AUREG, Cahier n°3-4, 1976, p. 12). ). Cette remarque suffit à souligner la fréquence de la confusion.

importance le simple cadre urbain ou intercommunal166, mais quelle emprise réelle accorder à cette région167 ? Nous parlerions alors de grand centre commercial que le contenu de l’expression n’en serait pas véritablement affecté, la notion de taille n’étant somme toute pas plus floue que celle de région… Parfois, sont qualifiés de centres commerciaux régionaux des centres commerciaux qui ont un pouvoir d’attraction important, ce dernier n’étant pas nécessairement proportionnel à la surface commerciale ou au nombre d’enseignes. L’emploi de cette formule répond parfois à une logique de marketing, le qualificatif de « régional » suggérant une importance pas toujours réelle.

On en vient à envisager de véritables classifications des centres commerciaux, dans les- quelles superficie du bâtiment, nombre de commerces et dans une moindre mesure localisation, semblent induirent proportionnellement zones de chalandise et appellation. Nous devons d’autant plus prendre en compte de telles classifications qu’elles sont diffusées par des organismes qui conçoivent ou régissent de tels espaces (cf. Tableau 6 : Who’s who des produits commerciaux, page 95). La classification proposée dans ce tableau s’avère très proche de celle développée par d’autres organismes, tant par ses seuils que par ses critères.

Mais quel crédit accorder à une classification et une terminologie qui privilégient tantôt l’aire d’influence (centre commercial régional et centre commercial intercommunal), tantôt le lieu d’implantation et le standing (centre commercial de cœur de ville historique), tantôt la forme (galerie marchande et lotissements commerciaux) ? Si le centre commercial est considéré, comme cela semble être ici le cas, comme un ensemble dans un même bâtiment pourquoi ne pas qualifier la galerie marchande de centre commercial ? De même, notons la dernière catégorie, celle des lotisse- ments commerciaux, qui inclut ici toute zone commerciale conçue et gérée comme une seule entité, le critère gestion se substituant alors au critère unité de la structure commerciale.

Si l’Agence On Site, dans ce document, mélange des espaces marchands intégrés ou non, c’est justement parce qu’elle s’appuie sur l’idée d’un ensemble géré comme un tout, plus que sur une délimitation d’ordre infrastructurel (« Un centre commercial est un ensemble d’au moins 20

magasins et services totalisant une surface utile minimale de 5 000 m² conçu et géré comme une entité »).

166

Une catégorie, intermédiaire entre C.C.R. et petits centres commerciaux, regroupant des centres commerciaux inter- communaux est même parfois évoquée. Mais il nous faut reconnaître que son emploi est beaucoup moins répandu que celui de centre commercial régional. Bâtie sur le même modèle que l’expression centre commercial régional, elle semble d’ailleurs vouloir s’attacher une légitimité spatiale tout aussi tangible. Le document suivant (tableau 6, page suivante) qui nous présente la « classification officielle » retenue par les organismes français qui chapeautent les cen- tres commerciaux, traduit cette hiérarchisation.

167

Cette ambiguïté du terme « région » est notamment celle dénoncée par Alain Reynaud (# REYNAUD Alain. Le concept de classe socio-spatiale. La notion de région dans son contexte social, Travaux de l’Institut de Géographie de Reims, n°38 de 1979, p. 3), qui lui substitue le terme de « classe socio-spatiale ». Il est d’ailleurs symptomatique de constater qu’une même démarche nous motive, à savoir partir d’un terme répandu mais galvaudé, en dénoncer les fai- blesses, et enfin lui substituer une formule neuve bâtie par l’auteur. « Substituer classe socio-spatiale à région ne

représente pas simplement une modification de vocabulaire mais oblige à s’interroger et à « construire » ce concept, c’est-à-dire à en préciser le sens et à en dégager la problématique qui lui est associée » précise Alain Reynaud. Rem-

placez le terme « région » par l’expression « centre commercial » et « classe socio-spatiale » par « concentration de commerces », et vous retrouveriez dans nos propos un même credo.

T Taabblleeaauu66::WWhhoosswwhhooddeesspprroodduuiittssccoommmmeerrcciiaauuxx S Soouurrccee::DDEESSMMOOUULLIINNSSCChhrriissttiinnee..««LLeeccoommmmeerrccee,,ffoonnccttiioonnnnaalliittééeettaarrcchhiitteeccttuurree»»iinnAArrcchhiiccrréééé,,PPaarriiss,, n n°°227755ddee11999977,,pp..4477dd’’aapprrèèssll’’AAggeenncceeOOnnSSiittee..

Un centre commercial est un ensemble d’au moins 20 magasins et services totalisant une surface utile minimale de 5 000 m² conçu et géré comme une entité. Fin 1995, il y en avait 507 en France. On distingue :

• Le centre commercial régional

Superficie : plus de 40 000 m² (avec un minimum de 80 magasins et services). Zone de chalandise : 250 000 à 500 000 personnes.

Localisation : le plus souvent en périphérie et intégrés dans de vastes programmes multifonctionnels. Exem- ples : Parly 2 (Le Chesnay), Créteil Soleil, La Part-Dieu (Lyon)

• Le centre commercial intercommunal

Superficie : supérieure à 20 000 m² (minimum de 40 magasins et services) Localisation : centre-ville ou périphérie

Exemples : Beaulieu (Nantes), Mériadeck (Bordeaux), Valentine (Marseille), Bercy 2 (Charenton) • Galerie marchande

Superficie : de 5 000 à 10 000 m² (minimum de 20 magasins et services) Localisation : périphérie ou centre-ville des villes moyennes ou grandes. Zone de chalandise : 50 000 à 150 000 personnes.

Exemples : La Rotonde (Béthune), Centr’Azur (Hyères)

Contraintes : elles doivent de préférence se développer sur un seul niveau, disposer d’une locomotive et ne pas déboucher sur un no man’s land.

• Centre commercial de cœur de ville historique

Superficie : 5 000 à 20 000 m² dotés de moyennes surfaces spécialisées, le plus souvent non alimentaire. Zone de chalandise : attraction lointaine qui peut atteindre plusieurs centaines de milliers d’habitants.

• Lotissements commerciaux

Superficie : regroupement de moyennes surfaces, le plus souvent autour d’un hypermarché, sur des zones assez étendues

Localisation : bordure des grands axes périphériques, entrées de ville.

Tantôt unité de gestion, tantôt unité infrastructurelle, le centre commercial peut aussi être défini comme unité de propriété. C’est ainsi la définition retenue par François Colbert et Robert Côté :

« Le centre commercial est un ensemble de magasins contigus qui sont la propriété d’une firme ou d’un individu qui les loue à des marchands. » 168

Mais, par amalgame, des zones commerciales imposantes sont parfois qualifiées de cen- tres commerciaux régionaux bien qu’elles ne regroupent pas les commerces sous un même toit et que par conséquent elles ne répondent pas à la définition restrictive de l’expression centre commer- cial que nous avons précédemment énoncée… Cette nouvelle approximation terminologique crée encore plus la confusion dans les esprits lorsque nous envisageons le cas, fréquent, d’un ensemble

168

# COLBERT François et COTÉ Robert. Localisation commerciale, Boucherville (Canada), Gaëtan Morin Editeur, 1990, p.43.

marchand dans un même bâtiment, qualifié de centre commercial régional, lui-même situé dans une zone commerciale qui, prise dans sa globalité, est nécessairement d’importance régionale…

Or si nous n’appelons centre commercial que les espaces commerciaux regroupés dans un même bâtiment, cela suppose alors que nous trouvions un autre terme pour les concentrations de commerces formées de plusieurs bâtiments. On parle alors de zones d’activités commerciales ou

Z.A.C.169, de zones commerciales, de zones d’activités marchandes, de complexes commerciaux170